La France réorganise sa présence dans le Sahel autour de trois pôles principaux : le Mali, le Niger et le Tchad. Ce redéploiement devrait permettre de mieux lutter contre les djihadistes, et de renforcer la coopération avec les États-Unis.
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, après s’être déplacé successivement au Mali, au Niger et au Tchad, s’est rendu la semaine dernière aux États-Unis. Ce calendrier n’est pas le pur fruit du hasard : la France vient de réorganiser sa présence dans le Sahel pour créer une sorte de “maillage” permettant une meilleure réactivité et une lutte plus efficace contre les djihadistes évoluant dans la zone. Elle a présenté sa nouvelle organisation aux autorités américaines.
“L’ensemble des bases mises en place comportera 3 000 militaires sur une longue durée”, a détaillé le ministre au cours d’une conférence de presse en fin de semaine dernière. Le nombre de soldats français en Afrique n’augmente pas mais ils sont déployés différemment. Les 3 000 hommes de ce nouveau dispositif seront désormais principalement basés à Gao au Mali, à Niamey au Niger, et à N’Djamena au Tchad.
Gao, au Nord-Mali, devrait devenir une sorte de plaque tournante de l’armée française en Afrique, d’où les forces devraient poursuivre leurs opérations dans le nord du pays, aux côtés de l’armée. Au Tchad, la base de N’Djamena comptera un peu moins d’un millier d’hommes et permettra un déploiement rapide vers le nord de ce pays en cas de besoin. L’essentiel des moyens aériens français resteront stationnés dans la capitale tchadienne. Niamey fera office d’arrière-base logistique et de pôle de renseignements. La base logistique sera située sur le port d’Abidjan en Côte d’Ivoire et les forces spéciales seront positionnées à Ouagadougou au Burkina Faso.
Lutte anti-terroriste
Jean-Yves Le Drian a donc passé, entre décembre et janvier, plusieurs accords avec les pays de la région sahélienne pour formaliser la présence des soldats français et de leur matériel militaire sur leur sol, mais aussi pour définir les contours de la lutte anti-terroriste [de l’armée française] dans ces pays. “Au Niger, si vraiment les choses tournent mal dans le nord du pays, nous serions en mesure de fournir un appui aérien aux forces nigériennes depuis notre base de N’Djamena”, détaillait début janvier sur RFI une “source française en Afrique préférant garder l’anonymat”.
L’opération Serval au Mali, entamée en janvier 2013, a permis de porter des coups très durs aux islamistes armés qui contrôlaient le nord du pays, mais l’intervention française a également provoqué une dispersion de milliers de combattants djihadistes sur l’ensemble du Sahel. Le sud de la Libye est notamment devenu une “zone grise” échappant à tout contrôle. C’est en particulier cette région, source de préoccupations internationales, qui est ciblée par la réorganisation des troupes françaises en Afrique. “Ce redéploiement doit notamment servir à se prémunir contre un chaos libyen”, a assuré Jean-Yves Le Drian.
Renforcement de la coopération franco-américaine
Le ministre a finalisé ce remaniement en présentant à son homologue américain Chuck Hagel la nouvelle stratégie française en Afrique, dont la lutte contre le terrorisme est devenue le maître mot. Il a jugé “tout à fait indispensable” le partenariat de la France et des États-Unis sur le continent africain. L’opération Serval en a d’ailleurs été un exemple. Le Pentagone s’était chargé d’acheminer sur le terrain une partie du matériel militaire, et a fourni à l’armée française des avions ravitailleurs et des avions d’écoute. Un coup de main précieux, de l’avis de nombreux experts militaires.
L’armée française a par ailleurs récemment acheté en urgence deux drônes de surveillance américains Reaper MQ-9, capables de renseigner l’armée sur l’ensemble de la zone sahélienne, et une station de contrôle au sol, installée à Niamey. Ces systèmes, qui “améliorent de façon significative” les capacités de renseignement français, ont été puisés dans les stocks initialement destinés à l’US Air Force. Six pilotes ont été formés fin 2013 sur la base américaine d’Holloman, au Nouveau-Mexique.
C’est dire si la coopération entre Paris et Washington se renforce sur la question sahélienne. D’autant que les deux pays partagent la même analyse des menaces dans la région. En marge de son déplacement à Washington et à l’issue de son entretien avec Chuck Hagel au Pentagone, Jean-Yves Le Drian a exprimé son souhait de voir la coopération avec les États-Unis s’étendre “dans le domaine opérationnel”, mais aussi dans la formation des armées africaines. La bonne entente franco-américaine est donc vouée à se pérenniser sur le continent africain.
Source: afriscoop