Sur les périodes 2012, 2013 et 2014, le Bureau du vérificateur général a effectué au niveau du Bureau des produits pétroliers (BPP) des vérifications financières sur la gestion des importations desdits produits en provenance du Sénégal. Il en résulte : des chargements d’hydrocarbures expédiés de Dakar sur le Mali ayant fait l’objet de dissimulations pour un montant de 22,70 milliards de FCFA ; des dénaturations frauduleuses pour un montant de 875,41 millions de FCFA ; ainsi que de déclarations frauduleuses pour 5,07 milliards de FCFA.
Depuis son institution, le Vérificateur général a effectué de nombreuses missions de vérification de droits et taxes exigibles sur les produits pétroliers. Ainsi, afin de limiter davantage les risques de fraude qui restent élevés, il a jugé nécessaire de retracer la gestion qui est faite de ces flux depuis leur port d’évacuation jusqu’à leur destination finale. En effet, les importations de produits pétroliers impliquent divers acteurs, dont la Société d’inspection BIVAC, les Commissionnaires agréés en douane et les opérateurs pétroliers.
Les différentes missions, selon le Rapport 2015, ont produit leur effet, puisqu’à l’issue de l’exercice 2014, le BPP a recouvré 88 milliards de FCFA au titre du budget d’État contre 79 milliards en 2013.
Les perceptions de droits et taxes sur les produits pétroliers ont du coup connu une progression de 11,39 %. Mais, elles sont restées inférieures aux objectifs quantifiés poursuivis qui étaient de 92 milliards de FCFA.
La vérification des importations d’hydrocarbures sur l’axe Bamako-Dakar a relevé de nombreux dysfonctionnements dans le contrôle interne ainsi que des irrégularités financières. Ces cas de violations de la réglementation douanière se sont caractérisés par des manquements dans le suivi et la supervision des opérations ; des irrégularités financières dans les importations de produits pétroliers, dénonce le document.
Manquements dans le suivi et la supervision
Selon le rapport 2015 du BVG, la Direction générale de douanes (DGD) a autorisé des opérations de commissionnaires en douane dont les agréments ne sont pas valides. De même, des Déclarants en douane dont les agréments n’ont pas été renouvelés ont mené irrégulièrement des opérations auprès du BPP.
Au demeurant, la valeur du cautionnement souscrit a été inférieure, pour le BPP, au seuil minimum prescrit, car un montant de 100 millions de FCFA était requis par soumissionnaire alors qu’il n’a été en moyenne garanti que 42,5 millions de FCFA.
Quant au Bureau des produits pétroliers (BPP), il est accusé d’avoir irrégulièrement déterminé la base imposable des hydrocarbures « liquides ». En effet, il ne tient pas compte, de la liquidation des droits et taxes sur ces hydrocarbures, des coefficients de densité fixés par les arrêtés déterminant mensuellement, la structure du prix de ces produits. C’est seulement sur la base du poids net, figurant sur les stickers de BIVAC, que tous les prélèvements fiscaux ont été effectués au cordon douanier. Ce non-respect de la réglementation a entraîné une évaluation en douane arbitraire qui pouvait être à l’origine de pertes ou de perceptions de recettes indues.
Le BPP a irrégulièrement appliqué les sanctions prévues en cas de délit douanier. Ainsi, des importations d’huiles lubrifiantes sans Attestation de Vérification (AV) ont été déclarées pour une valeur souvent inférieure à celle du pétrole brut sans qu’il soit procédé au moindre ajustement.
De plus, les rares fois où il y a eu des suites contentieuses, il n’a été enregistré aucune transaction de portée dissuasive.
Par conséquent, il est devenu fréquent, révèle le rapport, qu’un opérateur en règle s’acquitte au cordon douanier, pour une même quantité et qualité de produit, d’un montant dix fois plus élevé que celui payé (pénalités y comprises) par le fraudeur. Pour ce dernier, les droits sont liquidés sur les valeurs dérisoires déclarées et une amende de principe généralement égale à 10 % de ces droits lui est rarement infligée.
Le Bureau de Contrôle du Transit (BCT), à son tour, dénonce le rapport 2015 du Végal, n’a pas suivi le mouvement des importations de produits pétroliers.
Le contrôle du mouvement des marchandises sur le corridor sénégalais jusqu’à leur prise en charge par les bureaux de dédouanement n’a pas été assuré en dépit du fait que la Représentation des douanes maliennes à Dakar a régulièrement transmis à la DGD les états mensuels de chargements d’hydrocarbures destinés au Mali ainsi que les références et copies des acquits étrangers correspondants.
À titre illustratif, les enquêteurs avancent que pendant les exercices sous revue, pour le supercarburant, le volume total des évacuations signalées par l’Antenne des douanes maliennes à Dakar et celui enregistré pour la même période au Bureau frontalier de Diboly dégage un écart de 60% sur lequel le BCT n’a pas investigué. L’écart relevé équivaut, dit-on, à plus de 365 citernes de 50 000 litres chacune. Ce manque de suivi peut favoriser de nombreuses importations frauduleuses difficiles, voire impossible, à détecter.
Irrégularités financières
Des opérateurs pétroliers, indique le rapport 2015, ont procédé à des dissimulations frauduleuses d’importations. Il s’agit de chargements exportés du Sénégal sur le Mali non ou partiellement enregistrés au BIVAC-Dakar et à Diboly ou couverts par des stickers-BIVAC, mais non présentés au BPP. Il ressort du document, ces expéditions non-déclarées ont occasionné un montant de droits et taxes compromis de 22,70 milliards de FCFA.
Le BIVAC, pour sa part, a procédé à des inspections irrégulières d’hydrocarbures attestant des espèces tarifaires de produits différentes de celles plus fortement taxées des acquits sénégalais, occasionnant ainsi des prestations non conformes qui ont permis de découvrir de fausses déclarations de nature ayant entraîné des pertes de recettes pour les trois exercices de 875,41 millions de FCFA.
Selon le rapport, le chef du BPP a géré, sans suite contentieuse, des chargements d’hydrocarbures ayant fait l’objet de déclarations frauduleuses. Il en résulte des glissements tarifaires, selon le rapport, de déficits injustifiés sur les quantités primitivement déclarées et de chargements auxquels aucun régime douanier n’a été assigné, au mépris de la réglementation.
Ces pratiques, signale le rapport, ont occasionné des pertes de recettes d’un montant total de 5,07 milliards de FCFA. Il est révélé que le chef du BPP n’a pas procédé aux redressements, conformément aux textes en vigueur.
La vérification du calcul des droits et taxes exigibles sur ces importations a permis ainsi de dégager des pertes de recettes au cours de la période sous revue d’un montant total de 4,53 milliards de FCFA.
Le rapport épingle également le Directeur général des Douanes et le BIVAC d’avoir accordé des remboursements irréguliers de droits et taxes sur les produits pétroliers. Il s’agit, dit-on, d’opérations effectuées en violation de la procédure prévue pour le remboursement des droits et taxes payés à certains bénéficiaires d’exonération au cordon douanier. Ainsi, un montant de 804,55 millions de FCFA a été remboursé à des requérants avec des irrégularités portant sur des cas de forclusion ou de base légale non valide.
Exo sans base juridique
Dans le cadre de l’application des exonérations, le rapport indique que le directeur général des Douanes a accordé, sans base juridique, à la Société Anonyme Énergie du Mali (EDM-SA) une exonération des droits et taxes sur les produits pétroliers.
La convention légalement requise entre l’État et cette société, pour qu’elle puisse bénéficier de ces faveurs, n’a jamais été établie, dénonce le rapport.
Il en est résulté, en ce qui concerne le gasoil en provenance du Sénégal, des pertes de recettes, estimées à 11,68 milliards FCFA.
Aussi, un écart important, a-t-il été relevé, entre les volumes effectivement retirés des dépôts et ceux théoriquement mis à la consommation par suite d’entrepôt. Ainsi, un taux réduit de la Taxe Intérieure sur le Produits Pétroliers (TIPP) a été irrégulièrement appliqué.
Ces manœuvres ont occasionné, tous axes confondus, des pertes de recettes sur la TIPP d’un montant total de 10,03 milliards de FCFA.
Par ailleurs, le Chef du BPP n’a pas apuré des mises en entrepôt d’hydrocarbures, conformément à la réglementation.
Des chargements déclarés sous ce régime suspensif en 2012 ont de loin dépassé le délai biennal autorisé sans que le Chef du BPP fasse les diligences qui lui incombaient, afin de mettre le Trésor public dans ses droits ; ce qui a occasionné un préjudice financier d’un montant total de 423,78 millions de FCFA.
Le BVG invite par conséquent le Directeur général des Douanes à exiger de la société EDM-SA, la justification de l’existence d’une base juridique applicable à ses demandes d’exonération de droits et taxes sur les produits pétroliers à l’importation.
Par Sidi Dao
Source: info-matin.