Après son choix à l’unanimité des délégués présents aux assisses nationales tenues le 14 octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a été investi par le Conseil Constitutionnel du Faso le vendredi 21 octobre 2022 pour présider une transition de 21 mois. Le jeune capitaine qui rappelle fort opportunément deux autres capitaines, un du Faso, Thomas Sankara et un autre du Ghana, John Jerry Rawlings, est appelé, comme ses deux illustres devanciers à écrire l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire du Burkina Faso. Pays pauvre, enclavé et en proie à une insécurité généralisée et d’une grande complexité, les défis du jeune Capitaine et ses frères d’armes qui ont pris le pouvoir, sont énormes. Pour les relever, les armes seules ne suffisent pas, il faut également du développement, bref d’un bien-être social. Le Capitaine Président fera-t-il mieux que ses deux prédécesseurs, Kabore et Damiba ? A quoi doit-on s’attendre en cas d’échec ?
Le Burkina Faso, comme le Mali et la Guinée sont les trois pays de la sous-région les plus instables à cause des coups d’états à répétition. Ces pays sont gouvernés aujourd’hui par des militaires qui se sont engagés dans un processus de transition pour une sortie de crise, à travers un retour à l’ordre constitutionnel. Ces périodes transitoires dont la durée varie selon qu’on soit au Mali, au Burkina ou en Guinée, doivent être des moments des réformes, mais aussi et surtout d’espoirs pour des citoyens qui ne croient plus en leurs hommes politiques. Si le pays de Mamady Doumbouya échappe pour l’instant à la horde terroriste, le Mali et le Burkina constituent l’épicentre de la guerre contre les forces du mal. Une guerre asymétrique est imposée à des armées non initiées et formées pour la guerre conventionnelle d’où la hardiesse et la complexité de la situation dans ces deux pays. En effet, l’insécurité a été sans nul doute la principale raison du double coup d’état perpétré en moins de 8 mois au Burkina Faso. Le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba a chassé le Président démocratiquement élu Roch Marc Christian Kabore et 8 mois de gestion calamiteuse de Damiba, ont suffi pour que le jeune capitaine Ibrahim Traoré et ses hommes pour chasser à leur tour le lieutenant-colonel Damiba. La même cause semble produire le même effet, ou encore le Coutoukou est tiré il faut le boire. Le jeune Capitaine a pris les rênes du pouvoir, comme dit un adage Bambara, le cheval est là, et l’espace est là, qu’il prouve maintenant aux Burkinabè que son ambition n’était pas le pouvoir, mais la résolution des problèmes auxquels son peuple est confronté.
Ainsi, fort d’un soutien populaire, le Capitaine Ibrahim Traoré vient d’ajouter une nouvelle corde à son arc en étant investi, le vendredi 21 octobre 2022, dans ses fonctions de Président de la transition, chef de l’Etat du Burkina Faso. Il a désormais les coudées franches pour légalement et dans une moindre mesure légitimement commencer à s’attaquer aux maux qui minent le Burkina Faso, qui sont entre autres l’insécurité, le sous-développement avec son corolaire de pauvreté, de vie chère et de déperdition scolaire. Il est fortement et urgemment attendu sur ces fronts. Pour y faire face il semble déjà donner le ton en procédant à un recrutement massif au sein des forces de défense et de sécurité du Burkina Faso. Car en plus du manque d’armes, l’armée Burkinabé est également confrontée à un manque d’effectif pour sécuriser le territoire du Faso. Ainsi pour pallier ce déficit de combattants, les autorités avaient souvent recours aux milices d’auto-défense locales, appelées VDP. Comme toutes les armées sous nos tropiques, celle du Faso est mal formée ou du moins pas préparée pour cette nouvelle guerre asymétrique.
En effet, en prenant à bras le corps le problème d’effectif au sein de l’armée, le Capitaine Traoré aura non seulement mesuré la gravité de la situation sécuritaire, mais aussi et surtout aura pris conscience que c’est sur le plan sécuritaire qu’il sera jugé. En tout cas en réussissant à bouter hors des frontières burkinabé les forces du mal, le Capitaine Traoré enlèvera non seulement une grosse épine du pied des Burkinabé qui sont privés de leurs droits les plus élémentaires, comme ceux d’aller et de venir, de vaquer librement à leurs activités et surtout le droit à l’instruction, auquel des milliers d’enfants burkinabé sont privés. Mais aussi et surtout, en cas de succès, il écrira l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire récente du Burkina Faso. Les défis sont énormes et les enjeux sont connus, il reste à se donner les moyens pour leur résolution. Cela passera par un don de soi, des sacrifices pour la patrie.
En somme, les Burkinabè sont à la recherche d’un autre héros et libérateur, à l’image du Capitaine Sankaré. Le Capitaine Traoré sera-t-il cette denrée rare ? En tout cas la balle est dans son camp et qu’il soit sûr d’une chose, il rentrera dans l’histoire quand il réussira à bouter hors d’état de nuire les forces obscurantistes. Le second défi après la sécurité sera la bonne organisation et dans le délai imparti, des élections libres, transparentes et crédibles dont les résultats seront acceptés par tous les acteurs. Pour rappel, le préalable à toutes bonnes élections étant la mise en place d’organes indépendants, fruits des réformes majeures et inclusives, alors un autre challenge du jeune Capitaine sera la mise en place d’institutions fortes.
En définitive, Le capitaine Ibrahim Traoré, porté en triomphe à la présidence du Faso, fort d’un soutien populaire, doit pouvoir relever les défis auxquels le Burkina Faso est confronté. En tout cas son honneur et sa crédibilité en dépendent.
Youssouf Sissoko
Source: L’Alternance