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Justice populaire au Mali : le syndrome de l’« article 320 » gagne de nouveau les rues de Bamako

Inutile de fouiner dans le touffu droit pénal malien pour y dénicher « l’article 320 », il n’existe nulle part. Il est juste une invention de rue, une astuce toute trouvée par les bamakois pour faire subir aux « voleurs » le pire des châtiments corporels.

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L’ « article 320 » a véritablement vu le jour dans la mouvance des folles journées de la révolution du 26 mars 1991 au Mali. Face à la corruption qui mine de secteur de la justice, la population opte pour le principe de se rendre justice. La méthode est toute simple et la même à travers tout le pays : Avec quelques gouttes d’essence et une allumette, on brule vif un voleur quand on l’attrape. Ce dernier en effet est décrié et pourchassé par ses bourreaux en pleine rue avant d’être arrêté, aspergé d’essence et enflammé sur le champ. Ainsi, au lieu de conduire ces mécréants à la police ou à la gendarmerie, la population elle-même se charge de leur sort.

Tombée en désuétude depuis les premières heures de l’ère démocratique, le phénomène tente de revenir sous une nouvelle forme. « L’ignoble scène qui consiste à enflammer un humain est de plus en plus perceptible à Bamako. Même si les contextes sont différents, l’on tend vers une généralisation vers cette pratique qui n’augure rien de bon pour le climat social », prévient le directeur régional de la police de Bamako, Siaka Bouran Sidibe, qui prétend que la pratique a très souvent donné lieu à l’amalgame voir même des règlements de compte.
Malgré tout, assure-t-on, l’article 320 avait permis d’émousser les ardeurs des voleurs et autres brigands de Bamako. La plus part avaient depuis lors changé de métier ».

Un épisode encore plus récent en dit long sur la volonté des bamakois de faire perdurer cette pratique comme mode inédit de règlement contre les malfrats. « Ces voleurs ont causé beaucoup de mal à la population. Ils n’hésitent pas à ôter la vie de paisibles particuliers pour atteindre leur dessein », s’indigne Mamoutou Touré, artisan, qui confie qu’un de ses meilleurs amis s’est fait poignarder, en février dernier, par deux voleurs à cause de sa moto. « La scène s’est déroulée sur le terrain Chaba de Lafiabougou, en commune VI de Bamako. L’un d’eux a vite été rattrapé par la foule environnante, alertée par les cris de la victime, qui a mis fin aux jours du malfrat à l’aide d’un brin d’allumette et d’un demi litre d’essence », se rappelle-t-il d’un ton froid.

La population de Baco-Djicoroni (un quartier du sud de Bamako), a connu samedi 9 avril un réveil anecdotique. Un massif regroupement humain était perceptible sur le flanc gauche de l’autoroute qui mène au centre ville. Au milieu d’eux, le corps sans vie d’un présumé voleur gisant dans une marre de sang, les membres inférieurs dans un caniveau. En présence des agents de la protection civile, un témoin raconte la scène déroulée en milieu de nuit. Même s’il a frôlé de justesse la brûlure, grâce à des agents sécuritaires intervenus plus tôt, il n’a hélas pas survécu aux coups de gourdins et de machettes reçus partout sur le corps.

Ainsi, la population en a le raz-le-bol de voir les bandits s’en prendre à des innocents. La liste des victimes est inépuisable. Dans la première semaine d’avril, Yaya Konaté, un étudiant du campus universitaire de Badalabougou se fait arrêter par un individu. Le malfrat neutralise sa proie avec du gaz lacrymogène avant d’être à son tour aperçu et rattrapé par une foule en colère qui n’a pas hésité à lui mettre le feu.

Un peu plutôt Fatou Diop, promotrice du célèbre restaurant sénégalais du quartier ACI 2000, à Bamako, se fait cambrioler ensuite agresser par des bandits qui sont repartis, la laissant pour mort. Les agresseurs doivent leur salut à l’agilité de leur jambe.

La panacée contre l’injustice

Les personnes interrogées dans les rues de Bamako évoquent le sentiment générale de la population qui, manifestement, n’a plus fois en la justice du pays jugée trop affairiste et corrompue. Il n’est pas rare de voir libéré par la justice un individu pris en flagrant délit de vol. Pour la plupart des cas, la justice n’a jamais été rendue. Voilà qui attise les frustrations.

« Nous n’avons que faire de cette justice qui tronque la vertu contre espèces sonnantes et trébuchantes », ajoute Boubacar Yalcouye, un acteur de la révolution du 26 Mars 1991.

Les statistiques et rapports policiers sur le nombre de voleurs lynchés et brûlés vifs sont effarants. Selon Siaka Bouran Sidibé, une trentaine de coupables ont été brûlés vif depuis début 2016. Le porte parole du ministère de la sécurité intérieure d’ajouter qu’ « il n’y a plus de semaine à Bamako où un voleur ne se fait pas lyncher par une foule enragée. Nos services sont toujours mis devant le fait accompli ».

A côté de la population qui ne cache pas sa fureur, les autorités sécuritaires et judiciaires se battent pour que la pratique recule. « Nous sommes dans un pays régit par une constitution et des lois. Quelque soit la situation, il n’appartient pas à la population de se faire justice », avertit le directeur régional de la police.
Ainsi, le « retour » fracassant de l’ « article 320 » se heurte à une campagne de dissuasion contre « une pratique barbare susceptible de brouiller toutes les pistes d’enquêtes possibles sur un délinquant ».

Reste à savoir si cette campagne remportera la partie.

Par S.D.D

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