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LA FRANCE, DOS AU MUR EN CENTRAFRIQUE

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L’IMBROGLIO CENTRAFRICAIN :

Tous les humanistes, tous ceux qui pensent que les Droits de l’Homme doivent jalonner les chemins du monde, tous les démocrates héritiers du Siècle des Lumières, épris de justice et de paix, tous ont souhaité et salué l’initiative courageuse de la France en Centrafrique. Et ils continuent à espérer que son intervention aux côtés des forces africaines aidera le pays à sortir du chaos.          Mais le Centrafrique n’est pas le Mali. Dès le début,  dans France-Centrafrique : Intervention à hauts risques (voir mon blog : Joseph  Akouissonne), j’ai insisté sur la différence entre les deux pays.           Au Mali, en grande partie musulman, la population du nord, à majorité touareg, menaçait de faire sécession. Se sentant ignorée par le gouvernement central, elle avait été influencée par des Arabes, venus probablement des rangs du F.I.S. (Front Islamique du Salut) algérien, ainsi que par des éléments de la garde prétorienne de Mouammar Kadhafi, qui, après son assassinat, voulaient transformer le nord du Mali en une République islamique. On savait donc à qui on avait affaire.          A la différence du Mali, la R.C.A est un pays à majorité animiste et chrétienne. Les musulmans ne forment qu’une petite entité. Chrétiens et  musulmans y ont toujours vécu dans une harmonie fraternelle. Personne ne pouvait imaginer une guerre confessionnelle en Centrafrique…           La flambée de ces violences dites cultuelles n’est que l’expression d’un ras-le-bol des Centrafricains – et non pas la cause principale du drame.           Les raisons sociales et politiques de ces embrasements sanglants ne datent pas d’aujourd’hui. Si la crise actuelle a atteint un tel degré de violence, c’est bien à cause de l’incurie des dirigeants successifs. Du pillage des ressources du territoire  par ceux-ci et par des puissances étrangères.  Des humiliations subies par des citoyens devenus des parias dans leur propre pays. Des rancoeurs accumulés par des habitants dépités, abandonnés et impuissants devant le dépeçage de leur nation.           Cette texture explosive était connue de tous.           Et surtout de la France, qui a toujours fait et défait les pouvoirs corrompus de ce pays damné.           Les rebelles n’auraient pas été majoritairement des musulmans, le chaos aurait tout de même surgi. Le Centrafrique était une poudrière qui ne demandait qu’à exploser. Ceux qui cherchent à tout prix à accréditer la thèse d’une guerre confessionnelle ne sont que de piètres politiciens démagogues. Les interventions de puissances étrangères ne ramèneront pas la sérénité en Centrafrique si on ne prend pas en compte les desideratas d’un peuple trop longtemps méprisé.          Car tout ce qui se passe n’est autre que la révolte d’un peuple garrotté.                     UN ETAT MENACE DANS SON INTEGRITE :           Ceux qui croyaient que le survol de Bangui à basse altitude par des Rafales et des hélicoptères suffirait en partie à ramener le calme  ont commis une grossière erreur d’appréciation. Même la France a reconnu la possibilité d’un enlisement de ses forces  dans le bourbier centrafricain.          Des soldats tchadiens échangent des coups de feu avec des soldats burundais alors qu’ils font tous partie de la MISCA (Mission Internationale de Soutien au Centrafrique).           Les mêmes soldats tchadiens tirent sur la foule pour protéger les membres de l’ex-Séléka et les musulmans. Et, aujourd’hui, on transforme les chrétiens en agresseurs !          A-t-on déjà oublié la barbarie dont a fait preuve la milice, quand elle a pris la capitale ? Et la tentative de créer un véritable sultanat du côté de Bossangoa ?  Installés à la tête du pays par la Séléka elle-même, les dirigeants laissent faire, donnant l’impression d’être les otages de mercenaires étrangers.           L’état en tant que tel n’existe plus. Les frontières poreuses sont prises d’assaut par toutes sortes d’aventuriers : des Janjawids venus du Darfour ; des bandes de prédateurs, surgissant du nord et du sud Soudan ; des rebelles tchadiens anti-Deby ; des fous de Dieu en provenance de l’Ouganda. Le Centrafrique est devenu la proie de tous les rufians, venus essentiellement du nord.           Mais comment évaluer ce qui se passe sur l’ensemble du territoire ? La République Centrafricaine est plus vaste que la France et la Belgique réunies.  Cependant, dans les médias, il n’est question que de la capitale, Bangui, et de la grande ville du nord, Bossangoa. Faudra-t-il rappeler aux envoyés spéciaux qu’il existe, en R.C.A., d’autres villes importantes et des régions qui ne le sont pas moins ?  Le  M’bomou, uranifère, le Haut M’bomou, région de l’actuel Président, Michel Djotodia, la Kotto  et la Basse-Kotto, régions aurifères convoitées par des aventuriers au passé inquiétant…          Personne n’est en mesure d’évaluer et de rapporter les tragédies qui se  jouent dans ces régions oubliées. Le gouvernement de transition  n’a aucune prise sur ces territoires. Des drames pires que ceux qui ont eu lieu à Bangui  doivent, sans doute, s’y dérouler.  UNE STRATEGIE HASARDEUSE : Le mardi 31 décembre, le Président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguésso,  a dit redouter une implosion de la République Centrafricaine.           Pendant ce temps, l’Union Africaine et la France ont apporté leur soutien à l’action du Président tchadien en Centrafrique : « la France garde toute sa confiance en N’Djamena » a déclaré Vincent Floréani, porte-parole adjoint du Quai d’Orsay. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a, quant à lui, réaffirmé tout le bien qu’il pensait des actions d’Idriss Déby en R.C.A. : « nous avons une réelle convergence d’analyse avec lui. C’est un canal de communication très important dont nous pouvons nous servir pour faire passer le message à Bangui…”           Autrement dit, Michel Djotodi, le Président intérimaire, ne compte pas. C’est à Deby qu’il faut parler de la République Centrafricaine !         Ces comportements ne peuvent qu’anéantir l’espoir de salut que les Centrafricains avaient mis dans l’intervention de la France. Car, pour eux, Deby et ses soldats ne sont que des envahisseurs.           La France a commis là une faute politique des plus graves.  C’est inquiétant. Sait-elle encore où elle va en Centrafrique ? Seule, sur le terrain miné de la R.C.A., l’armée française ne remplira pas sa mission de paix. Mais quelle aide reçoit-elle ?Les autres pays européens n’ont proposé que des actions ponctuelles, largement insuffisantes. Là où la solidarité de l’Union Européenne devrait jouer, c’est le grand silence…          Il faudrait donc que l’Union Africaine sollicite, en urgence, une intervention massive des forces américaines aux côtés des Français. Elle permettrait sans doute de sécuriser les frontières et de désarmer les rebelles.          Par ailleurs, la MISCA ne devrait pas être exclusivement composée de militaires issus de l’Afrique Centrale. Cette configuration ne peut qu’aggraver une situation déjà chaotique, les Burundais prenant partie pour les chrétiens, les Tchadiens pour les musulmans. D’autres pays devraient pouvoir être mis à contribution. CONSTRUCTION POLITIQUE : Des blessures ont été ouvertes. Des haines, inconnues dans ce pays, ont fissuré des liens jusqu’alors fraternels. Un peuple a été pillé et méprisé. Des cartels de dirigeants cupides et corrompus ont été manipulés par des étrangers. Une partition du territoire a été projetée, afin de mettre la main sur un sous-sol  riche en minerais stratégiques.          Aujourd’hui, ce sont les bases d’une reconstruction politique du pays qu’il faut jeter sans tarder, pour sortir le Centrafrique de l’abîme. C’est ainsi que l’on pourrait :          1. commencer à envisager une Réunion nationale de Réconciliation et de Pardon ;  2. remettre le pouvoir à un Comité de Salut Public sous l’égide de l’Union Africaine et de l’O.N.U.,  les acteurs politiques actuellement au pouvoir étant considérés comme illégitimes aux yeux des Centrafricains pour avoir introduit  un bain de sang dans leur pays ;  3. interdire à Idriss Deby Into, Président du Tchad, de continuer à intervenir en R.C.A., les Centrafricains haïssant leurs frères tchadiens à cause de lui ;  4. appuyer les actions de paix menées conjointement par l’Archevêque de Bangui et le Grand Imam de Centrafrique pour exhorter les gens à ne pas se laisser entraîner dans le cycle de la vengeance ;  5. associer tous les Centrafricains, sans exclusive, à toutes les étapes de la reconstruction du pays ;  6. organiser in fine une Table Ronde Nationale, que l’on pourrait appeler la Table de la Renaissance, qui se tiendrait en même temps que seraient diffusés, sur les ondes et dans les médias, des messages de fraternité.  C’est  par la volonté et la force de son peuple que le Centrafrique renaîtra.    « Même si le coq ne chante pas à l’aube, le jour se lèvera quand même » (Proverbe africain.) Source : mediapart

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