Les réseaux sociaux ont été enflammés ces dernières semaines par le cas de Koué Diakité. Face aux difficultés, ce jeune entrepreneur et non moins imam a décidé de prendre le chemin de la migration. Koué Diakité, qui est bien arrivé à destination en Espagne via la Mauritanie, a filmé et diffusé sur les réseaux sociaux une séquence de sa traversée de l’océan.
Mais avant de prendre la Méditerranée, il a posté un témoignage intitulé : « lettre à mes abonnés respectifs, au cas où je mourrais en Méditerranée ». Un message poignant qui relance le débat sur le départ de nombreux jeunes à la recherche de l’eldorado européen. Un véritable appel à la réflexion. Lisez plutôt !
«Pourquoi j’ai pris la décision de l’aventure»
«Une chose est sûre et certaine : je n’ai aucun doute sur la véracité de l’Islam, ma foi et mon amour pour le Prophète Muhammad (Paix et bénédictions sur lui !) Loin de moi l’idée de douter de l’Islam ou d’Allah.
Mais j’ai pris cette décision pour préserver ma dignité et le nom de ma famille, face aux épreuves infinies qui pèsent sur moi et les miens. Loin de moi l’idée de me victimiser. C’est une décision prise après des nuits sombres, plus sombres que ce que les mots peuvent exprimer. Je n’oserais même pas en parler sur les réseaux sociaux »
Aujourd’hui, voici venu le moment pour moi de parler, Al Hamdoulilah… !
Aujourd’hui je vous parle d’une partie de mon histoire que vous ne connaissez peut-être pas, mais – bon – je n’en parle pas, parce que je n’aime pas me victimiser aux yeux des gens ou quoi que ce soit mais juste parce que ça peut aider une personne qui vit la même chose.
Malgré le sourire et la joie que je vous donnais ici sur les réseaux sociaux, les conseils etc… j’ai décidé de prendre le chemin de l’aventure et de me jeter en Méditerranée juste après la fête. D’aucuns diront : «Qu’est-ce qui a poussé Oustaz Koué à prendre une décision si atroce ?» Je leur ai déjà répondu plusieurs fois dans mes publications en disant : « Mon sourire signifie ma joie, parfois je souris alors que mon cœur saigne.» Ces publications parlent de moi.
Certains diront sûrement que c’est un suicide, mais je répondrai que non dans mon cas. J’ai étudié l’Islam, louange à Allah, et je maîtrise les jugements généraux et spécifiques. Savez-vous ce qu’est l’amour entre un père et ses filles ? Un mari et sa femme ? Un fils et sa mère veuve ?
Mon départ et le regard triste de ma famille… Mais avais-je un autre choix ? Non. Mon entreprise est en faillite totale, j’ai tenté de vendre mes lots sans succès, et mes dettes ne cessent d’augmenter. J’ai demandé à un docteur de prendre deux de mes filles dans sa salle de mémorisation du Saint Coran, il n’a même pas répondu. Je ne suis pas habitué à me rabaisser en demandant ce genre d’aide, mais je n’avais pas le choix. J’ai cherché du travail, j’ai même publié des annonces sur Internet, mais rien.
Moi, un entrepreneur qui avait ouvert quatre agences de transfert [TDB] ! Aujourd’hui, elles sont toutes fermées faute de liquidités et à cause d’autres problèmes. Des gens m’ont dit clairement qu’ils ne pouvaient pas me donner du travail ni me payer, car «je suis leur Oustaz». Hélas, cela me touche au plus profond, mais ce genre de considération ne me nourrit pas.
J’ai fait des investissements qui ont fini à la gendarmerie. Ceux qui me devaient de l’argent ont avoué, mais ont été relâchés. C’étaient des Sois-Transmis (ST), donc pour vous dire que je ne suis pas un paresseux.
Tout cela, c’était pour nourrir ma famille dignement et prêcher en toute indépendance.
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J’avais d’énormes ambitions pour l’Islam au Mali et pour mon pays. Le Mali est un pays majoritairement musulman et profondément croyant. Il y a juste une méfiance entre les gouvernants et les leaders religieux. Soyons honnêtes : les leaders religieux ont, à un moment donné, oublié la religion, et les gouvernants ont été déçus. J’accuse en premier ces leaders religieux…
J’avais commencé à écrire un livre : « L’échec des religieux », mais j’ai arrêté pour me consacrer à mon voyage. Je conseille vivement à nos leaders religieux d’unir leurs efforts pour l’Islam, sans parti pris. C’est déplorable de voir des mouvements créés pour Allah être détournés en luttes politiques, soit pour faire peur aux gouvernants, soit pour leur plaire. Chers jeunes sunnites, changez de comportement, surtout sur les réseaux sociaux, et recherchez la science islamique !
Je confie ma femme et mes enfants à Allah. J’aurais pu rester au Mali et courir derrière un milliardaire pour obtenir une mosquée et me faire nourrir au nom de l’Islam… Mais je suis allergique à cela. Je serais dégoûté de moi-même si je le faisais.
Pensez à ceux qui souffrent en silence. Beaucoup sont dans ma situation et préfèrent mourir plutôt que de mendier…
Le seul travail qui me passionne, c’est la Da’wa, et la communauté musulmane aurait pu se servir de jeunes comme nous.
Ma mère place beaucoup d’espoir en moi. C’est moi qui la conseille quand elle a besoin d’un soutien.
Je m’arrête là. Je remercie sincèrement Allah aujourd’hui, et je vous remercie tous. J’ai jugé nécessaire de ne mentionner le nom de personne ici, pour éviter de vexer mes meilleurs amis…
J’ai des choses sur le cœur, mais mon statut et mes responsabilités m’obligent à me taire sur certains sujets.
Mourez sur la Sunnah ! (Le Saint Coran et la Sunnah selon la compréhension de nos pieux prédécesseurs.)
Master Soumy, « nous sommes tous des potentiels Koué »
Dans un message posté sur sa page Facebook sous le titre « De la mosquée à la Méditerranée ! », le célèbre rappeur Master Soumy a réagi par rapport à l’exil de Koué Diakité.

« L’histoire de l’Imam Koué Diakité, je ne connaissais pas l’homme avant, mais son cas a attiré mon attention et je me suis mis à lire les publications de bout en bout afin de mieux comprendre. Ce monsieur est un homme d’honneur et de valeur, son cas est une véritable école qui nous interpelle tous. Je lui souhaite bonne chance et qu’Allah lui protège.
Djimé Kanté dit qu’il y’a des milliers de KOUÉ parmi nous, je dirai plutôt qu’à cette allure, nous sommes tous des potentiels KOUÉ et si nous ne le sommes même pas déjà ? Car la dégradation de notre quotidien est progressive car ça va de mal en pis car c’est des étapes et des degrés.
Ce n’est pas tout le monde qui a peut-être le courage de KOUÉ, mais cette idée de quitter ce pays nous est tous passée au moins une fois par la tête.
Lorsque l’horizon s’assombrit, lorsque tout s’écroule autour de toi, lorsque voir un jour ou atteindre le bout du tunnel devient une illusion, le désespoir et les nuits blanches s’érigent en quotidien……..
Alors que faire ? Rester éternellement CLOUÉ ? Ou faire comme KOUÉ ? »