Aujourd’hui, l’infirmerie de la Garnison sise au Camp Soundiata et une autre policlinique sont à deux doigts d’être saturées par des blessés de guerre qui, dans des conditions déplorables, ne savent plus à quel saint se vouer. Le MDL, Diallo, que nous avons rencontré lors de notre passage dans le cadre d’un publireportage sur la ville de Kati : Au moment du coup d’Etat, pendant la transition et maintenant, nous a fait tout un récit des conditions de soin des blessés de guerre dont il fait partie. Des premières victimes de l’attaque d’Aguelhok à la réalité qu’elles endurent toutes actuellement avant que l’Etat malien songe à prendre sérieusement en charge leurs traitements. C’est triste ! Reportage.
Vendredi 27 septembre 2013, à 15 heures précises. Nous prenons la route de Kati. Un grand cercle situé à 7 kilomètres de Bamako, cité des militaires. Et c’est de là qu’est venue la mutinerie du 21 mars 2012 ayant conduit à la démission du général ATT.
Dans la ville, la vie semble revenue à la normale et elle est très calme. Les gens vaquent à leurs occupations. Les check point ne sont plus visibles. La route qui traverse le camp a été libérée, mais uniquement aux engins à deux roues. Et la pancarte est toujours accrochée à l’entrée de la cour qui servait de siège aux militaires du CNRDRE.
Sur cette ville devenue célèbre en un laps temps, nous nous étions décidé de faire un publireportage sur les réalités de la ville : au moment du coup d’Etat, pendant la transition et maintenant. On avait ciblé pour cette démarche, diverses identités notamment : le maire de la commune Urbaines de Kati, un Directeur d’école fondamentale, un commerçant au marché, un travailleur dans l’hôpital sis au camp Soundiata de kati, et un militaire ayant participé à la guerre contre les indépendantistes touareg et les terro-djihadistes dans le nord du Mali.
Si les deux premières identités n’ont pas répondu favorablement à notre souhait pour des raisons de calendriers chargés, au marché, les avis étaient fructueux.
HAYA, le sauveur !
Juste à l’entrée du marché, nous avons rencontré des revendeurs de billets de PMU- Mali (Paris Mutuel Urbain). Nous nous sommes approchés et leur avons posé la question. Réticence. Par peur ? Entre temps, un parmi eux, Bakari Sangaré, ouvre le bal en ces termes :« Au lendemain du coup d’Etat et pendant la transition, on avait vraiment peur ici. On ne savait pas avec les évènements quotidiens ce qui allait se passer dans les prochains jours. Mais aujourd’hui, avec l’arrivée d’un président démocratiquement élu, la peur s’est dissipée.
A Kati ici, la grande majorité de la population a approuvé le coup d’Etat du 22 mars. Pas pour des raisons d’intérêts, mais à cause de ce qui se passait au nord du Mali : les soldats étaient conduits à l’abattoir. Cette trahison conduite par ATT ne doit pas rester sans suite ». « Le Capitaine, poursuit-il, mérite sa nomination en qualité de général de corps d’armée. Car il a osé et ça a réussi. Grace à lui, nous avons su beaucoup de réalités cachées. »
Ces propos de M. Sangaré ont irrité les autres, la confiance est retrouvée. Chacun veut dire son mot dans le ‘’grin’’ (groupe de discussion informel) de 7 personnes qu’on écoutait. Un vieux, qui travaille dans le camp, a confié : « ceux qui ne sont pas contents de la nomination de HAYA au grade de général sont des égoïstes. Combien sont-ils ces officiers à fuir leur responsabilité quand le pays allait mal ?Il a risqué sa vie et s’il y a quelque chose à gagner, il doit être le premier bénéficiaire ». « Ça, c’est même petit, il devait être promu maréchal », a-t-il martelé sous un ton ironique.
Nous remontons vers le camp. A l’hôpital, nous avons fait la rencontre d’un médecin, le premier qui, après nous avoir écoutés, s’est dit désolé. Il devait amener un enfant pour des analyses. Nous poursuivons notre chemin, par ses indications, nous arrivons un peu plus loin à côté des gens assis au tour d’une table, en train de jouer à la belotte. Là-bas, M. Doumbia, technicien au bloc opératoire nous dira qu’il n’y a pas eu de changement durant ces périodes dans les activités au niveau de l’hôpital de Kati. Ils travaillent au même rythme qu’avant le coup d’Etat. Et même pendant les affrontements entre le régiment des bérets verts et celui des bérets rouges, ils ont reçu des cas très critiques, parmi les militaires qu’ils ont opérés.
Pour lui, le fonds du problème, c’est aux autorités de dire ce qui ne marche pas aux populations. Il a approuvé le coup d’Etat, et l’a applaudi sans savoir pourquoi. Mais les spécialistes militaires en savent plus.
Des conditions de vie déplorables
A la sortie de l’hôpital, nous croisons un militaire à qui nous nous sommes présentés. Dieu faisant bien les choses, il est un de ces hommes que nous cherchons. C’est-à-dire un blessé de guerre.
Le MDL Diallo s’est laissé aller à la confidence: « je suis l’une des victimes de la dernière attaque des rebelles du MNLA contre un véhicule militaire malien qui cherchait à quitter Aguelhok après la chute de la ville. Blessé, gravement d’ailleurs, nous avons été acheminés en Algérie pour des soins intensifs de toute urgence. On était pris en charge par l’Etat algérien.
Entre temps, nous avons été conduits vers le Mali où on devait passer nos moments de convalescence. Mais c’est ici que nous avons senti une véritable souffrance quant à notre prise en charge par l’Etat malien. Moi personnellement, je servais au nord avant la crise. Toute ma famille était avec moi. Avec le déclenchement de la crise, nous avons tous été victimes. Ma femme a eu des blessures au niveau du visage qui lui rendent la vue difficile aujourd’hui. Au moment des faits, elle était même en état de grossesse, mais elle a fait une fausse couche dès notre arrivée à Kati.
Aujourd’hui, nous sommes abandonnés à notre triste sort par l’Etat malien. Par manque de soins adéquats, j’étais obligé d’envoyer ma femme au village pour des soins traditionnels, car elle commençait à perdre connaissance. Quant à moi-même, je ne sais plus quoi faire. Je suis très malade. J’ai des cicatrices partout et je dois même passer voir aussi un neurologue à l’hôpital du Mali. Les Etats-majors de l’armée savent tout de nos conditions mais aucune réaction positive. Pour me soigner, j’ai été obligé de m’endetter à plus d’un million et demi dans une banque de la place. Mais malgré tout, mon mal perdure. Et je ne sais pas à qui faire recours. Je n’ai plus rien. Allez y voir dans ma maison, je n’ai qu’un seul bon matelas à part ça rien d’autre, et pourtant j’ai plus de vingt ans d’exercice dans l’armée.
« Aujourd’hui, nous, les blessés, étions partis au stade omnisport Modibo Keïta pour aussi bénéficier des soins gratuits du Maroc. On était obligé de le faire parce que nous n’avons pas d’autres choix. C’est chercher à se soigner soi-même ou mourir. On a cherché à rencontrer le ministre lundi dernier, mais sans suite. On nous a donné rendez-vous ce lundi (aujourd’hui). Nous allons passer exposer nos problèmes au ministre. Qu’il fasse tout pour songer à nous, vraiment.
Nous sommes très nombreux et si vous ne croyez pas, allez-y voir dans l’infirmerie de la garnison ou dans la policlinique non loin d’ici. Les conditions dans lesquelles les blessés se trouvent, ça fait pleurer.
Mais les autorités s’en fichent. Même le Général, si nous, nous voulions le rencontrer aujourd’hui, ce serait impossible. Alors comment comprendre cela ?
Un jour, la vérité triomphera ».
Aux deux endroits indiqués, nous n’avons pu avoir accès, car il était 17 heures passé. Et, d’ailleurs, on nous a fait savoir à la porte qu’il serait difficile pour nous de rencontrer les malades. Pour quelle raison ? Ont-ils des choses à dire?
Le mercredi dernier, quand nous avons cherché à rencontrer le général pour les mêmes raisons de notre présence à Kati, dans sa résidence à la sortie du camp, nous n’avons pas réussi. Depuis qu’il a quitté la tête du Comité, il n’est pas facile de le voir. Il n’y a plus de secrétariat, ni de registre d’audience. Pour le voir, c’est par le canal d’une connaissance qui lui est proche, notamment les anciens membres de son protocole. Il faut prendre contact avec eux pour avoir accès au domicile du général, a dit un militaire en garde à la porte du général.