Une tache sur la peau, banale et indolore. Voilà comment débute la lèpre, une maladie infectieuse facile à combattre mais qui continue pourtant d’handicaper et d’exclure des millions de personnes dans le monde, rappellent les associations avant la journée mondiale des lépreux.
Assis sur son lit dans une chambre du Centre hospitalier de l’Ordre de Malte (CHOM), à Dakar, Modou Gaye, 32 ans, se repose. Sa jambe gauche pend le long du lit, la droite s’arrête en-dessous du genou, où elle a été amputée.
“Je ne connaissais absolument pas la maladie”, raconte en wolof ce marchand ambulant originaire du centre du pays. Souffrant de plaies récurrentes sans pouvoir l’expliquer, il avait fait le tour des praticiens et des médecins traditionnels qui lui avaient prescrit diverses plantes et décoctions, sans résultat.
Lorsque le diagnostic de la lèpre a enfin été posé, ce jeune père de famille a pu être pris en charge au CHOM, établissement en pointe dans le traitement de cette maladie. Mais il était trop tard pour sauver sa jambe droite, atteinte à l’os.
La lèpre, dont la transmission est favorisée par la promiscuité et le manque d’hygiène, “touche les plus pauvres, les plus vulnérables”, décrit le Dr Charles Kinkpé, médecin-chef du CHOM, où les soins sont gratuits pour les indigents. “Ils attendent souvent la dernière minute pour consulter”, regrette ce chirurgien orthopédique.
Or, cette maladie peut être guérie avant qu’elle ne provoque de graves séquelles. Depuis les années 1980, la polychimiothérapie, un traitement composé de trois antibiotiques et mis à disposition gratuitement par l’Organisation mondiale de la santé, soigne en quelques mois et définitivement le patient.
Mais souvent, les lépreux ne savent pas repérer les signes qui se développent insidieusement. Les nerfs sont attaqués, entraînant une insensibilité à la douleur.
Plus de 200.000 cas par an dans le monde
“Ils se brûlent en tenant une poêle chaude ou se blessent au niveau des pieds en marchant sur du verre, par exemple, et ne s’en rendent pas compte”, décrit le Dr Kinkpé. Les blessures s’infectent et atteignent les os, conduisant à des amputations. Stigmatisées, les victimes sont mis au ban de la société.
“Celui qui a la lèpre, il est isolé, éloigné, on ne le touche pas. On dit que tu es maudit”, témoigne Mas Diemg, un enseignant de 33 ans soigné depuis près de deux ans. Les femmes lépreuses cachent parfois leur maladie, de crainte d’être répudiées par leurs maris.
Pour casser les préjugés, les associations doivent redoubler de pédagogie et répéter que la lèpre n’est ni héréditaire, ni le signe d’une malédiction divine, et qu’elle est peu contagieuse.
L’un de ceux qui font marcher de nouveau les lépreux est lui même un ancien malade. Soigné en 1976, et guéri définitivement, Moustapha Seck, 60 ans, est resté au CHOM et confectionne désormais des chaussures orthopédiques destinées aux mutilés.
“Quand ils les mettent, d’abord ils marchent, ensuite ils dansent de joie”, glisse avec fierté le cordonnier à la barbiche grisonnante.
Au Sénégal, entre 200 et 300 nouveaux cas de lèpre sont recensés chaque année, mais les médecins estiment que seule une petite partie des malades sont détectés. “Si rien n’est fait on peut s’attendre à une augmentation de la prévalence”, alerte le Pr Charles Badiane, du CHOM.
Si d’énormes progrès ont été faits contre la lèpre, elle reste toutefois présente dans plus de 100 pays en Afrique, Amérique, Asie et Pacifique. En 2012, plus de 200.000 nouveaux cas ont été dépistés.
Mais la maladie peut être définitivement éradiquée. C’est ce que rappelleront les associations lors de la journée mondiale des lépreux qui s’étend en fait sur trois jours, de vendredi à dimanche.
© 2014 AFP