Le marché commun inter-africain, qui était sur le point de devenir une réalité, traverse, à ciel ouvert, des menaces qui pourraient compromettre sa pleine concrétisation.
Le climat de xénophobie en Afrique du Sud a entrainé le rapatriement de plusieurs étrangers vers leur pays d’origine, plusieurs destructions ont été enregistrées, des entreprises ainsi que des ambassades sud-africaines présentes dans certains pays africains ont été fermées. Cette situation ne présage pas d’un meilleur avenir pour la ZLECAF.
Faciliter la mobilité inter-africaine
Depuis des années, des chefs d’États africains se sont réunis pour formuler le vœu, qui est devenu une réalité par le lancement officiel de cette initiative le 7 juillet 2019 à Niamey au Niger, de mettre en place un marché continental commun afin de faciliter la circulation des personnes ainsi que des marchandises à l’intérieur de leur continent. L’espoir des « petits États » africains était les grandes puissances économiques du continent notamment l’Afrique du Sud, qui constitue l’un des acteurs clé dans la mise en œuvre de la Zone de libre-échange africaine (ZLECAF), et le Nigéria qui constitue la première puissance économique du continent. Parmi les objectifs généraux de la ZLECAF, mentionnés dans « l’Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine », il y a cette volonté de « Contribuer à la circulation des capitaux et des personnes physiques et faciliter les investissements en s’appuyant sur les initiatives et les développements dans les États parties et les CER ».
Dans une interview qu’il a accordée à la Radio France internationale (RFI) en 2019, Jean-Joseph Boillot, économiste et spécialiste du monde émergent également chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), expliquait également au sujet de cette initiative: «L’objectif est d’aller, à terme, vers une entité continentale qui ressemblera à l’Union européenne actuelle, c’est-à-dire vers une zone de libre-échange, doublé d’un marché commun caractérisé par la libre circulation des investissements et des travailleurs ». Ce qui allait à la longue contribuer au développement de tout le continent et poser les jalons d’une autonomisation financière, voire du développement tout en luttant contre le chômage des jeunes.
Un chemin parsemé d’obstacles
Comme c’est noble comme objectif ! Sauf que ce nouveau-né risque de mourir plus vite. En effet, depuis le 1er septembre, un mouvement de xénophobie s’empare des citoyens du Sud Afrique et qui fait qu’ils s’adonnent à des actes peu dignes des Africains. Suite à cela, plusieurs atrocités ont été commises. Il y a eu des morts d’hommes. Une situation faisant que les étrangers sont en train de fuir ce pays de « Nelson Mandela ». Le plus tragique, c’est que cette crise donne l’impression de n’opposer que les Nigérians et les Sud-Africains.
Selon Médiapart, journal français, plus de 600 Nigérians ont été expatriés de ce pays par peur de représailles. Les entreprises sud-africaines présentes dans les autres pays africains, notamment au Nigéria, ont été obligées de fermer leurs portes parce que victimes d’un climat de vengeance. Les ambassades ferment également leur porte dans ces pays. Quel désastre ! « Ces violences ont commencé avec une grève lancée par des chauffeurs routiers affirmant que les étrangers volent les emplois des Sud-Africains et se livrent à des activités illicites », a précisé Médiapart dans une de ses publications du vendredi 13 septembre 2019.
L’union sacrée est nécessaire
Cette situation, si elle n’est pas freinée, risque de compromettre cette idéologie (Zone de libre-échange africaine) des pères panafricanistes comme Kwamé Nkrumah. Elle mérite alors d’être analysée par les chefs d’État du continent avec un œil assez vigilant, car toute mauvaise négociation de cette crise risque d’envenimer la situation. Il ne faudrait pas qu’on arrive à diviser ce continent pour mieux régner. Dans cette affaire, une fois que des pays se rangeront du côté du Sud-Afrique ou du Nigéria ou de n’importe quel autre pays victime de cette trainée xénophobe, cette crise prendrait une dimension continentale et risquera de compromettre toutes les initiatives de développement déjà entreprises.
Ce que nous devons nous demander, c’est de savoir si cette situation ne serait pas une technique sciemment mise en place pour étouffer le nouveau-né ? En tout cas, rien ne devrait compromettre la pleine réalisation de cette ZLECAF.
Fousseni TOGOLA
Source : Le Pays