Pour notre blogueur Mohamed Ag Assory, analyste politique et spécialiste des relations internationales, l’intervention russe tant souhaitée par des Maliens n’est pas pour demain.
Nous avons tous assisté, ces derniers mois, à la recrudescence d’une fièvre pro-russe ou « pro-Russie » à travers plusieurs manifestations à Bamako, la capitale malienne. Ce soudain nouveau coup de foudre pour la Russie est l’expression de l’agacement de plusieurs Maliens face à l’enlisement de la crise sécuritaire et la remise en cause de l’efficacité de l’intervention française au Mali en particulier et au Sahel en général.
Contrairement à d’autres situations où l’on soupçonnerait d’office la main cachée des services de propagande du Kremlin, à travers le puissant FSB (Federal Security Service), il semble que le cas malien est une volonté manifeste et innocente d’une partie de l’opinion qui espère voir la Russie débarquer, comme en Syrie, pour combattre les djihadistes.
Robin des Bois
Cet appel à la Russie prouve que l’image de ce pays, se présentant en parangon de la libération du tiers monde des mains des voraces occidentaux et d’un nouveau Robin des Bois en la personne de Vladimir Poutine, projetée par les officines spécialisée russes, a fait mouche indirectement dans certaines contrées africaines.
Désormais, on y rêve debout de voir débarquer, du jour au lendemain, la très puissante héritière de l’armée rouge, comme ce fut le cas en septembre 2015 en République arabe syrienne, après un appel de détresse de Bachar al-Assad.
Base militaire stratégique
Pour revenir au cas malien, il faut dire clairement que le Mali n’est pas la Syrie ! Contrairement au Mali, la Syrie est un important allié historique du Kremlin, c’est d’ailleurs le seul pays du Proche-Orient où la Russie dispose d’une base militaire stratégique depuis 1971. Cette dernière permettait aux Russes d’avoir un considérable avantage militaire dans la région et sur la méditerranée. En plus de l’ancienne base navale de Tartous, la Russie y a également une importante base aérienne à Lattaquié, située au nord-est de la Syrie.
Par ailleurs, cette intervention a permis d’augmenter de 100% les échanges économiques entre les deux pays. Si les données des échanges commerciaux étaient de 550 milliards de francs CFA (un milliard de dollars américains) en 2010, elles sont depuis 2011 dans l’ordre de 1100 milliards de FCFA, soit deux milliards de dollars.
Raisons géostratégiques
Toujours dans ce même registre, l’acharnement des Russes sur le terrain et dans les sphères diplomatiques (Conseil de sécurité de l’ONU, médiations internationales, enquêtes sur les armes chimiques, etc.), ayant pour but de protéger la Syrie et son régime, est motivé par des raisons géostratégiques. D’aucuns y voient clairement une volonté du Kremlin de contrecarrer la construction d’un projet de gazoducs, qui reliera le Qatar à l’Europe en passant par la Syrie et la Turquie. D’autant plus que l’économie russe repose aussi sur le gaz qu’elle utilise également comme une arme politique en Europe.
En somme, c’est au nom de la realpolitik, qui a toujours gouverné et qui guide les relations internationales, que la Russie intervient âprement en Syrie et c’est au nom de ce même principe que son intervention au Mali n’est pas pour demain, en tout cas c’est ce qu’on peut déduire aujourd’hui.
Source : benbere