Loin d’avoir été résorbée, la crise financière et monétaire internationale de 2007-2008 s’est aggravée dans le contexte de la pandémie de Covid-19 qui a plombé l’économie mondiale. En effet, les réponses apportées par les gouvernements via les banques centrales, notamment des pays développés, pour lutter contre ses effets sont limitées aux aspects budgétaires et monétaires, provoquant une surévaluation croissante des actifs et une augmentation sans précédent des niveaux d’endettement.
Où en est la situation actuellement? Pourquoi les plans d’assouplissement quantitatif monétaires n’ont pas abouti à une relance économique mondiale? Comment expliquer la prospérité de certains géants, à l’instar des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), alors que des pans entiers de l’économie mondiale n’arrivent pas à se relever de ces crises?
Par ailleurs, quels sont les impacts sur les économies africaines, notamment du Maghreb et du Sahel? Quelles stratégies peuvent développer ces pays pour faire face à cette situation? L’Afrique a-t-elle les moyens de lancer une politique de développement rapide? Qu’en est-il de la Françafrique et du franc CFA?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer, également ancien directeur du département des affaires économiques de la présidence de la République algérienne. Pour lui, « il est nécessaire de suivre les mouvements des capitaux » afin de bien identifier ceux qui en ont profité « et pour quel objectif ».
« LA CRISE DE 2008, UNE CRISE BANALE »
« Nous avons eu la crise de 2008, mais disons que c’est une crise banale », débute M.Hadj-Nacer, soulignant qu’elle a surtout montré qu’il y avait une volonté « d’enrichir les banques d’affaires internationales qui avaient une capacité d’orienter l’économie mondiale ».
« Néanmoins, le renforcement de grandes banques comme Goldman Sachs n’a pas permis d’organiser le basculement du monde, pour permettre à ce système qui était contre le multilatéralisme de se maintenir en place et de se renforcer », ajoute-t-il.
Par ailleurs, il explique que la gestion de « la crise du Covid-19 a montré un développement tout à fait nouveau. En effet, face au multilatéralisme qui manifestement se renforçait avec la Chine et la Russie, il y a eu une sorte de tentative d’accélération de prise du pouvoir par l’argent dominé par l’Occident ».
C’est dans cette optique que l’extraterritorialité du droit américain, notamment en ce qui concerne l’hégémonie du dollar dans les échanges internationaux, a été utilisée pour faire échouer toute tentative d’affranchissement d’autres pays comme la Chine, la Russie ou l’Iran de la monnaie des États-Unis.
Ainsi, durant ces dernières années, indique Abderrahmane Hadj-Nacer, « les GAFAM ont été les entreprises qui ont le plus bénéficié des injections monétaires » dans le but de renforcer « leur contrôle sur l’économie et la population mondiales ».
QUE PEUVENT FAIRE LES PAYS AFRICAINS?
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs institutions internationales ont vu le jour, notamment la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque des règlements internationaux (BRI). À cette époque, la majorité des pays du tiers monde, dont les États africains, étaient encore sous domination coloniale. Bien que ces institutions aient permis la reconstruction d’après-guerre de l’Europe, les pays africains n’en ont pas tiré profit pour se développer. Ceci est à ajouter aux structures issues du colonialisme à l’image de la Françafrique et du franc CFA.
Pour l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, non seulement elles n’ont pas aidé l’Afrique à se développer, « mais les institutions comme la Banque mondiale et le FMI sont devenus des instruments de domination des pays du Sud ».
Le seul moyen d’en sortir, affirme Abderrahmane Hadj-Nacer, « est de former une élite nationale dans toutes les disciplines capable de comprendre, d’anticiper et d’apporter les réponses aux défis posés à son pays en arbitrant et en profitant des contradictions des intérêts des différentes grandes puissances mondiales ».
Kamal Louadj