Diplômées ou pas, les personnes en situation de handicap ont du mal à trouver leur place dans la vie active. D’où un appel pressant aux autorités du pays pour renverser la tendance
L’un des plus grands défis pour notre pays demeure l’intégration économique des personnes handicapées malgré que certaines d’entre elles disposent d’une expertise avérée dans des domaines de compétences assez pointus. Mais elles sont très souvent victimes de certains clichés qui amènent à douter de leurs compétences voire de leur utilité pour la société.
La nécessité de combattre ces préjugés est une exigence absolue pour les autorités mais aussi pour la société toute entière. Parce que malgré l’altération des fonctions motrices chez certains handicapés, ils ne nourrissent aucun complexe vis-à-vis des autres. Bien au contraire, ils s’imposent par leurs connaissances et par leurs compétences. La promotion des handicapés participe de la lutte contre l’exclusion et intègre des vertus cardinales de notre société comme la solidarité.
La loi définit le handicap comme : «toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap (une association de déficiences et d’incapacités) ou d’un trouble de santé invalidant». Les personnes qui vivent une situation de handicap doivent être soutenues, conformément à nos valeurs traditionnelles mais aussi au regard des textes qui régissent les handicapés.
«Les parents, amis et tuteurs des personnes handicapées, les travailleurs sociaux, la Politique nationale de gestion des personnes en situation de handicap doivent contribuer à inculquer un esprit de gagne car la perte d’une fonctionnalité décuple le potentiel. On s’en trouve avec une capacité supplémentaire», a fait savoir un avocat du barreau malien. L’homme de droit ajoute qu’il faut stimuler ceux qui pensent que le handicap est insurmontable en mettant en avant des exemples concrets de réussite. Il cite volontiers le couple de chanteurs aveugles Amadou et Mariam et des sportifs professionnels.
Maïmouna Sangaré vit avec son handicap depuis plusieurs années. Cette infirmière d’état en service au Centre de santé de référence (CSREF) de la Commune VI explique ce qu’elle ressent. «Quand je suis dans mon tricycle, tout va pour le meilleur du monde mais une fois confrontée à un environnement hostile, non adapté tel que des marches d’escalier, mon handicap reprend le dessus», commente l’infirmière. Parfois, elle est obligée de demander une assistance pour monter les escaliers.
Les collègues de Maïmouna Sangaré attestent de son sérieux, sa contribution à l’atteinte des objectifs de l’établissement de soins. L’infirmière a émis le souhait de voir les architectes, urbanistes et autres concepteurs intégrer l’accessibilité des handicapés dans la réalisation des infrastructures modernes, conformément au code de la construction et de l’habitation dans notre pays qui requiert que tous les nouveaux services et nouvelles infrastructures répondent aux normes adéquates d’accessibilité.
MESURES D’ACCOMPAGNEMENT-Abdoul Kader Keïta est un handicapé chargé de cours à l’Institut national des arts (INA). Ce pédagogue qui jouit d’une indépendance économique, explique que la volonté de soutenir un proche qui souffre d’une déficience découle parfois d’une surprotection, une tendance à vouloir donner tout ce qui lui manque. Or le potentiel de décuplement comme toute autre capacité s’enrichit des entraînements et expériences. «Plus rien pour nous, sans nous», lance-t-il, avant d’expliquer que les activités contribuent à donner à la personne en situation de handicap sa dignité.
«Ma réussite résulte du fait que j’ai été confronté aux dures réalités de la vie mais aussi à ma volonté et à ma formation», témoigne l’enseignant de l’INA. Selon lui, l’Etat ne fait pas suffisamment pour l’intégration des personnes en situation de handicap physique à la fonction publique. Il a fait remarquer que le quota réservé aux handicapés physiques lors des différents recrutements est pourvu par d’autres personnes qui ne justifient aucune difficulté motrice.
Même son de cloche chez Aminata Niambélé, âgée de 20 ans. Cette infirme diplômée en coiffure vit de son métier à Missabougou. Très appréciée par sa clientèle, elle tire son épingle du jeu grâce à son métier et au soutien de sa famille et des associations de personnes handicapées. La coiffeuse explique avoir interrompu ses études pour suivre des traitements au Burkina Faso. Cela a été un désavantage mais heureusement, elle a pu décrocher un diplôme dans le domaine de la coiffure. Elle se réjouit de constater qu’il y a, de plus en plus, de rampes dans les édifices publics.
Aminata Niambélé a bénéficié d’exonération des impôts pour son activité à la suite d’intenses négociations. Elle souhaite la généralisation de ces mesures d’accompagnement aux handicapés pour s’épanouir dans la société.
M. Bakayoko aussi est un quincailler handicapé à Missabougou. Son business prospère et il emploie 4 personnes. Il assure payer régulièrement ses impôts et taxes, mais regrette que les personnes handicapées ne soient pas intégrées économiquement à souhait. «j’ai terminé avec l’ECICA, section douane. Nous ne pouvons pas intégrer l’Armée, donc l’administration reste l’une des issues pour nous les handicapés diplômés»
Issa Baradian TRAORE
L’Essor