Signé il y a cinq ans, pour le retour de la paix au Mali, l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger fomente des réactions mixtes. La volonté des autorités de la transition de mettre en œuvre ses recommandations réveille plusieurs sensibilités. Certains font d’ailleurs du combat pour sa non-application une arme politique.
Les mouvements signataires, la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ainsi que la plateforme sont pleinement engagés pour la mise en œuvre rapide des recommandations de cet Accord signé en 2015 à Alger pour le retour de la paix au Mali. Selon les soutiens à ce document, la paix et la cohésion sociale au Mali passent par cette mise en œuvre.
Un Accord pour la « partition »
Cet attachement d’une partie de la population à la mise en œuvre des recommandations de l’Accord est fâcheux aux yeux d’autres. La Coalition « Songhoy Chawaara Batoo » estime que la mise en œuvre de cet Accord ne peut conduire qu’à la « partition du Mali ». Un texte qui donne lieu à de multiples interprétations, l’on doit savoir en prendre ses distances, explique cette coalition qui regroupe plusieurs ethnies en son sein.
Songhoy Chawaara Batoo n’est pas le seul opposé à la mise en œuvre de ce document. Nous avons également le Front du refus de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, « dugu tji seben-Mali tè tila ». Ce front, tout en qualifiant l’Accord d’Alger « d’illégal et d’illégitime », invite les autorités politiques maliennes à la raison en renonçant à sa mise en œuvre en l’état.
Au cours d’un point de presse du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), la semaine dernière, Mohamed Ali Bathily n’a nullement manqué à souligner des dangers liés à la mise en œuvre de ce document. Selon ses explications, l’application de certaines recommandations de cet Accord, comme la régionalisation, ne pourrait que conduire le Mali au « fédéralisme ».
Réajuster l’Accord
Une république dont le pays n’est pas prêt à accueillir, précise Songhoy Chawaara Batoo tout en invitant les autorités de la transition à la relecture de cet Accord qui a montré ses limites sur plusieurs plans. Car depuis sa signature, l’espoir n’est toujours pas permis aux Maliens. C’est en tout cas ce que déplore Abdoul Kader Maïga, président de l’Association Gao Lama : « Cinq ans après sa mise en application, nous avons enregistré dans notre pays plus de 5000 morts civils et militaires. Cinq ans après sa signature, plus de 900 écoles fermées. Cinq ans après la signature de l’Accord, plus de centre au Mali. Plus de 400 villages, dans le centre, effacés de la géographie du Mali ».
Malgré tout, des soutiens à la mise en œuvre de cet Accord qualifient ses détracteurs de « fossoyeurs à la paix » et de « pseudos patriotes » qui ne cherchent qu’à « disqualifier l’Accord pour la paix malgré toute l’importance qu’il revêt ».
Dr Yacouba Dogoni, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences humaines et des Sciences de l’éducation (FSHSE) de Bamako, invite à rehausser le débat sur l’application de l’Accord pour la paix. « Il faut d’abord commencer l’application de cet Accord, ensuite nous pourrions voir quels sont les points de discordance qui nécessitent une révision », estime-t-il.
Au centre d’une telle tension, les autorités de la transition doivent savoir raison garder pour ne pas faire exploser cette bombe en latence. L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale est donc aujourd’hui une patate chaude que les autorités transitoires ont entre leurs mains. C’est pourquoi il serait important d’organiser rapidement des séances de discussion autour de cet Accord afin d’ajuster les points qui prêtent encore à confusion.
Fousseni Togola
Source: Phileingora