Après quelques deux petites semaines de répit, le ciel s’est déchainé ce samedi 17 août 2024, déversant des pluies torrentielles comme dans une punition divine. Du quartier de l’Imam du Boulevard, Missabougou à Sébéninko en passant par Yirimadjo, la capitale Bamako a été trempée. Mais les dégâts vont au-delà de Bamako où la plupart des concessions, à part les quartiers populaires, sont en ciment. C’est l’ensemble du pays qui est touché par les inondations laissant présager une grave crise que le gouvernement semble anticiper en dépit de ses moyens de bords.
Au-delà de la ville de Bamako (Missabougou, Yirimadjo, Sangarebougou, Sébéninkoro, Sotuba…), les localités de Gao, Ségou, Mopti, Bandiagara, Bankass, Bla, Lélé, Teninkou, Sikasso, Koumantou, Dioila, Koutiala…, ont été aussi sérieusement touché.
Sur la base des prévisions de plus en plus exactes de Mali-Météo, le Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes veille au grain. D’importants moyens humains et matériels sont engagés à Bamako et à l’intérieur. Sauf les catastrophes naturelles sont souvent imprévisibles.
Un désastre annoncé
Ce jeudi 15 août 2024, le Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes a tenu une réunion pour faire le point sur la situation des inondations survenues dans plusieurs localités du pays. Plus qu’une catastrophe, on pourrait aller vers un désastre, qu’à Dieu ne plaise. Le bilan inquiétant fait état de : « 59 cas d’inondations au total dans le pays, dont 26 nouveaux cas survenus entre le 7 et le 15 août 2024 ».
Les régions les plus touchées étant Ségou, Koutiala, Bougouni, Gao, San, Dioila, Nioro, Kita, ainsi que le District de Bamako, qui à lui seul, a enregistré 24 cas d’inondations. Les inondations ont également provoqué des cas d’effondrement de maisons, notamment à Bamako, Koutiala et Mopti, ainsi qu’un cas de vent violent à Nioro. Pour ce qui est du bilan humain, le Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes avance malheureusement le chiffre de 7 nouveaux décès, qui porte le nombre total de décès liés aux inondations depuis le début de la saison des pluies à 15 victimes.
Pour ce qui est des dégâts matériels, le Comité interministériel de gestion des crises et catastrophes fait état de 4 150 ménages touchés, pour un total de 32 068 personnes sinistrées.
L’ampleur de la catastrophe qui frappe le pays et le nombre croissant de personnes appelle une assistance humanitaire d’urgence.
Pour anticiper le désastre qui profile, le gouvernement malien, par l’intermédiaire du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, a intensifié ses efforts pour venir en aide aux populations affectées. « Les opérations de sauvetage et de mise en sécurité des personnes sinistrées se poursuivent », assure le département.
En outre, des distributions de vivres ont été effectuées, notamment à Bla et Bakebougou (Commune de Baraouéli), où « 16 tonnes 250 kg de riz, 6 tonnes 70 kg d’huile, 1 tonne 240 kg de sucre et 480 kg de lait » ont été distribuées à 535 ménages.
Les 22 et 25 juillet 2024, des pluies diluviennes se sont abattues sur la ville de Bla et les communes environnantes causant d’importantes inondations. Le bilan provisoire de la Direction Régionale du Développement Social faisait état de 9 700 personnes (876 ménages) sinistrés par ces intempéries qui ont également causé des dommages matériels conséquents.
Les inondations avaient également détruit 1 500 habitations et endommagé 440 latrines, 330 puits ainsi que le Centre de Santé de Référence (CSRef), et les bureaux des services techniques. De plus, 94 tonnes de céréales, 100 tonnes d’engrais et 4 000 litres de pesticides et herbicides auraient été emportés par les eaux.
Face à la catastrophe, les autorités régionales ont activé le Plan d’Organisation des Secours et poursuivent l’enregistrement biométrique des ménages sinistrés pour faciliter la coordination des opérations de réponse.
Le 30 juillet 2024, une délégation ministérielle (accompagnée de différents partenaires humanitaires) s’est rendue à Bla en soutien aux victimes des inondations.
Une mission conjointe du Ministère de la Santé et du Développement social et du Commissariat à la Sécurité Alimentaire s’était rendue à Bla le 30 juillet 2024 en vue d’apporter la solidarité Gouvernementale.
A la date du 05 août 2024, les appuis apportés par l’État et ses partenaires aux sinistrés s’élèvent à plus 276 millions CFA. Ces appuis se présentent comme suit : distribution de 81,943 tonnes de céréales pour 3 438 bénéficiaires ; dotation de tous les ménages sinistrés en kits non alimentaires d’une valeur de 16 millions 97 mille 300 francs CFA ; transfert monétaire aux ménages sinistrés d’un montant de 74 millions de francs CFA ; installation de clinique mobile avec dotations en consommables et médicaments.
Des actions en amont
Le gouvernement a également entrepris des actions pour prévenir de futures catastrophes. « Le curage, l’enlèvement et l’évacuation des déblais de certains collecteurs du District de Bamako » ont été réalisés sur une distance de 18 145 mètres linéaires, sur un total de 32 911 mètres linéaires prévus. Des visites de terrain ont aussi été organisées par le Ministre de l’environnement de l’Assainissement et du développement durable pour inspecter les occupations anarchiques sur certains axes routiers dans les six communes de Bamako.
Les mesures de sécurité
Si les dieux du ciel étaient fâchés contre nous qui habitons en majorité dans les maisons en banco au Mali, les prévisions météorologiques ne sont pas rassurantes, car elles sont de plus en plus du Wili bali. Or, il semble que le ciel regorge encore pour nous « d’importantes quantités de pluies (qui) sont attendues par endroit avec des risques très élevés d’inondations sur la majeure partie du pays ». Comme si cela ne suffisait pas comme inquiétude, la montée des niveaux des cours d’eau, observée sur l’ensemble du pays, laisse présager des risques d’inondations supplémentaires.
Face à cette menace, le Comité interministériel exhorte la population à la vigilance et à respecter strictement les consignes de sécurité.
Il est en effet fortement recommandé de « libérer les emprises et les voies d’écoulement des eaux », de « ne jamais s’engager sur une route ou une ruelle inondée, à pied comme en voiture » et de « ne pas s’approcher des berges d’un cours d’eau en crue ou d’un canal d’évacuation ». En cas de forte pluie, il est conseillé de « s’abriter dans un bâtiment ou un espace couvert », en évitant les arbres pour ne pas courir le risque d’être foudroyé.
Le gouvernement, par l’intermédiaire du colonel Issa Raoul Dabo, chef du Centre de gestion des crises et catastrophes, a appelé ce jeudi 15 août 2024 la population à rester prudente et à adopter des comportements qui peuvent sauver des vies. Alors que les secours continuent de s’organiser et que les efforts de prévention se multiplient.
Inondations dans la zone AES
Les inondations, elles ne sont pas que chez nous. Le Burkina et le Niger voisins sont aussi ravagés que notre pays. Faut-il en réjouir ? Que nenni, car dans l’espace AES, il n’y a pas de Ba Nyengo. Face aux inondations récurrentes au Sahel, il urge de prendre le taureau par les cornes et d’arrêter de se défausser sur le ciel, le changement climatique. Il urge dans cet espace qu’on change de comportement environnemental. Il faut réapprendre à s’adapter aux cycles naturels.
Depuis le début de la saison pluvieuse, notre espace AES est devenu un champ de friches à cause des inondations qui ont laissé un bilan humain et matériel désastreux.
Le Compteur macabre enregistre 129 morts au Niger et 219 755 personnes sans-abris. Au Mali ce sont 15 décès qui ont été enregistrés et plus de 32.000 sinistrés. Les pertes agricoles et pastorales viennent aggraver une situation déjà critique.
Il est facile, face à la violence des inondations qui ravagent le Mali et d’autres pays du Sahel, de pointer du doigt le changement climatique comme la cause unique de ces catastrophes.
Les médias en parlent abondamment, les experts multiplient les mises en garde, et la communauté internationale s’accorde à dire que les événements météorologiques extrêmes deviennent plus fréquents en raison du réchauffement global.
Pourtant, s’arrêter à cette seule explication serait un raccourci simpliste, qui risque de nous faire perdre de vue une réalité plus complexe et ancrée dans l’histoire.
Selon un presse malienne très crédible, ‘‘Le Sahel, cette vaste bande semi-aride qui s’étend sous le Sahara, a toujours été une région marquée par des cycles climatiques. Des anciens, on raconte qu’il y a bien longtemps, ces terres connaissaient des saisons de pluies abondantes. Les rivières étaient pleines, les champs luxuriants, et les habitants adaptaient leur mode de vie à cette générosité de la nature. Les villages se construisaient sur des hauteurs, les habitations étaient pensées pour résister aux crues, et des canaux étaient creusés pour diriger les excès d’eau vers les champs, où ils étaient une bénédiction plus qu’une menace.
Puis, après cette période d’abondance, le climat changea. Les pluies se firent plus rares, les rivières se tarirent, et le Sahel entra dans une période de sécheresse prolongée. Cette petite pluviométrie dura des décennies, façonnant le paysage et les mentalités. Les hommes durent s’adapter à cette nouvelle réalité, en inventant de nouvelles techniques d’irrigation, en apprenant à cultiver des plantes plus résistantes, et en ajustant leurs modes de vie à cette nouvelle normalité. Cette période de sécheresse a imprégné la mémoire collective, à tel point qu’elle est souvent perçue comme la norme, reléguant les grandes pluies du passé au rang de légende’’.
Aujourd’hui, nous assistons à un retour des pluies intenses. Les inondations sont devenues fréquentes, emportant avec elles des vies humaines, détruisant des maisons, et causant des dégâts matériels considérables. Et naturellement, beaucoup cherchent à comprendre pourquoi’’. Le changement climatique, ce phénomène global dont les effets sont bien réels, est rapidement désigné comme le bouc-émissaire idéal. On oublie cependant que ces cycles de pluviométrie ont toujours existé, bien avant que l’on parle de réchauffement planétaire.
Blâmer uniquement le changement climatique pour ces désastres serait non seulement injuste, mais aussi contre-productif. Cela reviendrait à ignorer les responsabilités locales, à négliger les erreurs de planification urbaine, et à oublier les leçons du passé. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas seulement de la vigilance face aux aléas climatiques globaux, mais aussi un retour à une gestion plus prudente et respectueuse de notre environnement local. Plutôt que de céder à un fatalisme attribué au changement climatique, il est temps de repenser notre rapport à l’eau, de reconstruire avec plus de résilience, et de tirer les véritables leçons de l’histoire.
Par Abdoulaye OUATTARA