Dans la cour du Palais de Sébénikoro, personne en vue excepté les éléments de la Garde présidentielle. Lunettes noires sur le nez, costumes noirs démesurés, l’air austère, ils m’accompagnent jusqu’à l’entrée du salon. Avant de me fausser compagnie.
C’est là que je me retrouve, nez à nez, avec le maître des lieux : IBK. Habillé en tenue de sport, avec une serviette autour du coup, il m’accueille d’un air glacial, en ces termes : « Qu’est-ce que tu fous là par un si bon matin de dimanche où tout le monde se repose ? ».
Avant même que j’eus le temps d’ouvrir la bouche, il me prend par le coude, m’amène à la piscine où il me montre une chaise en osier tressé. C’est là que se déroulera, pour la troisième fois, depuis la création de cette rubrique, l’interview imaginaire. Ou presque.
Mr le président, avez-vous bien dormi ?
Pourquoi une telle question ?
Parce que vous semblez nerveux, avec des œillets autour des yeux…
Comment peut-on bien dormir avec ces horreurs, ces tueries qui se multiplient tant au nord qu’au centre du pays. Pire, c’est Bamako qui est, désormais, au cœur de l’insécurité avec ces bandits sans foi, ni loi. Et ces armes, qui circulent dans des taxis et des katakatani. Sans éveiller le moindre soupçon de nos forces du désordre.
Mais avec les patrouilles, organisées de jour comme de nuit, nous espérons venir à bout de l’insécurité. Du moins, dans notre belle et sale capitale.
Ces patrouilles vont-elles durer ou c’est juste pour atténuer la colère des populations, qui accusent l’Etat d’avoir failli à son devoir : la sécurité des personnes et de leurs biens.
Ces patrouilles vont durer. Les bandits et autres fauteurs de troubles doivent savoir que la récréation est terminée.
Mr le président, vous avez toujours dit que votre main reste tendue à l’opposition. Ne s’agit-il pas plutôt d’un poing fermé, prêt à s’abattre sur le premier politicard imprudent ?
En réalité, Soumaïla Cissé et moi jouons au chat et à la souris.
C’est à dire ?
Il sait ce que je veux, je sais ce qu’il veut !
Qu’est- ce que vous voulez, Mr le président ?
Je veux, d’abord, qu’il reconnaisse que je l’ai terrassé à l’élection présidentielle du 26 juillet 2018, qu’il me reconnaisse comme le seul, l’unique président de la République. Avec Boubeye, comme mon messager, urbi et orbi.
Et que veut Soumaïla Cissé, de son côté ?
Que j’ouvre mon gouvernement à l’opposition, donc à ses partisans, et que je le bombarde ambassadeur dans un pays d’Europe.
Qu’attendez-vous, alors, si ceci permettra de dénouer la crise politique actuelle ?
Il y a un préalable à tout cela, Le Mollah
Lequel ?
Qu’il me reconnaisse, d’abord, comme président de la République. C’est la seule condition que je pose. Du moins, pour l’instant.
Et la seconde condition ?
Qu’il reconnaisse que je suis son président, le seul, l’unique. Et que Boubeye est mon messager. Sur terre, sur mer, comme dans les airs.
Mr le président, ne trouvez-vous pas que vous posez trop de conditions à votre jeune frère ?
Je sais ! Mais c’est pour lui apprendre à respecter la « korocratie » ou droit d’aînesse.
Mais là, nous sommes en politique, Mr le président…
Tu sais Le Mollah, Soumaïla Cissé et moi, on se sait. Comme on dit vulgairement. Il sait très bien que je n’aime pas qu’on me bouscule, qu’on me pousse dans mes derniers retranchements. Ce faisant, je sors mes muscles. Et advienne que pourra !
C’est ce qui est arrivé.
Et le pays dans votre guéguerre, qui prend au fil du temps l’allure d’une vraie guerre ?
Le Mali et les Maliens n’ont aucun doute sur mon patriotisme. Pour les autres, je n’en suis pas aussi sûr.
Voulez-vous dire, Mr le président, que vous vous considérez plus patriote que Soumaïla Cissé ?
Hey Le Mollah, ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai simplement dit qu’il n’y a pas de doute sur l’amour que j’éprouve pour ma patrie ; quant à celui des autres, je n’en sais rien. Strictement. Voilà tout !
C’est du pareil au même non ?
Ce n’est pas avec ma bouche que tu vas manger ton piment. Bonne journée !
Canarddechaine.com
Source: Canard Déchainé