En raison de sa proximité avec l’Europe, La Libye est historiquement un pays de transit des migrants africains, mais le trafic s’est intensifié depuis la chute du régime Kadhafi, l’immigration clandestine étant devenue un commerce très lucratif pour certaines milices.
Pourquoi la Libye?
Le littoral libyen est situé à seulement quelque 300 km de l’île italienne de Lampedusa, dans le sud italien, point de chute de milliers de clandestins.
Le pays possède 1.770 km de côtes et 5.000 km de frontières terrestres poreuses dans des territoires essentiellement désertiques et très peu peuplés.
Du temps du régime de Mouammar Kadhafi, les Libyens n’étaient déjà pas en mesure de contrôler leurs frontières terrestres traversées chaque jour par des centaines de clandestins venus surtout de l’Afrique sub-saharienne et transitant via le Soudan, le Niger ou le Tchad.
Le plus important flux d’immigrants provenait du nord du Niger où ils étaient pris en main par des réseaux de trafiquants.
Le régime Kadhafi utilisait l’immigration comme un moyen de pression sur l’Europe, ouvrant et fermant le robinet des départs au gré de l’état de ses relations avec ses pays, en particulièrement l’Italie, l’ancienne puissance coloniale. Kadhafi réclamait alors cinq milliards d’Euros par an à l’Europe pour pouvoir surveiller ses frontières et lutter contre l’immigration.
Entre 2008 et 2011, le flux des immigrés vers l’Europe a tari après la signature d’un traité entre Rome et Tripoli.
Depuis la chute du régime Kadhafi et avec elle l’écroulement de toutes les institutions de l’Etat, la Libye est devenue de nouveau la plaque tournante des trafiquants qui opèrent sans état d’âme et en toute impunité. Plus de 110.000 migrants sont passés par son territoire en 2014, selon l’ONU.
Qui organise le trafic?
Les milices qui font la loi en Libye, y compris des groupes extrémistes comme Ansar Asharia, gagnent de l’argent avec ce trafic. Soit en l’organisant soit en percevant des paiements des trafiquants lorsqu’ils passent par les territoires qu’elles contrôlent.
“Il n’y a pas un gouvernement efficace en Libye pour limiter la traite des êtres humains ou même assurer un contrôle minimum des frontières”, souligne Issandr El Amrani, directeur Afrique du Nord à Crisis Group. “Il est donc devenu beaucoup plus facile pour les trafiquants d’acheminer les migrants à travers le pays sans police ou l’armée pour les arrêter”, précise-t-il.
Les trafiquants opèrent dans le cadre de réseaux, les “migrants remis d’un trafiquant à un autre jusqu’à ce qu’ils se retrouvent sur un bateau”.
“Il arrive que les transferts, qui ont lieu dans le désert, ne se produisent pas et les migrants sont alors abandonnés” à leur sort. Certains se perdent et meurent de soif. “Les tragédies ne se produisent pas seulement en mer”, souligne M. El Amrani.
Pour le géopolitologue Karim Bitar, “les immigrés deviennent une marchandise” aux yeux des trafiquants. Ils “sont pris en otage dans cette guerre des milices et paient le prix lourd du vacuum sécuritaire”.
Depuis la chute du régime Kadhafi, les autorités de transition ont chargé plusieurs milices de surveiller les frontières. Mais, selon des experts, ce sont ces mêmes miliciens payés et équipées par l’Etat qui s’adonnent au trafic.
Dans ce contexte, l’Italie a indiqué lundi qu’elle étudiait la possibilité d'”interventions ciblées” contre les passeurs en Libye.
Qui sont ces migrants?
Avant 2011, l’écrasante majorité des migrants provenaient des pays de l’Afrique sub-Saharienne comme le Niger, le Soudan, la Somalie, l’Erytrée, l’Ethipie, du Ghana, mais aussi le Cameroun et le Gabon.
La plupart d’entre eux passaient plusieurs mois, voire des années à travailler en Libye dans des conditions difficiles, le temps de gagner le prix de la traversée vers l’Europe, entre 1.000 et 2.000 dollars.
Après la chute du régime Kadhafi et la multiplication des conflits au Proche-Orient, en particulièrement en Syrie, la Libye est aussi devenue le pays de transit de ceux qui fuient la guerre.
Aujourd’hui, “ce n’est pas un hasard si un grand nombre des migrants traversant la Méditerranée sont originaires de pays déchirés par des conflits comme la Syrie, la Palestine (Gaza en particulier), l’Érythrée, ou le Mali”, souligne M. El Amrani.
Il estime que l’Europe devrait s’attaquer “aux causes profondes de la migration, qui ne sont pas seulement la pauvreté ou le manque d’opportunité, mais de plus en plus, les conflits qui ont engendré d’importantes populations de réfugiés”.
source : boursorama