Après des semaines de controverse médiatique, la proposition de loi visant notamment à sanctionner les clients de prostituées arrive vendredi après-midi en séance à l’Assemblée où le débat s’annonce cependant un peu moins enflammé qu’à l’extérieur.
Si le texte “renforçant la lutte contre le système prostitutionnel” fait débat au sein de chaque parti comme dans l’opinion, seuls les écologistes et une poignée de députés UMP défendront dans l’hémicycle la suppression de la disposition la plus controversée, celle qui punit l’achat d’actes sexuels d’une amende de 1.500 euros.
A l’origine de cette proposition fruit d’un travail transpartisan de plusieurs années, les députés Maud Olivier (PS), Catherine Coutelle (PS) et Guy Geoffroy (UMP) se disent confiants d’obtenir “une large majorité” lors du vote solennel prévu le 4 décembre.
Les divisions risquent d’être plus visibles près de l’Assemblée où deux rassemblements sont prévus à la mi-journée: l’un contre la pénalisation du client à l’appel du Syndicat du travail sexuel (Strass), l’autre pour à l’appel d’associations féministes ou d’aide aux prostituées (comme le mouvement du Nid).
Le texte, qui n’interdit pas la prostitution, légale en France, propose aussi d’abroger le “délit de racolage passif”, une demande des prostituées. Ceci en dépit des réserves du ministre de l’Intérieur Manuel Valls pour qui ce délit est un outil d'”aide à la connaissance des réseaux”, via les garde à vue et les auditions.
Il prévoit enfin des mesures d’accompagnement social pour celles qui veulent quitter la prostitution. Les étrangères (80 à 90% des prostituées selon l’Intérieur) engagées dans un “parcours de sortie” pourront obtenir un titre de séjour de six mois, renouvelable.
On estime à plus de 20.000 le nombre des prostituées en France. Elle viennent notamment d’Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie), d’Afrique (Nigeria, Cameroun), de Chine et d’Amérique du Sud. La grande majorité sont victimes de réseaux de proxénétisme et de traite.
La proposition de loi, qui devra ensuite être adoptée au Sénat dans les mêmes termes pour entrer en vigueur, s’inspire de l’exemple de la Suède où les clients sont pénalisés depuis 1999, ce qui a conduit à une réduction de moitié de la prostitution de rue en dix ans.
Violence ou libre choix
Il s’agit de “dissuader le client d’alimenter les réseaux avec son argent et de faire comprendre qu’on n’achète pas un acte sexuel”, insiste Maud Olivier. La prostitution “est une violence faite aux femmes”, martèle-t-elle.
Mme Olivier voulait une peine de prison en cas de récidive. Mais elle s’est heurtée au refus du PS. “Peu importe la sanction, le plus important pour nous est de marquer l’interdit dans la loi”, dit-elle. Un amendement devrait cependant créer un délit en cas de récidive, passible de 3.750 euros d’amende. Alternative à l’amende ou sanction complémentaire, un “stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels” est prévu.
Si le groupe socialiste soutient la proposition, quelques-uns de ses membres se sont faits l’écho des inquiétudes de certaines associations, comme Médecins du Monde, soulignant que la surveillance contre les clients allait pousser les prostituées à davantage de clandestinité.
A l’UMP, où la possibilité de régulariser des personnes qui sortent de la prostitution fait grincer des dents, une majorité de députés devraient s’abstenir. Radicaux de gauche et UDI laisseront la “liberté de vote” aux parlementaires.
Le Front de gauche, saluant les mesures d’accompagnement social, soutiendra le texte. Mais les écologistes voteront contre, jugeant qu’il ne fait pas la distinction entre prostituées victimes de réseaux et “indépendantes” (15% des prostituées) qui craignent une chute de leurs revenus.
La proposition de loi avait enflammé les esprits avec la pétition “Touche pas à ma pute” lancée par “343 salauds”, dont le journaliste Eric Zemmour et l’écrivain Frédéric Beigbeder. D’autres célébrités, Catherine Deneuve ou Charles Aznavour, ont signé une pétition du chanteur Antoine contre le texte.
“Ce sont certainement de meilleurs experts sur la traite des êtres humains que nous modestes parlementaires”, ironise Mme Olivier pour qui on a affaire là à “un microcosme parisien qui n’a même pas lu la proposition de loi”
SOURCE / AFP