Seiffedine Rezgui, le djihadiste qui a ouvert le feu sur 38 touristes à Sousse en Tunisie il y a une semaine, était-il drogué? Non, affirme au Figaro le ministère de l’Intérieur tunisien, contredisant un article du quotidien britannique The Daily Mailqui cite une source proche du dossier.
L’hypothèse était pourtant plausible. Le comportement étrange du meurtrier, qui a ri et souri pendant son raid barbare sans se départir de son calme ni chercher à fuir, a frappé les témoins de la scène. Et la consommation de fénétylline (également épelée phénétylline ou fénéthylline), un dérivé de l’amphétamine, par les combattants islamistes au Moyen-Orient ou en Libye pour tenir le coup a été largement commentée ces dernières années.
Conçue au début des années 1960 à des fins thérapeutiques pour traiter les enfants hyperactifs, la molécule est commercialisée sous le nom Captagon. «À faibles doses, elle tient en éveil. Elle a été d’ailleurs largement détournée par les étudiants pendant les révisions, car elle leur donnait l’impression de réfléchir plus vite», explique un pharmacologue au Figaro. Ce psychostimulant dissipe les sensations de fatigue et de faim, induit une euphorie et un sentiment d’hyperconcentration. Mais à fortes doses, «ces produits sont dépersonnalisants, induisant des troubles de la personnalité. L’individu perd tout jugement, toute notion de bien et de mal», poursuit le pharmacologue.
Des centaines de millions de dollars
La fénétylline a été interdite dans presque tous les États du monde en 1986 dans le cadre de la Convention sur les substances psychotropes, qui vise à limiter la production et le commerce de substances psychotropes synthétiques. En France, le Captagon a encore été délivré à titre exceptionnel et temporaire à une trentaine de patients ces dix dernières années pour traiter une narcolepsie sévère, explique-t-on à l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui signale des difficultés d’approvisionnement.
Alors que la contrefaçon du Captagon émanait principalement des pays d’Europe de l’Est au début des années 2000, le trafic s’est déplacé vers le milieu de la décennie au Moyen-Orient, qui est désormais le principal exportateur et consommateur, rapporte le journal britannique Time. La guerre qui secoue la Syrie a contribué à en faire la plaque tournante régionale, confirme l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime dans son rapport annuel de 2014. Les comprimés blancs transitent par la Jordanie avant d’être envoyés dans tout le sous-continent, l’Arabie saoudite étant le principal destinataire. D’importantes saisies ont aussi été réalisées au Liban, en Jordanie et au Yémen, poursuit l’agence onusienne. Des marchés émergents auraient aussi été détectés en Afrique du Nord, selon l’agence Reuters.
Ces comprimés marqués du logo du Captagon contiennent souvent, plutôt que de la fénétylline, des amphétamines, plus faciles à produire à moindre prix. Leur commerce illégal rapporterait des centaines de millions de dollars chaque année à la Syrie. «Les milices en Syrie en consomment une partie mais elle l’exportent aussi dans les pays du Golfe. Les gains leur permettent de financer l’achat de leurs armes et les opérations militaires», résume dans une interview vidéo publiée sur le site d’ArteRadwan Mortada, spécialiste des mouvements djihadistes.
Source: lefigaro