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Le Burkina Faso atteint les 20 millions d’habitants, mais demeure sous-peuplé

Selon le dernier rapport sur la population mondiale publié au mois d’août par l’organisme américain PRB (Population Reference Bureau), une des références mondiales en matière de démographie, la population du Burkina Faso aurait atteint 20,3 millions d’habitants au 1er juillet 2018. La date du 1er juillet étant celle couramment utilisée dans les pays anglo-saxons pour les estimations démographiques, contrairement aux pays francophones et aux institutions de l’Union européenne qui utilisent celle du 1er janvier.

Mais en dépit de ce formidable dynamisme démographique, grâce auquel le Burkina Faso est passé d’environ 4,3 millions d’habitants en 1950 à plus de 20 millions aujourd’hui, le pays demeure sous-peuplé par rapport à de nombreux pays développés de taille comparable ou plus modeste.

Un pays faiblement peuplé, et plus vaste qu’on ne le croit

Avec ses 274 200 km2 environ, une superficie quasi intégralement habitable car située en dehors des zones arides du continent, le Burkina Faso est en fait près de 13% plus vaste que l’ensemble du Royaume-Uni (243 500 km2, Irlande du Nord incluse), qui compte pourtant 66,4 millions d’habitants, soit une population plus de trois fois plus importante. En d’autres termes, le Burkina Faso devrait compter aujourd’hui 74,7 millions d’habitants pour avoir la même densité démographique que le Royaume-Uni. Autre exemple situé sur le continent européen, l’Italie abrite 60,6 millions d’habitants pour une superficie à peu près comparable à celle du Burkina Faso (301 300 km2), qui devrait alors avoir 55,1 millions d’habitants pour être aussi densément peuplé.

Ceci est d’ailleurs l’occasion de rappeler que la très grande majorité des cartes géographiques en circulation (en particulier celles basées sur la projection de Mercator), dressent une représentation largement déformée de la planète en divisant au moins par deux ou par trois la taille des pays du Sud. Ainsi, la Côte d’Ivoire est par exemple un tiers plus grande que le Royaume-Uni, et non deux à trois fois plus petite. Autre cas intéressant, l’Algérie n’est pas trois ou quatre fois moins étendue que le Groenland, mais 10 % plus vaste !

Mais le sous-peuplement du pays des hommes intègres est davantage mis en évidence lorsque l’on effectue des comparaisons avec des pays asiatiques. Ainsi, le Burkina Faso compte bien moins d’habitants que la Corée du Sud, grande puissance économique et sixième exportateur mondial avec ses 51,8 millions d’habitants répartis sur un territoire pourtant 2,7 fois plus petit (100 200 km2). Le Burkina Faso devrait ainsi compter non moins de 141,8 millions d’habitants pour être au même niveau de densité de population que le « pays du matin calme », qui, par ailleurs, est presque aux deux tiers recouvert de forêts (part en très fausse par rapport aux années 1960). Autre exemple assez révélateur, le Burkina Faso a toujours moins d’habitants que la richissime Taiwan, seizième exportateur mondial et dont les 23,6 millions d’habitants se répartissent sur un territoire 7,6 fois moins étendu (36 200 km2) ! En d’autres termes, le Burkina Faso abriterait aujourd’hui 178,8 millions d’habitants s’il était aussi densément peuplé que Taiwan, pays lui aussi à la nature luxuriante et recouvert à près de 55% de forêts.

Sans aller géographiquement aussi loin, de simples comparaisons avec un certain nombre de pays africains, situés principalement dans la partie anglophone du continent, permet là aussi de constater la faiblesse du peuplement du pays. Ainsi, le Burkina Faso est par exemple près de 14% plus vaste que l’Ouganda (un peu plus de 241 000 km2), dont la population est aujourd’hui estimée à 44,1 millions d’habitants. Si le Burkina Faso était proportionnellement aussi peuplé, il compterait alors 50,1 millions d’habitants. Plus au sud, le Malawi compte à peu près la même population que le Burkina Faso (19,1 millions), mais sur une superficie pourtant 2,3 fois moins grande (118 500 km2). Ce qui ne signifie que ce dernier devrait abriter 44,2 millions d’habitants pour être même niveau de peuplement. Et pour être aussi densément peuplé que le proche Nigeria, le Burkina Faso devrait alors compter non moins de 58,2 millions d’habitants. Pourtant, il est intéressant de noter que le Nigeria et l’Ouganda continuent à avoir un taux de fécondité comparable à celui du Burkina Faso, avec respectivement des taux de 5,5 et de 5,4 enfants par femme pour les deux premiers pays, et de 5,5 pour le troisième (taux qui sont d’ailleurs sur une pente baissière depuis les années 1980, lorsqu’ils se situaient à environ 7 enfants par femme).

Un pays au grand potentiel agricole

Par ailleurs, il convient de rappeler, ou de savoir, que le Burkina Faso a le grand avantage d’avoir un territoire quasi intégralement exploitable, contrairement à une grande partie des pays du monde. Même le Royaume-Uni, l’Italie et la Corée du Sud précédemment cités ne peuvent compter sur un tel avantage, leur territoire étant en partie assez montagneux. Cet inconvénient est d’ailleurs particulièrement important pour Taiwan, île aux deux tiers montagneuse, dont 40 % du territoire est situé à plus de 1 000 mètres d’altitude et qui compte plusieurs dizaines de sommets de plus de 3000 mètres. Un relief largement désavantageux, et qui rend inhabitable et difficilement accessible une partie non négligeable du pays.

Mais en plus de sa topographie favorable, le Burkina Faso a également la chance de pouvoir compter sur d’assez importantes précipitations sur l’ensemble de son territoire, y compris dans l’extrémité nord et sahélienne du pays, et contrairement à une idée assez largement répandue. Ainsi, la ville de Gorom-Gorom bénéficie d’une pluviométrie annuelle moyenne d’environ 380 millimètres, soit bien davantage qu’un certain nombre de grandes régions agricoles situées dans la partie sud du pourtour méditerranéen. Comme, par exemple, la région de Sfax, deuxième ville de Tunisie et qui avec une moyenne de seulement 230 mm de précipitations par an est réputée pour ses millions d’oliviers, qui font d’elle la principale région productrice d’huile d’olive du pays (deuxième exportateur mondial en la matière, et premier producteur et exportateur mondial d’huile d’olive biologique). Avec une pluviométrie environ 65 % plus importante que cette région méditerranéenne mondialement connue, la région de Gorom-Gorom pourrait alors, elle aussi, devenir une grande zone agricole exportant ses produits dans le monde entier.

Comme le Royaume-Uni, l’Italie, la Tunisie et bien d’autres pays encore, le Burkina Faso a donc bel et bien un important potentiel agricole. Un potentiel dont une infime partie est aujourd’hui exploitée, ce qui est d’autant plus regrettable qu’une plus grande utilisation des atouts du pays serait de nature à contribuer grandement à son industrialisation, à travers les industries agroalimentaires. Un développement plus important de l’agriculture et des industries agroalimentaires contribuerait alors à pérenniser la forte croissance économique que connaît actuellement le pays (environ 6 % par an). Il convient d’ailleurs de rappeler que le Burkina Faso fait ainsi partie de la plus vaste zone de forte croissance du continent qu’est l’UEMOA, un espace de huit pays dont le PIB global a connu une hausse annuelle de 6,4% en moyenne sur la période de six années allant de 2012 à 2017. Une performance unique sur le continent pour une zone aussi vaste, et qui a contribué à faire de l’Afrique francophone subsaharienne le moteur de la croissance africaine, arrivant en tête pendant cinq des six dernières années (et pour la quatrième fois consécutive en 2017) et affichant une croissance annuelle globale de 4,2 % en moyenne (4,9 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 3,0 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Par ailleurs, il est intéressant de constater que la croissance économique enregistrée par l’espace UEMOA sur ces six dernières années a ainsi été plus de deux fois plus importante que sa croissance démographique annuelle, d’environ 3,0%. Chose qui contredit clairement les affirmations de certains commentateurs, selon lesquelles une forte croissance démographique serait un frein à la croissance économique.

Le Burkina Faso, et plus globalement les pays du Sud, doivent donc continuer à œuvrer à la défense de leurs intérêts, à l’accroissement de leur visibilité sur la scène internationale, et ce, sans se préoccuper des déclarations de certains commentateurs ou de certaines personnalités venant d’autres continents, et dont les intentions ne sont pas toujours les meilleures (ou dont l’attitude est motivée par la crainte des flux migratoires). La croissance démographique, et même la surpopulation (concept dont la définition est très difficile à établir, en plus d’être variable d’une génération à une autre, depuis l’antiquité…) n’ont jamais été de nature à empêcher un pays de se développer. Comme le démontre l’exemple de nombreux pays asiatiques et européens, fortement peuplés et faiblement dotés en ressources naturelles, le développement économique d’une nation repose d’abord et essentiellement sur le respect des trois conditions suivantes : l’organisation, le travail et la discipline.

Enfin, et pour ce qui est de la protection de l’environnement, il convient de rappeler que l’humanité, qui n’a d’ailleurs jusqu’ici utilisé que moins de 5% de l’ensemble des richesses naturelles de la planète (sur terre et en mer), malgré plusieurs siècles d’exploitation, utilise aujourd’hui moins de 1% du potentiel mondial en matière d’énergies renouvelables, considérées comme non polluantes et qui sont donc à privilégier. Une large sous-exploitation de ces énergies qui est également valable pour le Burkina Faso, même si celui-ci vient d’inaugurer la plus vaste centrale solaire d’Afrique de l’Ouest. Ainsi, et compte tenu des grands espaces encore disponibles, du potentiel considérable en énergies renouvelables, et des progrès permanents de la science (dans l’agriculture, les énergies renouvelables, le traitement des déchets, l’architecture…), la Terre pourrait aisément abriter bien davantage que sa population actuelle. Et même, et n’en déplaise à certains, beaucoup plus que le niveau autour duquel devrait se stabiliser la population mondiale selon les projections les plus récentes (autour de 11 milliards d’habitants à la fin du siècle, avant de diminuer).

Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone, France)
www.cermf.org

La rédaction

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