La Cour Constitutionnelle, saisi par l’ancien premier questeur par Lettre confidentielle n°007/CNT-Q du 19 juin 2023, objet du dépôt N°2023/63/CNT sur la conformité de la proposition de loi portant loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition adoptée à la majorité absolue des membres votants en 2023 a déclarés non conformes à la Constitution et à la Charte de la Transition le titre de la loi ainsi que les dispositions des articles 1er, 4, 5, 6, 7 et 8 de ladite loi. Ci-dessous l’arrêt du 18 avril 2024 rendu public ce jeudi 25 avril 2024.
ARRET N°2024-01/CC DU 18 AVRIL 2024
La Cour constitutionnelle
AU NOM DU PEUPLE MALIEN
Vu la Constitution ;
Vu la Charte de la Transition ;
Vu la Loi n°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la Transition ;
Vu la Loi n°97-010 du 11 février 1997 modifiée par la Loi n°02-011 du 05 mars 2002 portant loi organique
déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle en date du 28 août 2002 ;
Vu le Décret n°94-421 du 21 décembre 1994 portant organisation du Secrétariat Général et du Greffe de la Cour constitutionnelle ;
Vu la requête en date du 20 mars 2024 de son Excellence Monsieur le Président de la Transition, Chef de l’Etat transmettant à la Cour constitutionnelle, la Loi organique n°2023-058 du 16 novembre 2023 fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition ;
Vu les pièces jointes ;
Les rapporteurs entendus en leur rapport ;
Après en avoir délibéré ;
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUÊTE
Considérant que par requête n°0001/PT en date du 20 mars 2024 enregistrée au Greffe de la Cour de céans le 21 mars 2024 sous le n°008, le Président de la Transition,
Chef de l’Etat, sur le fondement de l’article 147 de la Constitution, saisissait la Cour constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité de la Loi n°2023-058 du 16 novembre 2023 portant loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 147 de la Constitution : « La Cour constitutionnelle connaît obligatoirement de la constitutionnalité des lois organiques avant leur promulgation… ;
Les lois organiques sont soumises par le Président de la République à la Cour constitutionnelle avant leur promulgation» ;
Considérant que l’article 3 de la Charte de la Transition dispose : « Les organes de la Transition sont :
– le Président de la Transition ;
– le Conseil national de Transition ;
– le Gouvernement de la Transition » ;
Considérant que l’article 13 de la Charte de la Transition précise : « Le Conseil national de Transition est l’organe législatif de la Transition… » ;
Qu’il ressort de l’analyse desdits articles que le Président de la Transition et le Conseil national de Transition exercent les prérogatives définies par la Constitution, notamment celles du Président de la République et du Parlement ;
Considérant que l’article 101 de la Constitution édicte qu’une loi organique fixe les indemnités et autres avantages alloués aux Députés et aux Sénateurs ;
Considérant que la Loi n°0023-058 du 16 novembre 2023 fixe les avantages, les indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition ;
Qu’en conséquence ladite loi revêt le caractère de loi organique ;
Considérant qu’au cours de sa séance plénière, à huis clos, du 16 novembre 2023, le Conseil national de Transition a voté la Loi n°2023-058 du 16 novembre 2023 portant loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition ;
Considérant que la loi soumise au contrôle de la Cour n’a pas été promulguée ;
Qu’il convient, par conséquent, de recevoir comme régulière la requête du Président de la Transition, Chef de l’Etat ;
SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE D’ADOPTION DE LA LOI N°2023-058/CNT-RM DU 16 NOVEMBRE 2023
Considérant que par Lettre confidentielle n°007/CNT-Q du 19 juin 2023, objet du dépôt n°2023/63/CNT, le Conseil national de Transition a été saisi de la proposition de loi portant loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition, initiée par monsieur Nouhoum DABITAO, premier questeur ;
Considérant que l’article 101 de la Constitution dispose :
« Une loi organique fixe les indemnités et les autres avantages alloués aux Députés et aux Sénateurs. » ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 124 de la Constitution : « Les lois auxquelles la présente Constitution confère le caractère de loi organique sont votées dans les conditions suivantes :
– le projet ou la proposition ne peut, être soumis à la délibération qu’à l’expiration d’un délai de quinze (15) jours, après son dépôt ;
– il est adopté à la majorité absolue des membres votants;
Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration, par la Cour constitutionnelle,
de leur conformité à la Constitution » ;
Considérant qu’il ressort, du compte rendu intégral de la séance plénière du 16 novembre 2023, versé au dossier de la procédure, que le Conseil national de Transition a délibéré le même jour sur la proposition de loi objet du dépôt n°2023/63/CNT en date du 19 juin 2023, portant loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition ;
Que dès lors, il convient de dire que la proposition de loi a obéi aux délais de dépôt et d’examen à savoir quinze (15) jours entre la date de dépôt le 19 juin 2023 et la date de son examen le 16 novembre 2023 ;
Considérant que le Conseil national de Transition a adopté la proposition de la loi au cours de la même séance à l’unanimité des membres présents, par cent trente-deux (132) voix pour, zéro (00) voix contre et zéro (00) abstention ;
Qu’ainsi, la loi soumise au contrôle de constitutionnalité a été votée à la majorité absolue des membres présents du Conseil national de Transition dans les délais et formes prévus par la Constitution ;
Que de ce qui précède, il y a lieu de déclarer, régulière, la procédure de son adoption ;
SUR LA CONFORMITE A LA CONSTITUTION, DE LA LOI N°2023-058/CNT-RM DU 16 NOVEMBRE 2023
Considérant que la Loi n°2023-058/CNT-RM du 16 novembre 2023 est composée de neuf (09) articles ;
Que le titre de ladite loi est ainsi libellé : « loi organique fixant les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition » ;
Que l’article 1er dispose : « La présente loi organique fixe les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition » ;
Considérant que l’article 101 de la Constitution dispose :
« Une loi organique fixe les indemnités et les autres avantages alloués aux Députés et aux Sénateurs. » ;Qu’il résulte de la lecture de cette disposition que le membre de phrase « et autres traitements » constitue un rajout tant dans le titre de la loi qu’au niveau de l’article 1er et n’est pas conforme à la Constitution ;
Qu’il y a lieu d’y procéder ;
Considérant que l’article 7 dispose : « La présente loi régit les avantages, indemnités et autres traitements des membres du Conseil national de Transition depuis sa mise en place » ;
Considérant que ces dispositions sont itératives de celles de l’article 1er qui précisent déjà l’objet de la loi organique ;
Que cependant la précision « depuis sa mise en place », qui traduit le caractère rétroactif de la loi, devrait figurer, conformément à la tradition légistique, dans les dispositions finales ;
Considérant que l’article 8 dispose : « Les montants et modalités d’attribution des indemnités, avantages et autres traitements des membres du Conseil national de Transition sont déterminés par un acte règlementaire interne du Président du Conseil national de Transition » ;
Considérant que cette compétence revient au législateur organique conformément à l’article 101 de la constitution ;
Qu’en conséquence, l’article 8 est contraire à la Constitution ;
Considérant que l’article 9 dispose : « la présente loi qui abroge toutes dispositions antérieures contraires sera enregistrée et publiée au journal officiel » ;
Considérant que cette disposition, sans être contraire à la Constitution, peut être reformulée ainsi qu’il suit :
« La présente loi, qui prend effet à compter de la date de mise en place du Conseil national de Transition, abroge toutes dispositions antérieures contraires et sera enregistrée et publiée au Journal officiel » ;
Qu’il y a dès lors lieu de déclarer l’article 9 conforme à la Constitution ;
PAR CES MOTIFS
Article 1er : Déclare la requête du Président de la Transition, Chef de l’Etat recevable et la procédure
d’adoption de la Loi n°2023-058/CNT-RM du 16 novembre 2023, régulière ;
Article 2 : Déclare conformes à la Constitution et à la Charte de la Transition, les dispositions de l’article 9 de laLoi n°2023-058/CNT-RM du 16 novembre 2023 ;
Article 3 : Déclare les dispositions des articles 2 et 3 conformes à la Constitution et à la Charte de la Transition sous réserve des reformulations proposées ;
Article 4 : Déclare non conformes à la Constitution et à la Charte de la Transition le titre de la loi ainsi que les dispositions des articles 1er, 4, 5, 6, 7 et 8 ;
Article 5 : Ordonne la notification du présent Arrêt au Président de la Transition, Chef de l’Etat et sa publication au Journal officiel.
Ont siégé à Bamako, le dix-huit avril deux mil vingt quatre Monsieur Amadou Ousmane TOURE
Président
Monsieur Beyla BA Conseiller
Monsieur Mohamed Abdourahamane MAIGA Conseiller
Madame KEITA Djénéba KARABENTA Conseiller
Monsieur Aser KAMATE Conseiller
Maître DOUCOURE Kadidia TRAORE Conseiller
Madame BA Haoua TOUMAGNON Conseiller
Maître Maliki IBRAHIM Conseiller
Monsieur Demba TALL Conseiller
Avec l’assistance de Maître Abdoulaye M’BODGE,
Greffier en Chef
Pour Expédition certifiée conforme délivrée avant enregistrement.
Bamako, le 18 avril 2024
LE GREFFIER EN CHEF
Maître Abdoulaye M’BODGE
Chevalier de l’Ordre National