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Interview du Premier Ministre sur l’épineuse question de Kidal : LES PRECISIONS DE OUMAR TATAM LY

Au cours d’une interview exclusive qu’il nous a accordée, le chef du gouvernement donne des détails sur le malheureux incident occasionné par son projet de mission à Kidal (le 28 novembre) avant de livrer sans aucun détour son appréciation globale de la situation sécuritaire en 7e Région.

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Ci-dessous l’intégralité des propos du Premier ministre.

L’Essor : Monsieur le Premier ministre, que s’est-il réellement passé à Kidal alors que vous aviez prévu de vous y rendre ?

Oumar Tatam Ly : Tout d’abord, l’avion du Premier ministre n’a pas été empêché d’atterrir pour la simple raison que l’avion n’a pas quitté Gao. Nous avions eu, tôt le matin, l’information selon laquelle il y avait un attroupement à l’aéroport et que des incidents étaient en cours. Ces incidents étaient de nature à assombrir le cours de la visite. Donc très tôt, avant même 10 heures, j’ai pris la décision de surseoir à mon déplacement à Kidal.

Les incidents qui ont eu lieu à Kidal soulèvent plusieurs questions. La première étant de savoir, en ce qui nous concerne, pourquoi il n’a pas été mis en place un dispositif de sécurité approprié à une visite pour laquelle la Minusma, responsable de la sécurisation de la ville, avait été informée.

Cette absence de dispositif est la première interrogation. Pour le reste, les forces armées et de sécurité ont fait l’objet de jets de pierre par des femmes et des enfants. Elles ont également essuyé des tirs dont nous nous interrogeons sur l’origine. Elles ont répondu par des tirs de sommation. Des investigations qui doivent nous permettre d’avoir une vue plus précise, ont été ordonnées.

Les éléments que nous avons reçus de sources non maliennes présentent tout de même des incohérences qu’il nous faudra souligner.

Le gouvernement a officiellement interpellé la Minusma suite à ce malheureux événement. Alors, quelle est la leçon à tirer ?

Oumar Tatam Ly : Ce n’est pas la première fois que nous interpellons la Minusma. Le 16 septembre, une mission interministérielle s’était rendue a Kidal, Gao et Tombouctou comprenant le ministre de la Sécurité, le ministre de l’Administration territoriale ainsi que le ministre chargé de la Réconciliation nationale et du développement des régions du Nord. Elle avait fait l’objet de jets de pierre également. Une pierre avait brisé les vitres d’un véhicule et aurait pu blesser un occupant. Après cet incident, nous avions protesté officiellement auprès du secrétariat général des Nations Unies. Nous étions étonnés de l’attitude des forces de la Minusma sur place, à Kidal.

Ce nouvel incident de Kidal met en lumière le fait que toutes les dispositions doivent être prises pour que la souveraineté de notre pays s’exerce et s’affirme sur l’ensemble du territoire. Aucune parcelle du territoire ne doit être soustraite à cet impératif de souveraineté. Cela nous l’avons affirmé  et nous continuerons à l’affirmer. Nous sommes et nous restons engagés dans le processus politique devant conduire à des pourparlers inclusifs dans un horizon que j’espère proche.

A cet effet, les structures gouvernementales ont travaillé et travaillent à définir un cadre opérationnel pour le cantonnement, à préparer le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion.  Des premiers échanges ont eu lieu sur cette question.

Le processus politique se poursuit mais chaque fois que nous observerons qu’un acteur ne remplit pas le rôle qui doit être le sien, nous le lui ferons savoir.

Face à cette attitude notifiée par vous même, Monsieur le Premier ministre, l’Armée malienne verra-t-elle son rôle accru dans la sécurisation de la ville de Kidal ?

Oumar Tatam Ly : L’objectif de mon déplacement était d’installer le gouverneur dans son palais. C’est également d’organiser sur place le redéploiement de l’Administration et des services sociaux. Il était envisagé que la rentrée scolaire ait lieu aujourd’hui (NDLR : hier). Donc des dispositions particulières devraient être prises, notamment financières, des kits d’enseignement devraient être sur place, les enseignants eux même devraient être transportés sur place (140 personnes). Pour ce qui est du Cscom (centre de santé communautaire), j’étais dans la perspective de faire une évaluation de la situation sur le terrain avec le gouverneur. Ces questions avaient fait l’objet de discussion avec la Minusma et une délégation de la communauté internationale que j’avais reçue le vendredi précédant ma mission.

Donc, ces questions restent à l’ordre du jour. Aussitôt que la situation le permettra, je me rendrais à Kidal. Kidal est un territoire malien. Donc, le gouvernement doit pouvoir s’y rendre sans que cela ne crée une difficulté particulière.

Le rôle de la Minusma est d’aider le gouvernement à étendre et à rétablir  l’administration de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Ce mandat est très clair. Donc, la Minusma doit nous accompagner dans cette perspective.

La situation qui prévaut à Kidal suscite de plus en plus un malaise profond chez nos compatriotes. Concrètement qu’est ce qui est en train d’être fait pour bouger les lignes ?

Oumar Tatam Ly : Nous mettons tout en œuvre pour que l’affirmation de l’autorité de l’Etat soit effective à Kidal dans le respect des personnes qui y vivent. Nous sommes dans un processus politique qui doit nous conduire à un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes au conflit que le Nord a connu. Dans le cours de ce processus, nous veillons à ce que les dispositions sécuritaires restent compatibles avec le processus politique.

Cet équilibre est subtil et doit, je pense, être constamment maintenu. Dans un contexte comme celui-là, il appartient aux acteurs internationaux qui nous accompagnent, notamment l’opération Serval et la Minusma, de combler le déficit relatif de présence malienne sur le terrain.  Ils s’y sont engagés.

Nous engagerons la discussion avec les forces de la Minusma pour faire en sorte qu’une situation de cette nature ne se renouvelle pas.

Récemment le Mnla a déclaré depuis Ouagadougou qu’il reprenait les combats contre les forces armées. Quelle est la réaction du gouvernement ?

Oumar Tatam Ly : Ce n’est pas une déclaration du Mnla. C’est une déclaration d’un vice-président du Mnla. Il faut être précis. Un Etat ne réagit pas à une telle déclaration. D’ailleurs, vous l’avez constaté, le lendemain, d’autres voix du Mnla se sont élevées pour fortement nuancer la position de la veille.

Nous avons donc été bien inspirés de ne pas réagir à une déclaration qui n’aura été que celle d’un individu, certes de rang élevé, mais qui de toute évidence ne saurait engager l’ensemble de son organisation. Nous sommes ouverts aux discussions avec les groupes pour arriver aux pourparlers inclusifs qui doivent nous conduire à une paix dans la région.

Monsieur le Premier Ministre, avez-vous un calendrier pour résoudre l’équation Kidal ?

Oumar Tatam Ly : La question de Kidal doit être réglée. Pour ce faire, toutes les discussions appropriées seront conduites. Il n’y a pas encore de calendrier précis. Mais, l’essentiel en la matière est qu’il y ait des progrès. Ce qui est sûr c’est que les étapes s’enchainent l’une après l’autre et que le règlement de la question de Kidal est nécessaire pour que des pourparlers inclusifs aient lieu. Nous y consacrerons tout le temps nécessaire. L’essentiel, c’est qu’il y ait du progrès même s’il est lent.  Mais nous ne sommes pas seuls dans ce processus. Il convient seulement de faire en sorte, et de manière constante, que les actes posés sur le terrain ne retardent pas la tenue des pourparlers inclusifs qui doivent avoir lieu.

Il semble que la Minusma, sans consultation préalable du gouvernement, a annulé une réunion de suivi des accords préliminaires devant se tenir le 26 novembre dernier. Pourquoi donc ?

Oumar Tatam Ly : Effectivement, la réunion de suivi et d’évaluation des accords de Ouaga devrait se tenir le 26 novembre. Mais, sans consultation préalable du gouvernement, cette réunion a été reportée par la Minusma. Elle est prévue maintenant pour se tenir après les élections législatives. Pour ce qui concerne le gouvernement,  les dispositions ont été prises pour un progrès constant sur la voie de la tenue de pourparlers inclusifs.

Avez-vous un message à lancer à l’endroit de ces millions de Maliens qui ne saisissent pas toujours cet équilibre et cette subtilité dont vous avez parlé ?

Oumar Tatam Ly : Le gouvernement est résolument engagé dans le rétablissement de la souveraineté sur l’ensemble du territoire. Il n’y a en cet objectif aucune ambigüité. Nous estimons que la meilleure manière de faire prévaloir cette souveraineté et la maintenir dans la durée, c’est d’ouvrir des discussions avec l’ensemble des composantes de la communauté nationale sur la situation qui prévaut dans cette région. Dans l’accord préliminaire du 18 juin, on a appelé à des pourparlers inclusifs. Nous sommes donc résolument engagés dans cette trajectoire. Si la voie est droite, il peut y avoir des obstacles et des pentes. Mais nous ne perdons pas de vue l’objectif. Les obstacles qui se présentent, nous travaillons à les négocier.

Nous avons dans ce cadre des partenaires qui nous assistent. Nous sommes attentifs à la qualité de l’assistance qu’ils nous apportent. Nous engagerons toutes les discussions qui sont nécessaires. Kidal traduit la complexité du processus dans lequel nous sommes aujourd’hui. Tous les acteurs comprennent aujourd’hui que Kidal ne peut être une enclave soustraite à l’autorité du Mali et que s’il en était ainsi, c’est la sécurité globale de toute la région du Sahel qui en sera affectée.

Propos recueillis par
A. M. CISSE

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