Le président de la République affiche la mine de ses mauvais jours. Avec ses lunettes noires masquant son regard de feu et ses gestes trahissant sa nervosité, il traverse la cour de sa résidence. Sans mot dire. Avant de s’installer, sur un canapé, au bord de sa piscine. D’un geste de la main, il nous invite à l’y rejoindre pour notre traditionnelle interview imaginaire. Ou presque.
Mr le président, vous ne semblez pas au meilleur de votre forme. Peut-on savoir ce qui vous contrarie à ce point ?
J’ai mal dormi, Mollah ! J’ai très mal dormi. Les « soldats » du maire du district ont fait une descente, hier soir, sur ma résidence pour y semer le bordel. Regarde toi-même le désordre. Dès que je commence à fermer l’œil, ils se mettent à me piquer avec leur baïonnette. Ou à claironner leur lugubre chansonnette à mes oreilles. Regarde mes yeux ! Ils sont tout rouges. C’est pourquoi, je porte ces lunettes fumées.
De quels « soldats » parlez-vous ?
Je croyais que tu avais un peu de jugeote ! Je parle de ces bataillons de moustiques qui, chaque nuit, descendent sur Bamako pour une opération-commando. Avec, à la clé, des centaines de paludéens par jour. A cause de ces maudits moustiques, qui se baladent en toute impunité dans notre capitale comme en terrain conquis, le palu tue plus que le Sida, plus que la maladie à virus ébola que j’ai vaincu en quelques semaines. Sans avoir eu à tirer le moindre coup de feu.
Et comment expliquer cette impuissance, si on peut l’appeler ainsi, contre les moustiques à Bamako ?
Il faut plutôt poser la question à Adama Sangaré, le maire du district. S’il était du RPM ( Rassemblement Pour le Mali), mon parti politique, il n’y aurait aucun moustique dans le district de Bamako. Tout se passe comme si, les moustiques ont adhéré au parti Adema-PASJ depuis un certain temps déjà. Ni Alpha Oumar Konaré, ni Dioncounda Traoré, président de la République sous la transition, n’ont daigné rappeler leurs encombrants « militants » à l’ordre. Et voilà comment nous en sommes arrivés là, Mollah !
D’ailleurs, il n’est pas exclu que ces moustiques me soient envoyés par l’Adema-PASJ, bien qu’il soit de la majorité présidentielle, pour m’emmerder.
Justement, Mr le président, que pensez-vous de la majorité présidentielle ?
Ne m’en parle pas, Mollah ! Comme tu l’as écrit dans ton journal, c’est une majorité « pestilentielle ». Ma majorité présidentielle est une majorité minoritaire ; c’est-à-dire, une majorité qui pèse moins qu’une feuille de salade sur l’échiquier politique national ; une majorité au sein de laquelle, chaque parti politique n’est là que pour avoir une place autour de la mangeoire. Une majorité qui ne me soutient que du bout des lèvres.
Depuis qu’elle est là, qu’est-ce que cette majorité présidentielle a entrepris pour me soutenir lorsque l’opposition s’est attaquée à mon pouvoir, à travers l’affaire Tomi, l’achat de l’avion présidentiel, les supposées surfacturations sur les équipements militaires…….. Rien ! Et que dois-je en attendre dans les mois, voire les années à venir ? Je n’en sais rien ! Strictement, rien !
A samedi prochain !
Propos recueillis par le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé
