Le célèbre artiste interprète et auteur compositeur Kassé Mady Diabaté s’est éteint jeudi dernier à Bamako. Il a reçu les honneurs de la République, samedi dernier sur la place publique de Sébéninkoro derrière le commissariat de police du 9è arrondissement. C’était en présence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, du président de l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé et des membres du gouvernement, notamment le ministre de la Culture, Mme N’diaye Ramatoulaye Diallo. Etaient aussi présents une foule de parents, amis mais aussi des artistes du Mali et de la Guinée Conakry.
Le chef de l’Etat a élevé à titre posthume le défunt Kassé Mady Diabaté au rang de commandeur de l’Ordre national du Mali, avant qu’il ne soit conduit dans sa dernière demeure au cimetière de Sébénicoro.
C’est sans doute l’un des derniers grands vocalistes de notre pays qui s’en est allé la semaine dernière. En effet, Kassé Mady Diabaté faisait partie de cette génération d’artistes qui a enduré le temps d’apprentissage auprès des aînés. Il est issu de cette école traditionnelle et naturelle qui permet aux jeunes griots dans notre société de se former, soit aux instruments, soit à l’art de la parole et du chant. On leur donnait ainsi le pouvoir de travailler à satiété leur timbre vocal pour accrocher éventuellement tout auditeur.
Kassé Mady Diabaté naquit en 1949 à Kéla, village situé à une petite dizaine de kilomètres de Kangaba, près de la frontière guinéenne. Descendant d’une longue lignée de griots qui remonterait au XIIIè siècle, son destin était tout tracé. Comme ses nombreux frères, sœurs et cousins, il chantera mais sa voix exceptionnelle lui a valu d’avoir la sympathie et l’estime d’un mécène, le commandant de cercle d’alors de Kangaba, capitale officieuse du pays mandingue, Kibily Demba Diallo. Kassé Mady Diabaté intègrera l’orchestre de la localité. Au bout de quelques années, précisément en 1972, il sera appelé à Bamako pour devenir chanteur principal de Las Maravillas du Mali (les Merveilles du Mali). Cet orchestre national fut créé à l’époque par des jeunes musiciens fraichement débarqués de Cuba où ils ont été formés dans l’art de la chanson.
Une formation musicale qui prendra plus tard le nom : National Badéma. Il évolue ainsi pendant 16 années entre tradition et musique moderne. C’est à partir de là que Kassé Mady chantera l’une de ses plus célèbres chansons : «l’épopée de Naman». En 1988, il tenta d’évoluer en solo. Son premier album individuel est intitulé Fodé qui sera suivi deux années plus tard par «Kéla», tous produits par Syllard Production.
Celui que Salif Keita considère comme le plus grand chanteur malien restera dans la plus grande discrétion et attendra 2003 pour sortir l’album Kassi Kassé. Kassé Mady Diabaté participe aussi à des projets musicaux croisés avec le groupe de Flamenco rock espagnol Ketama ou le bluesman américain Taj Mahal. Pour Manden Djeli Kan, paru en 2009, Kassé Mady Diabaté reçoit le soutien de Cheick Tidiane Seck et de Toumani Diabaté ainsi que de nombreux autres musiciens maliens. Le chanteur continuera d’être présent sur des projets de métissage musical comme Afrocubism ou Rivière Noire en 2014. Cette année-là, il fête ses cinquante ans de carrière avec Kiriké, produit par Vincent Segal. Il réalise une tournée à la mesure de son talent.
Il retrouvera le chemin de Cuba avec Toumani Diabaté, dont il a été plus d’une fois le compagnon de route, via le Symmetric orchestra dans l’album Afrocubism. La voix inoxydable de Kassé Mady est restée toujours sur les ondes de Radio-Maliparce qu’elle est toujours associée aux grands évènements de notre pays.
Dans son dernier album en préparation depuis 2014 et intitulé : «Manden Djeli Kan», il a réalisé un rêve, celui de s’entourer des plus grands griots de cet espace en Afrique de l’ouest : le balafoniste Lassana Diabaté, les percussionnistes Lamine Tounkara et Fodé Kouyaté, le bassiste Sékou Sékou Kanté, le joueur de n’goni Moriba Koita, les guitaristes Fantamady et Djéli Moussa Kouyaté. Toumani Diabaté et son frère Madou Djélikèdjan Diabaté sont également présents. Avec des titres comme : Nakoumandjan, Douga Diabira, Kia Ko Djougou, Kanimba, Sinanon Saran, cet album fait l’éloge de l’art griotique.
Youssouf DOUMBIA
Source: Essor