La visite à Paris des ministres japonais des Affaires étrangères et de la Défense marque aujourd’hui un nouvel élan des relations franco-japonaises, avec la mise en œuvre d’un partenariat « exceptionnel », selon les termes de Laurent Fabius. Cette visite intervient sur fond de tensions exacerbées entre Tokyo et son puissant voisin chinois.
L’un des objectifs de cette visite pour les Japonais était justement d’expliquer les positions de Tokyo face à celles de la Chine dans leurs différends. Notamment en ce qui concerne le conflit autour des îles Senkaku, revendiquées par Pékin sous le nom Diaoyu.
Tensions en mer de Chine
Le Japon se sent de plus en plus menacé par la politique très expansionniste de Pékin, sur le plan économique bien entendu mais aussi militaire et territorial. Fin 2013, la Chine a décrété plusieurs zones d’exclusion aérienne, pour s’assurer le contrôle de la mer de Chine où elle est en conflit territorial avec plusieurs pays voisins.
Le ministre Laurent Fabius l’a rappelé ce jeudi 9 janvier pendant la conférence de presse qui a suivi les discussions : il n’est pas question de prendre parti sur des questions de souveraineté. Mais, a-t-il ajouté, la France est préoccupée par la montée des tensions dans la région, et il faut que toutes les formes de dialogue soient mises en œuvre.
Autre point de friction, la visite du Premier ministre Shinzo Abe au sanctuaire de Yasukuni en décembre, et son intention d’y retourner. M. Abe sait pourtant que chaque visite est vécue comme une provocation par la Chine et la Corée du Sud. Car ce sanctuaire religieux shintoïste, dédié à plus de deux millions de soldats tombés au combat, abrite les noms de 14 militaires japonais condamnés comme criminels de guerre par les alliés après 1945.
Il s’agit là d’une question « mémorielle », estiment les Français. Il n’est donc pas question non plus, sur ce point, de s’ériger en donneur de leçons, officiellement du moins. Car la politique très nationaliste de Shinzo Abe agace ses partenaires occidentaux, lesquels le disent plus ou moins haut.
Un partenariat 2+2
Le partenariat mis en place implique à la fois la Défense et les Affaires étrangères car Paris considère que l’évolution de la politique japonaise ouvre de nouvelles perspectives dans la coopération sur les équipements de défense. C’est un point nouveau : Shinzo Abe a l’intention de modifier la Constitution pour pouvoir renforcer l’indépendance militaire du pays, donc acheter du matériel. Les Japonais sont particulièrement intéressés par les nouvelles technologies françaises. Il est question de drones, de robotique, de lutte contre la cybercriminalité… Cette coopération à visée dissuasive (pour les Japonais) est également destinée aux opérations de maintien de la paix.
Il a beaucoup été question des crises internationales entre les ministres, et notamment des crises africaines. La France veut que le Japon joue pleinement son rôle sur la scène internationale, et bien entendu en Afrique à ses côtés, dans le maintien de la paix et la résolution des conflits. Le Japon est engagé financièrement sur le dossier malien. Il intervient au Soudan du Sud et sur plusieurs autres fronts.
Tokyo a apporté son soutien politique à la France dans la crise centrafricaine. Sur ce dossier, rien n’a filtré aujourd’hui d’un engagement financier du Japon, mais il est à l’ordre du jour. L’accent est mis par ailleurs sur la situation dans la Corne de l’Afrique, la lutte contre la piraterie maritime ainsi que, sur un plan plus général, la lutte contre le terrorisme.