Depuis la chute de Compaoré, le 12 décembre 2013, le Burkina Faso, jusqu’alors oasis de paix, a été la proie d’attaques terroristes à répétition. La plus récente s’est déroulée mardi 14 mai contre une procession religieuse, faisant quatre morts. Honni ou adulé, l’ancien chef d’Etat est selon les camps vu comme celui qui tire les ficelles du terrorisme, ou au contraire, le seul rempart.
Le 8 juin 2013, Blaise Compaoré accueillait à Ouagadougou une délégation touareg dans le cadre des discussions de sortie de la crise au Mali. Lors de ces négociations, le président du Burkina était alors incontournable, “go between” entre le pouvoir malien au sud et les touaregs du nord.
Compaoré, médiateur au nom de la Cedeao, est incontournable en ce début d’année 2013. A l’époque, on négocie encore avec le groupe Ansar Dine et son chef Iyad Ag Ghaly, aujourd’hui terroriste le plus recherché d’Afrique. “Est-ce qu’en échange Blaise Compaoré n’avait pas négocié la sanctuarisation du territoire burkinabè ?”, demande Christophe Boisbouvier de RFI à Eddie Komboïguo, le président du CDP, le parti de Compaoré. “Il n’existe aucun pays dans le monde qui ne cherche pas à développer son service de renseignement et à négocier quand il est nécessaire de négocier pour avoir la paix dans son pays”, se contente de répondre l’homme. Ainsi, le talent de Compaoré serait au moins d’avoir négocié la paix pour son pays.
Les liens de Compaoré
La paix pour son pays a disparu peu ou prou avec son éviction de la scène politique face à la pression de la rue en décembre 2013. Certains ont voulu voir dans ces attaques jihadistes contre le Burkina autant d’actes de vengeance pilotées par Blaise Compaoré. Il s’en est publiquement offusqué. “Ceci est odieux, scandaleux, abject”, a-t-il réagi fin 2017 dans un communiqué.
Une collusion que le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, avait lui-même dénoncé. “L’ex-président Blaise Compaoré a joué un rôle de médiation au Mali qui fait que, de façon constante, nous avons eu ces collusions avec les forces jihadistes au Mali.” Capacité de nuisance que Compaoré retournerait aujourd’hui contre les siens.
Aujourd’hui, l’heure serait plus au rapprochement entre les deux hommes. On parle d’une lettre adressée par Compaoré à son successeur pour lui faire part de “sa disponibilité et de son soutien”. “Cette lettre, si elle est vraie, constitue aussi le meilleur démenti à toutes ces folles rumeurs qui tendaient à faire croire que l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, soutiendrait des actions de déstabilisation de son pays, de notre pays, le Burkina Faso”,réagit Ablassé Ouedraogo, le président du parti Le Faso Autrement.
“Maintenir l’équilibre et préserver l’harmonie”
Sur son site internet, Blaise Compaoré donne la philosophie de son action politique. “Compaoré, très attaché au principe de laïcité de l’Etat, s’appliquait à maintenir l’équilibre et préserver l’harmonie dans un pays peuplé à 62% de musulmans, 23% de catholiques, 4% de protestants et 7% d’animistes”,est-il écrit. En 2013, la carte de la tolérance raciale et ethnique plaçait le Burkina en tête. Un havre de paix en Afrique de l’Ouest. La clé de tout cela serait, selon Compaoré, “la participation inclusive des chefs traditionnels et religieux de toutes les ethnies et confessions aux programmes de politique sociale et aux débats sur la vie politique et les questions de société”.
Un équilibre qui aurait disparu et entraînerait le pays vers le chaos, selon les proches de Blaise Compaoré. Le débat sur le rôle joué par l’ancien président réapparaît à chaque acte terroriste d’envergure. Peut-être aussi qu’à force de complaisance, les jihadistes se sont sentis chez eux au Burkina comme au Mali ou au Niger. Avec tous les risques que cela comporte.
Ratissage dans l’est
Le nouveau pouvoir à Ouagadougou a clairement engagé le combat contre les groupes jihadistes. Ainsi, une opération de grande envergure a été menée dans l’est et le centre-est du pays en mars 2019. Un succès selon les autorités Burkinabè qui annonçaient avoir neutralisé de nombreux terroristes. Le général Moïse Miningou, chef d’état-major des armées, se permettait un certain optimisme, vu le nombre de militaires déployé sur le terrain. “Avec tout ce personnel, nos ennemis n’auront plus la liberté d’action. Nous savons que le risque zéro n’existe pas, mais nous sommes très confiants”, déclarait le général.
Sauf que, comme le précise Le Monde, “l’opération a aussi suscité une nouvelle dissémination” dans les Etats voisins. 247 individus sont recherchés “pour participation à une entreprise terroriste”.
Source: france tv info