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IBK, la seule victoire possible

Une grande agitation sociale et politique a lieu au Mali. Quelles sont les priorités politiques du pays ? La présidentielle est au centre des attentions mais n’est pas le coeur du problème.

La démocratie, le débat public n’est plus l’affaire d’une petite élite mais les citoyens appellent à plus de participation et de contrôle citoyen.

La démocratie arrangée. Il aurait sauvé le Mali d’une crise post-électorale en 2002 -la fabrication de la figure mythologique désintéressée et patriotique. Cependant, dans quelques mois, il risquerait de précipiter le pays dans, cette fois-ci, une véritable crise post-électorale. Soulignons de passage qu’il n’a plus le monopole de ce récit. En 2013, Soumaila Cissé a tout simplement reconnu sa défaite sans pour autant passer de « deal politique » comme ce fut le cas aux législatives de 2002 avec la présidence de l’Assemblée nationale offerte comme lot de consolation.

Qu’est ce que le président IBK gagnera-t-il dans cette histoire ? Sinon à plus diviser les Malien.ne.s, à ne pas pouvoir respecter la Constitution dont il est le garant ou à être mal élu et gouverner dans l’illégimité, dans la contestation ou encore à ajouter une instabilité politique et institutionnelle à la crise sécuritaire -la preuve de son échec. Nous sommes déjà dans une impasse politique et nous nous dirigeons, malgré les fausses bonnes volontés et les appels insincères à l’union des intérêts et non des coeurs, vers une véritable crise politique. Ce n’est pas la personne de IBK qui est au centre de tout mais plutôt la figure du Président de la République à cause de l’hyper-valorisation de cette figure et la personnalisation du pouvoir dans nos démocraties organisationnelles et instables.

Des faits, rien que des faits. En 2013, après un premier tour à 39,79%, le candidat IBK le remporta largement au second tour (77,62%) grâce au ralliement de plus d’une quinzaine de candidats sur les vingt-sept (27) qui ont participé au scrutin présidentiel. Une coalition d’entrepreneurs, de partis et d’associations politiques qui, après les législatives de la même année, se transforma en majorité présidentielle pour soutenir les actions gouvernementales dans la réalisation du projet présidentiel. Par contre, les mouvements au sein de cette majorité hétéroclite permettent d’analyser les forces réelles du président IBK.

« Une majorité molle » ce sont les mots du président IBK pour décrire cette coalition qui perdra plus tard le combat de la mobilisation politique autour du projet de révision constitutionnelle. Pour Mamadou B. Baldé, dans son livre Démocratie et Éducation à la Citoyenneté en Afrique,

 dans les démocraties africaines, la majorité présidentielle, en général, « n’est bien souvent qu’un regroupement hétéroclite de partis aux intérêts divergents (bien plus soucieux des avantages matériels et symboliques du pouvoir) et qui finit presque toujours par imploser du fait de son incapacité à gérer ses propres contradictions internes. »
La majorité présidentielle, c’est d’abord une affaire de partis politiques qui participent aux élections, qui ont des députés et/ou des conseillers municipaux. Dans le discours politique, on donne une force à la majorité qu’elle n’a pas en réalité. Prenons le cas de la représentation nationale. Le Mali n’a pas moins de 200 partis, il y a entre 18 et 20 partis à avoir au moins un siège à l’Assemblée. Et la majorité ne peut plus compter que sur une dizaine de partis tout au plus.

« Présidentielle au Mali : autour d’IBK, une coalition en quête d’unité », dans cet article publié sur le site de Jeune Afrique, Baba Ahmed note qu’ « à quelques mois de l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali, les 64 partis politiques de la Convention de la majorité présidentielle (CMP) commencent à mobiliser leurs militants » tout en précisant qu’ « à cinq mois de l’échéance électorale, deux camps se dessinent au sein de la majorité présidentielle : d’un côté les hésitants, de l’autre les activistes.» En réalité, il n’y a pas 64 partis politiques réels, actifs sur le terrain avec des élus qui composent ce qui reste de la majorité. Le système politique comprend environ 200 partis, cependant, à peine 30 participent aux différents scrutins nationaux, au niveau local, le nombre pourrait être un peu élevé. Ce titre du journaliste Boubou Sidibé, « Les alliés du pouvoir s’étiolent avant la présidentielle 2018 : IBK épaulé seulement par moins de dix partis dont l’ASMA, l’UDD… » publié sur Maliweb, met à nu les faiblesses de la majorité.

Mauvaise gouvernance. La véritable cause de la rupture entre d’une part IBK et les Malien.ne.s qui souffrent de la corruption qui, d’ailleurs, se porte très bien et, de l’autre entre le pouvoir et ses alliés politiques. Boubou Sidibé rapporte, dans le même article, que « c’est le parti SADI d’Oumar Mariko qui avait très tôt donné le ton, suivi par l’ADP-Mali d’Aliou Boubacar Diallo. Tous les deux ont rejoint l’opposition critiquant au passage, la gestion solitaire du pouvoir marqué par de « nombreuses malversations ».»
Il est tellement insultant pour le peuple malien de voir des entrepreneurs de morale absoudre certains péchés pour imposer à la place leurs propres vertus. Il est facile, populiste et démagogique de dire aux autres mettons le Mali au dessus de tout pour les empêcher de voir celles et ceux qui s’en mettent plein les poches. A-t-on mis le Mali au dessus de tout quand on détournait, surfacturait, pratiquait la délinquance financière dans un pays à terre ? Et ces pères-la-pudeur, ces patriotes sentimentalistes manipulent les émotions, combattent les raisons, cherchent et trouvent des justifications aux irresponsabilités de certains gouvernants, ou des boucs émissaires comme la France, faut-il encore se demander sur les réelles intentions de ce pays qui n’a que des intérêts à défendre ?

Des signes qui ne trompent pas. Les forces sociales ne sont plus avec IBK. Les départs de ces représentants politiques du monde paysan à savoir le parti SADI et l’ancien ministre Mohamed Aly Bathily privent l’actuel président de son électorat dans le milieu rural. Le lien est désormais coupé entre IBK et les paysans qui vivent toujours la spoliation des terres agricoles et dans l’extrême pauvreté malgré les promesses du président.

Aussi, IBK ne bénéficie plus du soutien ouvert des notabilités sociales comme le Chérif de Nioro et le président du Haut Conseil Islamique Mahmoud Dicko. Loin d’être de grands électeurs comme dans la sociologie électorale états-unienne, ce sont des notables qui politisent leur estime sociale pour influencer et orienter des votes. IBK en a largement bénéficié en 2013 en se positionnant comme le candidat des “musulmans”. Et le désormais candidat de l’ADP-Maliba, le riche homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo dont les largesses financières ont tant contribué au financement de sa campagne électorale, n’a toujours pas digéré ce qui serait une trahison ou un non renvoi d’ascenseur.

À Bamako et dans les grandes villes, les populations n’ont pas seulement rejeté le projet de révision constitutionnel mais c’était un rejet de la politique menée par IBK depuis son arrivée au pouvoir. Ainsi, elles délégitimaient son pouvoir, elles ne l’autorisaient plus à décider de leur sort en leur nom. La fin de la légitimité politique. Depuis, il existe une crise politique qui, pourtant, bloque tout le pays politiquement.

Des espoirs. Je vais reprendre, paraphraser cette réflexion de Jean Drèze et Amartya Sen dans Splendeur de l’Inde ? Développement, démocratie et inégalités, pour décrire ce vent d’optimisme qui souffle grâce aux nouvelles formes de contestation et de politisation des mouvements politiques, des plateformes citoyennes et des figures sociales à l’image du célèbre chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily (Ras Bath).
Le Mali connait en ce moment une grande agitation, tant sociale que politique. Les discussions et les débats autour des priorités politiques du pays se multiplient. Quantité de sujets écartés depuis longtemps – notamment la corruption, la défaillance de l’administration, les violences contre les femmes, les réformes démocratiques – font l’objet de vives controverses. Et la réflexion n’est plus menée d’en haut mais part désormais d’en bas. Les espaces de discussions publiques se multiplient tout en contournant les partis politiques traditionnels et sans la bénédiction des professionnels de la politique. Les citoyens exigent de nouvelles pratiques démocratiques, ils veulent plus de participation, plus de contrôle citoyen et surtout renverser les logiques de pouvoir entre les gouvernants et les gouvernés.

La seule victoire. Elle sera une victoire sur lui-même. Vaincre ses passions, ses pulsions, ses tensions. Vaincre sa cour et ses affidés. La défaite de IBK n’est pas en soi une défaite mais une victoire citoyenne et populaire. À la fin des fins, le peuple vaincra.

Mahamadou Cissé

Source: mediapart

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