Le président Ibrahim Boubacar Keïta aligne les échecs, depuis son arrivée au pouvoir. Dans ce « fiasco monumental », figure l’élément fondamental qui avait fondé son élection, à savoir le retour de la sécurité dans le pays, notamment dans le septentrion malien. IBK n’a pas connu meilleur sort en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière (où des membres de la famille et du clan sont cités dans des affaires sulfureuses), de bonne gouvernance, de gestion du front social et politique, du bien-être des populations… Conséquence ? L’Etat du Mali est au bord du gouffre.
Face à cette situation dramatique et à la multiplication des échecs de sa gouvernance désastreuse, Ibrahim Boubacar Keïta n’a plus autre choix que de se tourner vers une opposition politique vouée aux gémonies depuis son arrivé au pouvoir.
La recette trouvée (imposée ?) est un Accord politique de gouvernance signé, la semaine dernière, entre le gouvernement et des acteurs politiques. Mais cet accord de gouvernance contribuera-t-il de sauver un Mali en état de déliquescence au triple plan sécuritaire, économique et social ?
La signature de l‘accord politique est une des preuves patentes de l’échec de Ibrahim Boubacar Keita dont la gestion calamiteuse a plongé le Mali dans une crise multidimensionnelle sans précédent. Aujourd’hui IBK se rend compte des limites de cette gestion où la famille, les clans et les amis ont toujours été présents aux commandes de l’État. Acculé et voyant son fauteuil vacillé IBK n’a plus d’autre solution que de tenter une ”gestion consensuelle” des affaires qu’il n’a cessé de décrier lorsqu’il se prétendait être de l’opposition avant les événements de 2012. C’est vrai qu’à l’épreuve du pouvoir l’homme a oublié pas mal de ses critiques acerbes et autres discours populistes dont il a le secret. Retour sur les échecs qui ont marqué la gouvernance d’un homme qui a promis monts et merveille aux Maliens pour accéder au pouvoir.
Le Centre sous le feu !
L’insécurité ? Elle s’est accrue au Nord et au Centre, et n’a pas reculé d’un iota. En effet, au-delà des régions du Nord qui sont sous le contrôle ou la menace constante des groupes armés dont la CMA (signataire de l’accord de paix), terroristes et djihadistes. Ceux-ci ont étendu leurs tentacules jusqu’au Centre et au Sud du pays en instaurant une insécurité chronique dans les régions de Ségou, Mopti, Koulikoro.
Attaques, attentats et attentats-suicides, pose de mines antichar et antipersonnel, braquages, enlèvements d’animaux, assassinats et autres formes de violences constituent le lot quotidien des populations. Encore le 21 avril 2019, plusieurs militaires (au moins une dizaine) ont été tués dans une attaque contre le camp de Guiré (Nara). Malgré les différents contingents de la Minusma, une forte présence militaire française et la création de la force régionale du G5-Sahel, les violences djihadistes persistent dans le pays, avec 237 attaques recensées en 2018, selon l’ONU. Les populations civiles ne sont pas non plus épargnées par cette spirale meurtrière. Aussi, le Centre du pays s’est embrasé. La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat d’un pouvoir qui a montré ses limites. De la première attaque contre Nampala en janvier 2015 à la destruction du camp de Dioura, les Maliens n’ont pas vu ce que le président de la République a tenté pour désamorcer la bombe du Centre et résoudre la crise qui couvait. De revers en revers, les FAMAS ont payé un lourd tribut à l’inexistence d’une stratégie claire qui aurait dû être définie par IBK. De façon générale, pendant le mandat du président, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 59 années précédentes, de 1960 à 2019. En effet, la comptabilité macabre donne des frissons : 115 morts de septembre à décembre 2013 ; 306 morts de janvier à décembre 2014 ; 538 morts de janvier à décembre 2015 ; 352 morts de janvier au 15 septembre 2016 ; et plus de 2 087 morts de janvier 2017 à nos jours. Au total, au moins 3000 personnes (civils, militaires maliens et étrangers) ont perdu la vie dans notre pays depuis les débuts du mandat du président.
Les populations civiles payent, aussi, un lourd tribu à cette spirale meurtrière. De 2013 à nos jours, la violence est montée crescendo. Il ne se passe pratiquement plus de jour sans que de pauvres populations civiles, précisément la communauté peulh, ne soient tués ou assassinés. Les drames se suivent dans une relative indifférence des autorités : le charnier de Doungoura : 25 cadavres au fond d’un puits. Le carnage de Maleimana : 50 morts, Ké-Macina : 42 morts, 32 victimes à Koumaga plus de 200 morts à Ogossagou.…
Face à cette situation désastreuse, IBK et son gouvernement font la politique de l’autruche. Et chaque fois que le chef de l’Etat a fait des déclarations va-t-en guerre, la réalité du terrain l’a fait revenir sur terre.
Une économie malienne en lambeau !
Depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir, tous les voyants économiques et financiers sont au rouge. Le malaise social est général entrainant une vive tension, aggravée par la flambée des prix des denrées de première nécessité, qui sont, de plus en plus, hors de la portée du citoyen moyen avec comme conséquence immédiate la misère. Cette conjonction de facteurs a pour corollaire l’augmentation de la pauvreté.
« Aujourd’hui, c’est dur ! Il faut se priver !». Ce cri de détresse est d’un chauffeur de taxi, qui ne sait plus à quel saint se vouer. Même les fonctionnaires de l’Etat, censés sentir moins les effets drastiques de ce marasme économique, crient leur désarroi. La majorité d’entre eux étant confinés dans une situation qui se caractérise par des salaires particulièrement bas. Un haut cadre déclare : « La vie au Mali devient intenable pour les chefs de famille ».
Selon lui, il faut avoir les nerfs solides pour joindre les deux bouts. A la moindre des choses, dit-il, on pète les plombs. Parlant des raisons de cette paupérisation généralisée, il indique que «les dirigeants actuels ont tourné le dos au peuple ». En clair, les princes du jour ont fait du « Mali un gros gâteau », destiné à leurs parents, proches et laudateurs.
En définitive, les conditions de vie des Maliens se dégradent de jour en jour. Concernant cette précarité, un commerçant s’exprime: « Les Maliens vivent aujourd’hui un véritable calvaire. En plus de la pauvreté, on est exposé à une insécurité grandissante. Au grand marché, certains commerçants ont fermé les boutiques. Pour écouler un produit d’une valeur de 50 000 F CFA, il faut parfois plus d’une semaine ».
De nombreux jeunes diplômés vivent dans des conditions difficiles, et s’adonnent à des activités peu rémunératrices : des travaux de nettoyage, de gardiennage, de l’entretien de l’immobilier public, etc. Faute de mieux, beaucoup de jeunes restent confiner à ces petits travaux ou encore de manœuvre sur des chantiers, avec la crainte permanente qu’on ne mette fin à leurs contrats. Ils consentent à une telle forme de vie afin de joindre les deux bouts.
Que dire des travailleurs saisonniers ? Ils occupent aujourd’hui de nombreux jeunes de l’intérieur du pays qui ont laissé au village une famille entière dont ils assurent en grande partie l’entretien économique. Faire vivre par l’envoi régulier de l’argent la parenté et aider en même temps la communauté villageoise dont ils sont issus, tel est le projet commun de ces saisonniers. Leur principal souci est de dépenser le moins possible de l’argent qu’ils gagnent pour pouvoir en envoyer le maximum vers le village. Pour cela, ils acceptent tout. Sauf que ces dernières années, cette stratégie de se priver pour économiser ne semble plus payer, l’argent ayant presque disparu.
Les conséquences de cette situation paupérisation générale sont notoires : conflits sociaux, déstabilisation des foyers, banditisme, déperdition des enfants ». Sans commentaire ! « Je vends plus des accessoires pour les voitures, dit Mohamed Dembélé. Mais en ce moment je ne vends plus rien. On passe la journée à attendre les clients… ». Certains commerçants de ce marché nous ont affirmé que la nuit, ils sont obligés de faire le gardiennage pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille.
Au même moment, beaucoup d’entreprises ont été obligées de mettre leurs agents au chômage technique, ainsi des populations sont privées de leurs revenus. Pour tous, les difficultés s’accumulent. Pis, l’insécurité et la corruption gagnent du terrain, engendrant la fuite des capitaux.
Et pourtant, le gouvernement a toujours vanté les performances de notre économie, qui est la 3ème de la zone UEMOA, avec son corollaire de 5 % de croissance. Donc la crise de trésorerie, qui est une réalité indéniable, ne pourrait résulter que de la mal gouvernance et non d’un manque de ressources financières.
Il faut dire cette situation, avec ses conséquences économiques et sociales dévastatrices, a débuté depuis le coup d’Etat du 22 mars et l’occupation du nord du Mali par des groupes islamistes armés. Mais sous la présidence de Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali vit les pires moments de son existence. La forte demande sociale, manifestée à travers une cascade de préavis de grèves, est l’expression d’un malaise profond qui existe partout dans le pays.
Si IBK a échoué, c’est dû, en grande partie, à la mauvaise gouvernance instaurée et qui a vu s’égrener des scandales au fil des mois et des ans. De l’avion présidentiel aux 1000 tracteurs, en passant par le contrat d’armement et les engrais frelatés, tous les scandales dégagent une forte odeur de corruption et de détournements de grande envergure. Or, dans le domaine de la lutte contre la corruption et délinquance financière des tonnes de promesses avait été distillé aux Maliens.
«La lutte contre la corruption sera organisée sur la base d’un principe, la Tolérance zéro », avait promis IBK quand il briguait le suffrage de ses compatriotes. Que de leurre au peuple et de contrevérités à la nation.
Depuis qu’il fut investi président de la République, la corruption est ancrée jusqu’à l’os chez le Malien. En témoignent les chiffres des différents rapports 2013 et 2017 du Bureau du Vérificateur général. Il ressort des vérifications financières effectuées au titre de ces deux années repères des irrégularités financières d’un montant total de plus de 153 milliards de FCFA dont 46,14 milliards de FCFA au titre de la fraude et 106,95 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion. Que dire du rapport 2015? Quid des 29 ou 38 milliards de surfacturations dans les affaires de l’avion présidentiel et du contrat d’armement ?
Quel sort IBK réservera-t-il à ces rapports? Les auteurs de détournement vont-ils répondre de leurs actes ?
Social : le mal vivre des Maliens
Sur le plan social, les manifestations et grèves se sont intensifiées. L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) a observé une grève de 72 heures, du 9 au 11 janvier 2019. Cela fait plus de 150 jours que les cheminots maliens observent une grève de la faim. Les travailleurs du chemin de fer réclament 10 mois de salaires impayés. Par faute de moyens financiers pour se soigner, plusieurs travailleurs des rails sont décédés
De nombreux syndicats, associations et autres mouvements de la société civile affûtent leurs armes contre un président de la République et un gouvernement accusé par tous de non-respect des engagements pris lors de différentes négociations. Ainsi, l’école malienne vit, depuis plusieurs mois, une crise qui perturbe le bon fonctionnement de ce secteur stratégique.
Aussi, depuis le début de l’année, l’école est secouée par des grèves répétitives. Si, ce ne sont les enseignants qui débrayent, ce sont les élèves qui désertent les classes menaçant la validité de l’année blanche.
Signe d’un malaise social généralisé, plusieurs syndicats ont observé des débrayages. Aussi, la dernière grève de 12 jours de la Coordination des comités syndicaux des DAF, des CPS, des DRH et des DFM de la Primature et des départements ministériels a pris fin le mois dernier. (Avril). Les médecins affiliés au Syndicat des médecins du Mali (SYMEMA) à l’Hôpital du Mali ont observé un arrêt de travail de 48 heures, les 14 et 15 mars 2019. Même colère sociale au niveau du ministère des Affaires étrangères et de la coopération. Après avoir déposé un préavis de grève le 12 mars 2019, les travailleurs ont observés, le lundi 18 mars 2019, une grève de 3 jours (du 18 au 20 mars 2019).
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube