Sans exprimer le moindre remords concernant les victimes occidentales et se disant même fiers de leurs forfaits, le » cerveau » de ces attaques, le dénommé Fawaz Ould Ahmed alias » Ibrahim 10 » et l’un de ses complices, en l’occurrence Sadou Chaka Maïga, ont déclaré avoir agi par » vengeance » pour le prophète Mahomet en raison de ses caricatures parues dans Charlie Hebdo (7 janvier 2015). Les auteurs des attentats de 2015 à Bamako – La Terrasse, le 7 mars (5 tués) et Radisson Blu, 20 novembre (23 tués) – ont été condamnés à la peine de mort et au paiement de 10 millions de FCFA chacun.
Le mercredi 28 octobre dernier, peu avant 10 heures, les accusés sont arrivés à bord d’un véhicule Toyota V8 à la Cour d’Appel de Bamako où se tiennent les Assises. Pour la circonstance, un dispositif sécuritaire impressionnant a été déployé dans la zone. L’audience était retransmise en directe dans les pays comptant des victimes des attentats perpétrés par les accusés dont la France, la Belgique, entre autres .
Au box des accusés, il y avait Fawaz Ould Ahmed alias » Ibrahim 10 « et Sadou Chaka dit Moussa Maïga alias » Oussama « . Mais, le troisième prévenu Abdoulbaki Abdrahamane Maïga alias » Abou Mahamadoune « était absent. L’un des avocats de la défense a reconnu qu’ » il fait partie des plus de 200 prisonniers libérés en échange de Soumaïla Cissé et trois otages occidentaux « . La Cour était composée exclusivement de magistrats à la différence des affaires ordinaires où les accesseurs (société civile) accompagnent les juges dans la prise de décision.
A la barre, Fawaz Ould Ahmed alias » Ibrahim 10 « , était très à l’aise, s’exprimant en arabe et en français, expliquant en amont qu’il est » djihadiste » et non » terroriste « . Il a également reconnu avoir rejoint les mouvements en 2007. A l’entendre, le choix des endroits ciblés est dû au fait qu’ils reçoivent beaucoup d’étrangers, des Occidentaux notamment.
S’agissant de l’attaque perpétrée à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 20 novembre 2015, faisant, 23 tués, » Ibrahim 10 « a affirmé qu’il était dans la capitale avec Sadou Chaka dit Moussa Maïga alias Oussama. Il a ajouté avoir reçu » 10.000 euros « de la part de leur organisation pour mener à bien cette opération. D’après lui, les armes qui ont servi à commettre le forfait ont été envoyées dans une valise de Gao à Bamako par le biais d’une compagnie de transport routière.
» Je faisais l’échange des euros sur le marché noir. J’ai remis 500 000 FCFA à mon petit Oussama et 200.000 FCFA à chacun des deux assaillants de l’hôtel Radisson Blu. Je suis reparti au nord du Mali, car j’avais rendez-vous avec mon chef », a-t-il fait remarquer. Il ajoutera que c’est Oussama qui a été arrêté en premier par les services de renseignement. Avant de poursuivre : » J’ai versé le reste des 10.000 euros à notre organisation après la réussite de l’opération. «
Pour Sadou Chaka dit Moussa Maïga alias Oussama, on apprend qu’il était surtout le bras droit de Fawaz Ould Ahmed alias » Ibrahim 10 » dans ces opérations. C’est ainsi qu’il recevait par jour souvent 25.000 ou 15. 000 FCFA. Selon » Ibrahim 10 « c’est lui qui coordonnait le reste de l’opération des attaques à Bamako et informait son » patron « sans décliner son identité, à chaque étape des opérations. Pour l’un des trois avocats de la défense des accusés, ce procès doit rester un procès judiciaire et non le contraire. Avant de déclarer : » Vous avez à juger des hommes et non les concepts ». Un autre plaidera que » son client est au service de Dieu et ça lui suffit. Le terrorisme, voilà une affaire juteuse entre les Occidentaux et ces groupes-là. Puisque c’est eux qui fabriquent les armes. Que faire ? La haine appelle à la haine « , a-t-il tenté d’expliquer.
S’adressant aux juges, il s’est également interrogé : « Comment voulez vous que la troisième personne comparaisse alors que vous savez bien qu’il a été libéré en échange de la libération des Occidentaux et Soumaïla Cissé ? ».
Le troisième avocat de défense demandera de larges circonstances atténuantes pour ses clients, «qui ont reconnu les faits». Avant d’expliquer que »la France doit accepter le partage équitable des ressources »l. A l’en croire, »l’Occident appauvrit les pays africains. D’où, très souvent, l’acharnement des gens-là contre eux ».
Quant à l’un des avocats de la partie civile, » ce procès est pénible et fait mal au cœur « . Avant de s’interroger » Qui sommes-nous pour rendre justice du nom de Dieu et du prophète ? « . Lui aussi a déploré l’absence au procès de l’un des accusés. Evoquant le comportement de son client sénégalais ayant trouvé la mort, il dira que » c’était une personne pieuse et qui avait déjà terminé de lire le Coran « .
Le parquet, de son côté, a rappelé les faits tout en remerciant les services de renseignements malien ainsi que la Brigade d’Investigation Judiciaire (BIJ) pour le travail remarquable qui a permis de mettre le grappin sur les terroristes. Il a également adressé des remerciements aux enquêteurs de pays étrangers qui ont tous travaillé sur le dossier. Ainsi, il a dénoncé le terrorisme en disant que »rien ne saurait justifier l’acte terroriste. A cet effet, il a requis la condamnation à la peine de mort pour les accusés ».
A l’issue de neuf heures de débat, la Cour a condamné Fawaz Ould Ahmed alias »Ibrahim 10 » et Sadou Chaka dit Moussa Maïga alias Oussama à la peine de mort et au paiement d’une amende de 10 millions de FCFA chacun. Absent lors de ce procès, le troisième présumé auteur des attaques de Bamako, Abdoulbaki Abdrahamane Maïga a été condamné par contumace à la même peine que ses deux comparses.
Concernant les intérêts des parties, ils ont été renvoyés à la deuxième session annuelle de la Cour d’Assises de Bamako prévue en novembre prochain.
Massiré DIOP et Oumar BARRY
Source: l’Indépendant