Les autorités ivoiriennes ont annoncé vendredi leur refus de transférer devant la Cour pénale internationale (CPI) Simone Gbagbo, la compagne de l’ex-président Laurent Gbagbo, poursuivie comme son mari pour crimes contre l’humanité après les violences postélectorales de 2010-2011.
Le conseil des ministres, réuni en session extraordinaire, « a décidé de présenter une requête en irrecevabilité et de sursoir à exécuter le mandat d’arrêt émis par la CPI le 29 février 2012 (…) sur la demande du transfèrement de Mme Simone Gbagbo à La Haye », selon un communiqué gouvernemental.
Il aura fallu plus d’un an et demi aux autorités ivoiriennes pour prendre cette décision, un délai anormalement long.
Après le Kenya, la Côte d’Ivoire est le deuxième pays africain refusant de collaborer avec la CPI en à peine deux semaines.
Début septembre, les députés kényans ont approuvé une motion demandant que le Kenya sorte du Statut de Rome, texte fondateur du tribunal international, alors que leur président Uhuru Kenyatta et leur vice-président William Ruto sont poursuivis par la CPI.
Le refus ivoirien d’extrader Mme Gbagbo vers la CPI « vise à la faire juger en Côte d’Ivoire (…) par les juridictions ivoiriennes (…) », explique le communiqué.
Le gouvernement, qui « déposera incessamment sa requête au greffe de la CPI », a justifié sa décision par le fait que les juridictions nationales « sont aujourd’hui réhabilitées et à même de lui (Mme Gbagbo) faire un procès juste et équitable garantissant les droits de la défense », précise le texte.
« A l’époque du transfèrement du président Gbagbo (fin 2011), nous avions dû prendre une décision dans l’urgence. Notre justice était pratiquement en déshérence. Les tribunaux étaient détruits, les juges en cavale ou introuvables. Il n’y avait pas de justice. Même la sécurité de M. Gbagbo n’était pas assurée », a commenté à l’AFP Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement.
« Mais aujourd’hui, la justice est en marche. Rien ne justifie le transfèrement à La Haye de Madame Gbagbo », a justifié M. Koné, par ailleurs ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication.
« Si nous avions le moindre doute quant à l’équité de la justice ivoirienne, nous l’aurions quand même extradée aux Pays-Bas », a-t-il assuré.
Joint par l’AFP, un porte-parole du Front populaire ivoirien (FPI), parti de Laurent Gbagbo, n’a pas souhaité réagir à chaud.
Simone Gbagbo avait été placée en détention à Odienné (nord-ouest) après la crise postélectorale ayant duré de décembre 2010 à avril 2011, liée au refus de l’ancien président Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara à l’élection de novembre 2010. Les troubles avaient fait quelque 3.000 morts.
Née en 1949 près de Grand-Bassam (est d’Abidjan) d’un père gendarme, dans une famille de 18 enfants, Simone Ehivet est devenue Première dame le 26 octobre 2000 quand son mari est élu dans des conditions controversées.
Surnommée la « Dame de fer », elle a été autant respectée pour son parcours dans l’opposition que crainte pour son rôle de « présidente » à poigne, souvent accusée d’être liée aux « escadrons de la mort » contre les partisans d’Alassane Ouattara, désormais au pouvoir, qu’elle a toujours honni.
Mme Gbagbo est également poursuivie par la justice ivoirienne pour génocide et crimes de sang, atteinte à la sûreté de l’Etat et infractions économiques.
Début août, quatorze personnalités proches de l’ex-président Gbagbo, dont son fils Michel, ont obtenu une mise en liberté provisoire.
Le régime d’Alassane Ouattara est régulièrement accusé de favoriser une « justice des vainqueurs », aucune figure de son camp n’ayant été inquiétée pour les graves crimes commis durant la dernière crise.
Outre la non-extradition de Simone Gbagbo, le conseil des ministres a décidé vendredi d’accorder une grâce collective à environ 3.000 détenus de droit commun.