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Interview (presque) imaginaire : Manassa Daniogo, présidente de la Cour Constitutionnelle « IBK est atteint de jeunisme, je me méfie de lui »

Enfin ! Le jour J est arrivé. Cela fait deux ans (depuis la fin de la présidentielle) que nous courons, au sens premier du terme, derrière la présidente de la Cour Constitutionnelle. « Je n’ai pas encore fini. Le moment venu, je vous préviendrais » nous avait-elle dit, calmement mais fermement. Et puis voilà qu’au lendemain de la proclamation des résultats nous recevons un appel de son cabinet pour nous fixer le rendez-vous qu’on avait même presque oublié. Pour arriver jusqu’au bureau de la présidente de la Cour constitutionnelle, c’est un authentique parcours du combattant.

 

A la sortie du slalom entre les bacs à sable et les différents cordons de sécurité, nous subissons une opération de fouille et de palpation avant d’atterrir dans la salle d’attente. L’huissier nous demande s’il pouvait nous proposer une petite tisane au cas où nous ne jeûnerions pas. Nos masques bien ajustés, nous sommes invités à rejoindre la Présidente dans son bureau. Corona oblige, on observe la distanciation ; ce qui nous oblige à parler à voix haute (surtout que la Présidente semble avoir une gêne auditive).

Vous êtes dans une vraie forteresse Madame la Présidente

Manassa : Oui. Nous sommes en mode confinement bien avant l’apparition du Covid 19. Depuis l’élection présidentielle, nous vivons ici.

Ça veut dire quoi nous vivons ici ?

Manassa : Tous les membres de la Cour sont là. Il y ‘en a que cela gêne un peu. Mais moi, ça me va très bien vue que personne ne m’attend à la maison. L’objectif est de nous sécuriser.

Vous sécuriser contre qui ?

Manassa : Vous voyez bien que le nombre de nos fans s’est multiplié par milliers entre la présidentielle et les législatives et tous ne nous veulent pas que du bien ; certains Maliens nous vouent un amour sans borne. Au point de vouloir nous brocarder ou nous empailler. Donc, on préfère nous confiner et rester tranquillement à l’abri.

C’est vrai que vous avez fait fort lors des législatives où vous avez nommé 32 députés

Manassa : Rectification, nous ne nommons pas ici ; nous remettons les choses à leur endroit. Quand j’ai vu par exemple qu’à Bamako le parti du Président n’avait qu’un seul député, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Et vous avez vu le jeune Tembiné que j’ai repêché, il est aujourd’hui nommé Président de l’Assemblée nationale. On dit merci qui ?

Il parait que vous avez reçu des instructions fermes pour rehausser le niveau du RPM

Manassa : A mon âge, je n’ai pas besoin de recevoir d’instructions. Je sais ce qu’il faut faire en cas de besoin. Je connais la reconnaissance du ventre. Je sais à qui je dois d’être ici, dans ce siège. Je ne pouvais pas voir la situation et ne rien faire. Vous imaginez le parti majoritaire avec seulement 43 députés ; vous imaginez le parti du Président Fondateur balayé de Bamako, de Kati, de Koutiala sa ville natale au cas où vous l’aurez oublié, de Sikasso. J’ai pris mon courage à deux mains pour voler à son secours et devancer les désirs du grand patron.

Et que faites-vous du choix du peuple

Manassa : Quel peuple ? Vous, vous en êtes à ce niveau. Le peuple a été anesthésié, il ne peut rien faire. Il a eu sa part lors des campagnes. Celles-ci servent à une sorte de redistribution des richesses. Les candidats cassent leur tirelire et arrosent les populations en argent, en vivres, en cadeaux de toutes sortes. Le peuple a eu sa part. Il peut attendre la prochaine redistribution. Il ne peut pas vouloir gagner au tirage et au grattage.

Il parait que vous avez d’excellentes relations avec le Président

Manassa : Je confirme. J’ai la reconnaissance du ventre je vous dis. Mais j’avoue que je commence à me méfier un peu de lui.

Comment ça

Manassa : J’ai l’impression qu’il est atteint de jeunisme. Il veut mettre des jeunes partout. Je crains qu’il ne pense à me remplacer par un plus jeune que moi. Donc je le tiens à l’œil.

Votre mot de la fin

Manassa : Je crois que je peux être fière de moi. Quand je me regarde dans le miroir, je rends grâce à Dieu. Vous savez quand même que, avant d’être là où je suis, j’avais été chassée du corps des magistrats. J’ai été repêchée après le 26 Mars. Donc le repêchage, ça me connait. Je pense sincèrement que j’ai encore des services que je peux rendre.

 

Damouré Cissé

Nouvelle République

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