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IBRAHIM AHMED KOULAMALLAH: «SI LE NIGERIA NE JOUE PAS FRANC JEU AVEC LE TCHAD ET LE CAMEROUN, C’EST SON PROBLÈME»

Homme politique tchadien de premier plan de passage au Cameroun, Ibrahim Ahmed Koulamallah,  est le président du Mouvement socialiste africain rénové (MSA/R), un parti politique modéré qui joue un rôle assez pertinent dans la classe politique tchadienne. Mais, il importe de le préciser,

 IBRAHIM AHMED KOULAMALLAH homme politique tchad

c’est un parti historique créé avant l’indépendance du Tchad et dont le fondateur n’aura été autre que Ahmed Koulamallah – père de l’actuel président – Qui avait été Premier ministre du Tchad avant même l’avènement de Ngarta Tombalbaye.  Il occupe actuellement la fonction de Conseiller à la Présidence de la République du Tchad après avoir été tour à tour : Ministre du Développement Touristique, Conseiller Spécial du Premier Ministre, Ministre de l’Aménagement et de la Décentralisation, et ministre des Droits de l’Homme. La Nouvelle Expression l’a rencontré lors de son « cour séjour privé au Cameroun » qu’il connait bien, pour y avoir vécu pendant une dizaine d’années.

 

Le Cameroun et le Tchad sont aujourd’hui main dans la main dans le combat contre Boko Haram ; pensez-vous  que le peuple Tchadien se sent véritablement concerné par cette guerre contre Boko Haram ? 

C’est une question qui me fait rire, parce que quand vous me demandez si le Tchad est concerné par cette guerre asymétrique injuste et cruelle, je vous répondrai que le Tchad et le Cameroun sont pratiquement un même Etat. Ils ont une vieille histoire commune, il existe un brassage extraordinaire entre nos deux pays tellement proches et justes séparés par deux petits fleuves : le Logone et le Chari. Le Cameroun a, de tous temps, accueilli des milliers de tchadiens pendant les moments difficiles. Donc, aujourd’hui, si le Cameroun est agressé militairement, il est absolument normal que les Tchadiens viennent au secours de leur frère et ami. Pouvez-vous oublier que le Cameroun est la porte d’accès du Tchad sur l’Océan Atlantique ?

 

Après l’entrée du Tchad dans cette guerre, le président Idriss Déby a tout récemment déclaré qu’il sait où se trouve Aboubakar Shékau, et lui a même demandé de se rendre, car il va le traquer. Est-ce que vous pensez que c’est un coup de bluff, ou c’est parce que l’Armée Tchadienne sait exactement où  se trouve le chef terroriste?

Les chefs d’Etat ont leurs canaux de renseignements. Si le président Idriss Deby Itno l’a dit, je ne peux ni affirmer ni infirmer cette déclaration forte. Tout ce que je peux dire est que si le chef de l’Etat l’a dit, ce ne doit pas être un  bluff. Surtout que l’Armée Tchadienne dispose d’une très grande logistique aérienne et satellitaire susceptible de localiser tout mouvement des troupes ou de matériels roulants même dans la nuit.

 

Sur le terrain,  depuis un certain temps, le Nigeria ne réagit pas en synergie avec le Cameroun et le Tchad ;  il donne même plutôt l’impression de faire cavalier seul. Est-il interdit de penser que l’Etat Nigérian ou le président Goodluck Jonathan,  serait en train de jouer un jeu que ni le Cameroun, ni le Tchad ne peuvent pas comprendre ?

 

Je pense que les réalités opérationnelles sur le terrain peuvent s’avérer difficiles à cerner, surtout pour nous les civils qui sommes si loin des champs de batailles.  Si le Nigéria et son Armée ne jouent pas franc jeu avec le Tchad et le Cameroun qui subissent les  affres de ce conflit qui est, avant tout, nigéro-nigérian,  c’est son problème.  Notre problème c’est  que le Tchad et le Cameroun se soient mis ensemble pour faire face à cette nébuleuse qui nuit. Mais en définitive, je me trouve assez mal placé pour émettre un jugement de valeur sur le président Goodluck Jonathan. Je ne suis pas autorisé, je pense qu’au-delà des considérations diplomatiques ou même seulement principielles, ça relève de sa conscience.

 

Dans quelles mesures vous pensez que cette coalition Cameroun -Tchad pourrait réussir et anéantir cette secte ?

Je vous dis d’entrée de jeu que je partage largement la conviction du Président Idriss Deby qui a dit que Boko Haram sera vaincu. Mais pour que cette victoire soit effective, il importera que ces alliés soient sincères, se partagent les informations et fonctionnent dans le sens d’une dynamique commune. S’ils se sont mis ensemble, je crois que c’est dans la logique de l’atteinte d’un objectif commun et de la même volonté d’éradiquer ce mal. Le fait d’être déjà ensemble dit beaucoup. Je crois qu’il faut faire confiance à nos Etats et ne plus systématiquement compter sur des interventions ou des interpositions occidentales pour résoudre nos conflits en Afrique. Ce qui est important aujourd’hui, c’est que le Cameroun, le Tchad, et le Niger se soient unis pour faire face au même mal.

 

Est-ce qu’aujourd’hui on peut évaluer la puissance de Boko Haram ?

 

A mon humble avis,  Boko Haram est constitué de fanatiques qui s’adonnent à un terrorisme de grande échelle. Cette secte n’a pas de véritable puissance militaire en tant que tel. Ce sont des fanatiques qui sont engagés sur une voie sans issue. Le plus grave est que les adeptes de cette secte ont perdu toute conscience des normes minimales du vivre ensemble. Ils vivent dans leur propre rêve. Un rêve absurde dans lequel ils sont convaincus que tuer autrui est normal, valorisant et transcendant. Ce sont des lâches qui se fondent au milieu des populations et qui, tout d’un coup, attaquent des villages, des mosquées, des églises ou des écoles.

 

Mais ils ont des chars, des équipements lourds de guerre, des blindées. Que comprendre ?

 

Ce sont  vraisemblablement des armes récupérées  dans  les casernes de l’armée Nigériane, quand ses militaires avaient abandonné les positions attaquées par les djihadistes.  Ce sont des gens qui, le plus souvent, font des incursions de manière brutale et lâche ;  ils n’affrontent pas de face des armées conventionnelles. La guerre est difficile quand vos adversaires se confondent à la population et attaquent toujours par surprise au milieu de la nuit ou au petit matin. Je pense que ce n’est pas une force qui peut faire face à nos Etats.

 

Vous avez parlé des armes récupérés à l’armée Nigériane, c’est peut-être vrai, mais il y’a aussi une autre éventualité, c’est que les armes utilisées par les terroristes pourraient par exemple provenir de la Lybie après être passées par un sinueux corridor de trafic qui descendent du Nord pour arriver chez Boko Haram. Est-ce qu’on peut savoir aujourd’hui d’où peuvent provenir les armes qui ne sont pas celles récupérées à l’armée Nigériane?

 

Je crois que le désordre en Afrique est  prémédité ; si les africains doivent se réveiller et faire face au développement, il faut que les gens qui ne veulent pas que l’Afrique avance créent ce genre de chose. On ne peut pas connaitre qui est véritablement derrière ces terroristes. Ce qui est certain, c’est qu’il y a des gens qui sont en train de perturber l’Afrique, et c’est quelque chose de dommage.

 

Vous parlez des puissances qui seraient peut-être en train de déstabiliser l’Afrique. Le ministre Tchadien de la Communication a tout récemment déclaré  ici au Cameroun que 40% des armes récupérées entre les mains des combattants de Boko Haram, étaient des armes de fabrication française. Je ne veux pas dire que c’est la France qui les fournit, mais également au Cameroun, il y’a eu cette levée de bouclier, les Camerounais pendant une marche à Yaoundé qui ont indexé directement la France d’être derrière Boko Haram. Qu’est ce que  tout ceci vous suggère ?

 

Ça peut-être une présomption, mais certainement pas une vérité d’évangile. Les gens ne doivent pas porter des jugements péremptoires sans en avoir la preuve. Loin de moi l’idée de discuter de cette affirmation publique du ministre de la communication de mon pays. Mais je pense que s’il a évoqué ce pourcentage, il aurait été intéressant qu’il dise aussi de quoi seraient consisté les 60% des autres armes. La vérité est qu’il y a des marchands d’armes partout en Afrique, ainsi,  les armes peuvent provenir de partout. D’ailleurs, la fabrication des armes est universelle ; le fait d’avoir trouvé une arme française entre les mains d’un individu ne signifie pas forcément que c’est le gouvernement français qui la lui aurait fournie. Je crois que le problème n’est pas là. C’est vrai, il y’a un désordre en Afrique. Pouvez-vous réaliser qu’après la chute du président Kadhafi, la multitude d’armes qu’il avait achetées aux quatre coins du monde se retrouvent aujourd’hui aux quatre coins de l’Afrique. Maintenant avec le désordre qui sévit, c’est normal, les trafiquants d’armes sont partout et si on leur donne de l’argent, ils vous vendent les armes. Pour ma part, il serait imprudent d’accuser un état de fournir des armes aux terroristes sans des preuves probantes.

 

 Est-ce qu’aujourd’hui on peut évaluer l’incidence de cette guerre de Boko Haram sur l’économie Tchadienne ?

 

C’est une catastrophe pour l’économie tchadienne, parce que l’incidence est grave. Nous sommes un pays enclavé et toutes nos marchandises viennent des ports de Douala, du Nigeria et d’ailleurs. L’incidence est énorme ; les prix flambent à cause de cette nébuleuse ; il est de notre devoir de rétablir et de sécuriser la route qui nous lie  au port.

 

C’est pour dire aussi, comme le disent certains,  que la guerre que mène le Tchad est aussi sa propre guerre, et non seulement  pour aider le Cameroun ou le Nigeria…

 

C’est aussi sa guerre, mais seulement le Tchad vient à la rescousse du Cameroun, du Niger et du Nigeria. Ce n’est pas au Tchad que cette guerre a été déclarée, mais seulement, sachant que quand un incendie atteint la maison d’un voisin, il faut aider à le circonscrire de crainte de ne pas être atteint par la suite.  Il ne faut pas distinguer le Cameroun et le Tchad ; pour moi, c’est un même peuple ; il ne faut pas faire la différence. Si le Cameroun est atteint, c’est le Tchad qui l’est. Si le Tchad est atteint, c’est le Cameroun.

 

Tout récemment, il y’a eu des émeutes au Tchad, actuellement la situation n’est pas revenue au beau fixe, au sujet du port obligatoire de casque, qui a fait que les élèves se sont retrouvés dans la rue. Comment cette situation a-t-elle pu s’envenimer au point que les lycées et collèges sont aujourd’hui fermés ? 

 

De nos jours, partout où il y a des élèves, il peut y avoir un mouvement d’humeur. En fait, si le port obligatoire du casque a été exigé au Tchad il y a quelques semaines, c’est bien à cause des accidents de la route de plus en plus fréquents qui faisaient énormément de victimes parmi les jeunes. Vous comprenez donc que c’était beaucoup plus pour sécuriser les populations et en particulier la jeunesse que cette mesure préventive – qui est  en vigueur partout à travers le monde – a été prise. Vous et moi savons que le port de casque ne peut être qu’une garantie pour la sécurité de celui qui monte sur une moto. Pour ma part, ce qui s’est passé à N’Djamena ne peut pas à proprement parler être considéré comme émeutes, il y’a eu un mouvement d’humeur. C’est vrai que  la mise en vigueur de cette mesure obligatoire avait un peu manqué de sensibilisation. Le gouvernement n’est ni de près, ni de loin impliqué. Ce n’est d’ailleurs pas sa volonté de vouloir accuser qui que ce soit. C’est une recommandation, c’est une façon de dire aux gens que les gouvernants sont soucieux de la sécurité de leur peuple, que ce soit sur le plan alimentaire, sécuritaire et ailleurs. Maintenant, nous avons une émergence de jeunes qui empruntent des motos, et si cette jeunesse ne se protège pas en portant le casque et qu’elle tombe sur la chaussée, le résultat ne sera que des traumatismes crâniens éventuellement mortels

A l’heure qu’il est,  les choses sont en train de rentrer dans l’ordre. Maintenant, les parents d’élèves ont été convoqués par le chef de l’Etat qui a pris le temps  de leur expliquer les conséquences de la négligence du port du casque, et en même temps de leur faire comprendre le bienfondé de cette mesure. Je vous assure qu’ils se sont compris.

 

Si ce n’est pas indiscret, qu’est ce qui justifie votre présence au Cameroun, parce que vous êtes passé presque inaperçu ?

 

J’ai des problèmes de santé et il y a des moments où je passe voir mes médecins.  Le corps humain, c’est comme une locomotive et il faut de temps en temps l’entretenir. Mais par ailleurs, je vous signale que pendant une dizaine d’années, quand j’étais homme d’affaires, j’ai vécu au Cameroun et principalement ici à Douala où je compte beaucoup d’amis. En tout cas, j’aime beaucoup votre pays.

 

Entretien mené par David Nouwou

Source: lanouvelleexpression.info

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