«Il est du devoir du magistrat civil d’assurer, par l’impartiale exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu’un se hasarde de violer les lois de la justice publique établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment qui consiste à le dépouiller, en tout ou partie, de ses biens et intérêts civils, dont il aurait pu jouir et même dû jouir sans cela. Mais comme il n’ya personne qui souffre volontiers d’être privé d’une partie de ses biens, et encore moins de sa liberté ou de sa vie, c’est aussi pour cette raison que le magistrat est armé de la force réunie de tous ses sujets, afin de punir ceux qui violent les droits des autres.» (John Locke).
L’on dit souvent que les crimes économiques ont des effets dévastateurs pour l’être humain, mais plus dévastateurs sont ceux liés à la souillure de l’humain. Sans risque de se tromper, il faut dire que le plus grand crime commis par l’apache régime de Moussa Traoré contre le peuple travailleur malien, c’est la souillure profonde de l’être humain malien. Cela reste une évidence tant il est vrai que les investissements financiers viennent rapidement à bout des conséquences dévastatrices des crimes économiques; mais lorsque l’humain se désagrège en l’homme, on en a pour assez longtemps.
Le régime de Moussa Traoré, dans sa folie meurtrière contre l’homme malien, a œuvré durant vingt-trois (23) longues années à vilipender celui-ci. La conséquence qu’on en a encore pour longtemps c’est que les Maliens, dans leur écrasante majorité, ont été dépravés dans leurs comportements jadis de notoriété dans toute la sous-région ouest- africaine.
Aujourd’hui, bien faire est perçu comme crime abominable, servir loyalement la nation est considéré comme malédiction, travailler correctement et à plein temps est perçu comme volonté de se montrer dans nos services. En tout cas, Moussa a semé les mauvaises graines de l’apathie au sein de nos masses laborieuses. Ce manque de volonté de servir honorablement notre peuple a engendré tous les maux dont nous souffrons encore aujourd’hui, hélas !
Entre autres maux, on peut citer la recherche du gain facile et cela est si répandu que la probité morale est devenue une peste, la cupidité, la gabegie, la fourberie, le laxisme ambiant, bref tout ce qui déshonore aujourd’hui notre pays est devenu le mode de vie privilégié chez nous. C’est donc peu de dire que de nos jours au Mali, le désordre est devenu le principal mode de vie des citoyens.
Il suffit de jeter un coup d’œil dans les services publics pour constater avec amertume, à l’ère de la «démocratie», la bamboula, l’absentéisme, le copinage, l’affairisme, le faire semblant de travailler, la corruption, le népotisme, le favoritisme, la courtisanerie. Dans le public, et tout le monde le constate bien, l’on ne travaille que mardi, mercredi, jeudi. Lundi, les gens se disent fatigués par les mouvements du week-end (normalement chômé pour que les travailleurs se reposent). Vendredi déjà, à partir de la pause, les services se vident allègrement. Comme pour dire que pour beaucoup de travailleurs maliens l’après midi du vendredi fait partie du week-end.
Le constat est effarant dans un pays tombé par la faute des sangsues du peuple qui ont appris à corrompre et à s’enrichir sur le dos des contribuables maliens. Dans nos services, ceux qui ne travaillent pas sont les mieux félicités et les mieux récompensés. La plupart des bureaux occupés par les femmes sont vides à partir de 13 heures, et cela au vu et au su des chefs de service.
Dans les établissements scolaires publics par exemple, le constat saute aux yeux de tous ceux qui veulent voir. Pourtant, la loi malienne a prévu de sanctionner tout travailleur qui ne s’acquitte pas correctement de sa tâche. Dans nos écoles, les gens s’absentent sans se soucier outre mesure.
Les congés de maternité des femmes sont des occasions rêvées pour bien de fonctionnaires de torpiller la loi réglementant lesdits congés sans se faire le moindre souci des citoyens dont elles piétinent les intérêts matériels et moraux. Dans le même temps, ces femmes n’osent pas renoncer au salaire qu’elles ne méritent nullement ! Les chefs de service peuvent-ils s’y opposer sans se faire taper sur les doigts ? Visiblement, l’absence de sanctions est un véritable fléau pour le devenir du Mali.
En tout cas, Aristote a coutume de dire que la morale ne peut être efficace sans le secours des lois, que les discours ou travaux de sensibilisation ne sauraient suffire pour reformer les mœurs. Il appartient donc à l’État malien de s’assumer face à cette oisiveté criarde qui mine dangereusement nos services publics. C’est bien là, le passage obligé pour la refondation du Mali. Il y va du devoir de la transition de mettre fin à la bamboula et à l’absentéisme dans nos services si elle veut bien faire ! Cela est possible rien qu’en appliquant tout simplement la réglementation prévue en la matière par le législateur malien.
Les autorités de la transition doivent donc se rendre à l’évidence que sans sanction, la refondation du Mali est impossible. Et si par malheur, elles passent le témoin à un politicien sans au préalable sanctionner les coupables et récompenser les mérités, elles auront desservi notre peuple. Tout cela pour dire que force doit rester à la loi dans la plus grande impartialité. Nous apprenons avec John Locke qu’il faut punir ceux qui violent les droits des autres. C’est bien un droit légitime pour les contribuables maliens d’être bien servis par les travailleurs payés pour le besoin de la cause.
Lisons ce passage: «Il est du devoir du magistrat civil d’assurer, par l’impartiale exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu’un se hasarde de violer les lois de la justice publique établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment qui consiste à le dépouiller, en tout ou partie, de ses biens et intérêts civils, dont il aurait pu jouir et même dû jouir sans cela. Mais comme il n’ya personne qui souffre volontiers d’être privé d’une partie de ses biens, et encore moins de sa liberté ou de sa vie, c’est aussi pour cette raison que le magistrat est armé de la force réunie de tous ses sujets, afin de punir ceux qui violent les droits des autres.» (John Locke).
Pour mettre les Maliens au travail, il suffit donc d’établir les tableaux mensuels des absences et des présences dans tous les services pendant les heures de travail. Ces tableaux permettent aux autorités de la transition de récompenser les mérites et de sanctionner sans complaisance ceux qui ne travaillent pas et qui ne méritent donc pas leurs salaires. Pour tout dire, il n’ya pas de refondation du Mali sans le formatage de l’homme malien !
Fodé KEITA
L’Inter de Bamako