La France doit déployer 220 soldats supplémentaires au Sahel pour tenter de réprimer un pic de violence terroriste qui a entamé la crédibilité de ses 4 500 hommes de Barkhane et nourri le sentiment anti-français. Les dirigeants des pays du G5 Sahel lors du sommet de Pau se sont félicités de ce soutien.
Le président Emmanuel Macron et les dirigeants du Mali, du Niger, du Tchad, du Burkina Faso et de la Mauritanie ont fait preuve d’unité lors du sommet dans la ville du sud de la France lundi, alors qu’ils tentaient de trouver un terrain d’entente dans la bataille contre les insurgés au Sahel et démystifier les mythes sur la présence de la France dans la région.
Le sommet a été convoqué en réponse à l’hostilité croissante en Afrique de l’Ouest envers l’ancienne puissance coloniale, pour ne pas avoir rétabli la stabilité dans le Sahel agité.
Macron a déclaré qu’il voulait “la clarté” de ses partenaires ouest-africains quant à savoir s’ils voulaient la présence de la France ou non, et avait averti qu’il pourrait retirer les troupes françaises sans un engagement politique clair de leur part.
Après une réunion de deux heures à huis clos, la situation a été clarifiée, a-t-il dit.
“Le sommet de Pau est un tournant dans notre stratégie militaire”, a déclaré le leader français lors d’une conférence de presse au château de Pau, quelques heures après avoir présidé une cérémonie de dépôt de gerbes au mémorial de plusieurs soldats français décédés au Mali en novembre dernier.
Le nombre croissant de victimes des deux côtés a incité les forces françaises et africaines à s’unir sous une nouvelle structure de commandement, connue sous le nom de Coalition pour le Sahel, qui comprendra l’opération Barkhane de 4500 hommes et la force G5 de 5000 pays africains occidentaux.
220 autres troupes françaises seront envoyées pour donner un nouvel élan à la lutte contre les combattants liés aux groupes terroristes d’al-Qaïda et de l’État islamique, avec plus de forces spéciales européennes qui devraient se joindre dans les prochains mois, a ajouté Macron.
Souveraineté africaine
“Les troupes françaises sont au Sahel pour permettre aux dirigeants ouest-africains d’assumer pleinement leur souveraineté”, a insisté le dirigeant de 42 ans, en réponse aux allégations selon lesquelles la France poursuivait une approche néocoloniale.
Les activités antiterroristes sont réparties dans les cinq pays du Sahel, mais l’avenir se concentrera sur trois des zones les plus dangereuses à la frontière du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
“La priorité est l’État islamique au Grand Sahara”, a poursuivi Macron. Il a également appelé les forces Barkhane et G5 à renforcer le volet développement de leur opération pour regagner la confiance des civils.
Le Sahel, une région semi-aride juste en dessous du désert du Sahara, est en proie à l’insécurité depuis 2012, lorsque les rebelles touaregs ont tenté de prendre le contrôle du nord du Mali, incitant Paris à intervenir à travers son opération Serval.
Les troupes françaises ont été saluées comme des héros en 2013 pour avoir aidé à empêcher l’insurrection d’atteindre la capitale Bamako.
Sept ans plus tard, la situation en matière de sécurité s’est détériorée. Une attaque djihadiste présumée contre une base de l’armée nigériane jeudi qui a tué 89 soldats n’était que le dernier rappel de la menace terroriste persistante. Et beaucoup se demandent si la présence de forces extérieures n’a pas aggravé la situation.
Manifestations anti-françaises
Plus tôt lundi, plusieurs membres de la diaspora africaine ont manifesté devant le commissariat de Pau, faisant écho à des manifestations anti-françaises similaires au Sahel, pour exhorter les autorités françaises à mettre fin à “leur occupation”.
“Il n’y a aucune ambiguïté de la part des pays du G5 sur la question de savoir si les forces internationales doivent rester au Sahel”, a déclaré à RFI le ministre malien des Affaires étrangères Tiébilé Dramé. “Ils sont ici parce que nous leur avons demandé de venir.”
En public, les dirigeants du G5 ont été plus prudents dans leurs déclarations. Le Burkina Faso, qui assure la présidence tournante du groupe régional, a appelé à de meilleurs résultats militaires pour rassurer les populations locales.
Les quatre autres dirigeants du G5 ont refusé de répondre aux questions lors de la conférence de presse de lundi, en veillant à ne pas déranger les électeurs mécontents de la présence de l’ancienne puissance coloniale.
Le sommet de Pau visait à identifier un ennemi commun et à définir de nouveaux jalons pour mesurer les résultats militaires quantifiables. La nouvelle Coalition pour le Sahel mettra l’accent sur un plus grand partage du renseignement, qui, selon le leader burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, est la “clé” du succès militaire.
Un point d’interrogation plane sur l’engagement des États-Unis, qui a menacé de mettre fin à ses opérations militaires en Afrique de l’Ouest, privant potentiellement les forces de Barkhane d’intelligence vitale, de logistique et de soutien par drone.
La première mesure du succès du sommet aura lieu en juin lors de la prochaine réunion du G5 en Mauritanie, où Macron a promis de présenter des “résultats tangibles”.