Depuis le coup d’Etat militaire d’août 2020 contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, l’organisation sous-régionale, la CEDEAO, j’allais dire, le Club des Chefs d’Etat, ne cesse de multiplier au Mali, visites, rencontres et diktats. Cette organisation qui, à sa création en 1975, avait suscité tant d’espoir chez les peuples Ouest-africains, n’a-t-elle pas depuis un certain bradé ses vrais objectifs contre les coups bas de la France ? N’a-t-elle pas un agenda caché si ce n’est qu’imposer des décisions irréalistes, illogiques et inopportunes à l’Etat du Mali dont la souveraineté, depuis le 22 septembre 1960, est en principe pleine et entière. Même si cette souveraineté est sérieusement affectée depuis 2012, du fait des crises politico-institutionnelles à répétition et des violences terroristes !
Pourtant l’un des objectifs essentiels de la CEDEAO, est le respect de la souveraineté des Etats membres, de la démocratie et de la bonne gouvernance dans ces Etats. C’est pourquoi, dans le contexte actuel de crise politico-institutionnelle à dimension multiple que connait le Mali depuis 2012, beaucoup de nos concitoyens se posent la question de savoir si le Mali est en réalité, un Etat souverain qui dispose d’une souveraineté ? La réponse à cette question permet de mieux comprendre la suite des idées ici développées.
Le Mali est avant tout, un Etat organisé, avec ses hommes et ses institutions démocratiques. Cette forme d’organisation (politico-administrative et socio-culturelle) d’un Etat, le Mali l’a connue depuis le XIIè siècle sous l’Empire du Mali de Soundjata Kéïta, par le biais de la « Charte de Kurukan-Fuga » de 1236, la plus vieille au monde. Parlant de la souveraineté d’un Etat, le français Louis Le Fur disait à la fin du XIXè siècle que, « la souveraineté d’un Etat est la qualité de cet État de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif qu’il est appelé à réaliser ».
Cette volonté dont il s’agit ici, est celle du Peuple conformément à ce qu’il veut qu’il soit réalisé. La souveraineté nationale appartient au Peuple qui l’exerce, disent les hommes du Droit. Depuis août 2020, date de rupture de l’ordre constitutionnel, c’est tout le contraire de cet état de droit et de démocratie que vivent le Mali et les maliens, en raison des réactions rétrogrades et impulsives de la CEDEAO et de la communauté internationale contre le Mali. Où étaient la CEDEAO et cette communauté internationale lorsque pendant 7 ans, le Peuple souverain du Mali décriait la mauvaise gouvernance du régime d’IBK, gangrené par une corruption à ciel ouvert, une gabegie financière incontrôlée et un népotisme au mépris de l’égalité des chances ou du mérite et aussi, quand le mensonge d’Etat prenait corps et force ?
Toutes ces difficultés ont fini par faiblir l’Etat du Mali dans tous ses fondements, de Kayes à Kidal. La conséquence immédiate de cet état de fait est que la République n’a pas pu résister à une horde de terroristes parvenue à s’y implanter depuis 2013, en s’attaquant aux symboles de l’Etat et en laissant des populations martyrisées, entre l’angoisse, le désespoir et la pauvreté après la destruction de leurs habitats, greniers et champs. Malheureusement, c’est ce moment précis de l’histoire sombre du Mali que la CEDEAO choisit pour brandir ses intimidations, ses menaces et ses sanctions, bref une série de diktats à chaque fois que sa délégation débarque à Bamako.
Aujourd’hui, les maliens ont l’impression d’être méprisés et abandonnés à leur propre sort et leurs vraies préoccupations ignorées par la CEDEAO et la communauté internationale. Cette posture qui anime ces institutions contre les intérêts suprêmes du Mali, est incompréhensible et contraire aux principes de la Charte des Nations-Unies relative au respect de la souveraineté nationale et internationale d’un Etat. Souffrir de la guerre depuis 2013 contre les terroristes sans foi, ni loi, appuyés de façon furtive par la France, avec la bénédiction de certains de nos compatriotes en manque de repère, qui appellent le Conseil de Sécurité, la CEDEAO et l’Union Africaine à faire davantage de pressions sur nos autorités de la Transition sur le respect du délai de la durée de la transition et à la tenue d’élections générales en février 2022, est tout simplement une option irréaliste, suicidaire et inadmissible, compromettant beaucoup plus, la stabilité politique et institutionnelle de la République du Mali dont cette communauté internationale prétend rétablir.
Sont les ennemis du Mali, ceux qui n’ont pas voulu voir couler, le sang et les larmes des maliennes et des maliens, entendre les cris et les pleurs d’enfants, de femmes et de vieillards des villages, amplifiés et répétés par les échos de nos forêts et montagnes depuis 2013. Sans doute, la CEDEAO est bien cette ennemie du Mali. Quand on raisonne, la logique veut qu’on agisse suivant la volonté du Peuple qui détient le vrai pouvoir qu’il délègue à ses dirigeants. C’est donc avec ce Peuple mature, respectueux et vertueux du Mali, que la CEDEAO et la communauté internationale doivent discuter.
Au lieu de cette démarche de sagesse, l’ONU emboîte aussi le pas à la CEDAO en envoyant une délégation du Conseil de Sécurité pour la même exigence, ignorant que des solutions consensuelles, efficaces et durables ne sauraient prospérer dans les conditions actuelles d’insécurité et d’instabilité, autrement dit, pas d’élections inclusives, transparentes et acceptées qui pourraient produire au bout de quelques semaines, quelques petits mois, les mêmes effets que nous vivons depuis 2012. Les vœux légitimes du Peuple du Mali fort exprimés par les maliennes et les maliens s’articulent autour de la reconquête intégrale du territoire national et les réformes politico-institutionnelles tels que le nettoyage systématique du fichier électoral, la révision du code électoral, de la Charte des partis politiques et de celle de la Constitution de 1992, etc., qui passent avant toute organisation d’élections qui n’est pas une priorité en ce moment.
C’est en refusant toutes ces pistes, ces options que le Peuple du Mali propose comme recettes, que nous avons noté la énième visites à Bamako, d’une délégation de haut niveau de la CEDEAO le dimanche 18 octobre 2021 à Bamako, sous la conduite du Président en exercice de la Conférence des Chefs, le Président ghanéen Nana Akufo-Addo, pour exiger aux autorités de la Transition, le respect strict des échéances électorales de février 2022 et de surseoir à l’organisation des Assises Nationales de Refondation qui sont pourtant l’émanation du Peuple souverain du Mali en dépit de l’opposition de certains partis politiques préoccupés par la conquête du pouvoir en février 2022.
C’est aussi dans cette optique, que la délégation du Conseil de Sécurité des Nations-Unies est arrivée à Bamako le samedi 23 octobre 2021 pour la même cause, celle défendue par la CEDEAO depuis août 2020. Ce jeu de dupes et de pressions auquel se livre la CEDEAO, porte-voix de la France, au nom d’un agenda caché, les maliens l’ont compris. Ce qui explique depuis quelque temps, cette voix discordante entre les maliens qui défendent à tout prix, les intérêts supérieurs d’un pays en péril, la CEDEAO et la communauté internationale, aux approches attentatoires à la dignité et à la souveraineté du Peuple du Mali.
C’est pourquoi, nous souhaiterions lors de la prochaine visite de la délégation de la CEDEAO ou du Conseil de Sécurité au Mali, que les rencontres avec les autorités de la Transition, se passent dans une des localités du Pays Dogon afin que cette délégation se rende bien compte, du niveau d’insécurité et de déliquescence (absence de l’Administration et des services sociaux de base, de la fermeture des écoles, etc.) de l’Etat du Mali, en proie au terrorisme violent et meurtrier depuis 2013. Par contre, le coup d’Etat en Guinée contre le Président Condé n’a pas la même thérapie de choc qu’au Mali, de la part de la CEDEAO qui s’est contentée de sanctions assez légères. N’y a-t-il pas eu encore du « deux poids, deux mesures », pour la même cause ? Aujourd’hui, beaucoup de maliens s’interrogent sur quelle sera la suite si toutefois, les élections de février 2022 venaient à être ignorées par les autorités de la Transition qui préfèrent entendre la voix légitime du Peuple du Mali, plutôt que de se soumettre aux injonctions ou diktats de la communauté internationale ?
Wait and see !
Dr. Allaye GARANGO, Enseignant chercheur- ENSup- Bamako
Source : Le pelican