Le grin au Mali est un lieu de rencontre, de distraction,d’échanges, là où les jeunes de même génération et même les adultes,se réunissent autour du thé. Comme on le dit dans le langage courant « les oiseaux du même plumage volent ensemble ». Les gens viennent au grin par affinité.
Si on essaye de remonter l’histoire, le grin tire son origine du « ton » (groupe) de Ségou. A cette époque les enfants du même âge, de même sexe étaient circoncis en même temps. On leur apprenait « les domos » (les choses initiatiques), c’est-à-dire des rites et traditions.
Mais avec le cérémonial du thé, le grin a pris un autre sens.
Le grin a été d’abord un lieu de retrouvailles entre jeunes de même âge ou d’âge différent. Un cadre où nos valeurs sociétales ne sont pas principalement prises en compte. Si c’était un lieu de rencontre entre les jeunes du même âge et du même sexe, maintenant c’est entre les garçons et les filles. Les échanges ne sont pas aussi fructueux que cela. Ces échanges sont typiquement basés sur des débats stériles, des futilités, le sexe, mais rarement des sujets sérieux sont abordés.
Au grin les débats sont volontiers déclinés sur les sujets amoureux, ce que les copines ont fait, ou ce qu’elles envisagent de faire à leur mec. Selon Ousmane Traoré, au grin aujourd’hui on parle des femmes, de l’argent généralement. Rarement, les membres du grin s’expriment sur les sujets d’actualités car ils s’y intéressent peu.
Le grin qui était un lieu éducatif, de solidarité, de cohésion est devenu aujourd’hui autre chose. Il n’y a plus cet esprit de solidarité où les jeunes s’entre- aident mutuellement. « Au grin, c’est chacun pour soi, Dieu pour tous. Etre membre d’un grin ne suffit plus il faut faire partir d’un clan. Sinon dès que tu tournes le dos, on ne fera que parler de toi » souligne Alassane Diarra, un membre d’un des nombreux grins qui pullulent à Bamako.
Le phénomène est en quelque sorte en train d’encourager le chômage des jeunes. Il y a beaucoup de jeunes diplômés qui passent tout leur temps à boire du thé au grin en disant qu’il n’y a pas de travail.
C’est un phénomène qui interpelle tout le monde, toutes les couches de la société malienne. Malheureusement, nous assistons à la déperdition de nos moeurs et coutumes qui faisaient la fierté et la grandeur de la nation malienne, selon une tradition ancienne.
La conservation de ces valeurs inestimables incombe à tous les citoyens. Plus que jamais, en ces temps de crise, il faut un sursaut collectif pour que l’idéal reste intacte et soit préservé.
HABIBATOU COULIBALY
Source: Le Guido