Je l’ai appris, à la suite d’un appel téléphonique du DG de l’ORTM, Alassane Diombélé, que j’appelle affectueusement John. Il m’a annoncé la triste et terrifiante nouvelle en ces termes : « DG, ton ami Ferrah nous a faussé compagnie ».
Ferrah : oui c’est le sobriquet que j’avais donné à l’enfant de Kayendy, le fils de Fambougoury !
J’étais abasourdi et surtout surpris par la nouvelle !
Oui surpris car, même si je te savais très malade, ma surprise s’explique par les assurances de ta brave épouse. Celle qui t’a soutenu jusqu’à tes derniers instants, m’avait rassuré, il y a de cela 48 heures : « Ton ami va mieux, il a même commencé à manger », m’avait-elle annoncé.
J’étais loin de penser que cette relative amélioration était annonciatrice de l’épilogue d’une vie bien remplie, dont plus de la moitié consacrée au journalisme, un métier dont tu as toujours été passionné.
Pour la petite histoire, c’est toi qui m’as encouragé, en 1985 au cours d’une de nos discussions sur un sujet d’ac
+ualité et surtout du traitement de l’information institutionnelle par les journalistes de la RTM, à faire le concours d’entrée au CESTI de Dakar (l’Ecole de journalisme). Nous étions alors tous deux étudiants à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).
Nous nous sommes présentés au prestigieux concours hyper sélectif, et c’est à moi que la chance a souri. Ainsi commençait pour moi l’aventure dakaroise quand toi, tu continuais tes études de Droit à l’ENA.
C’est quelques années plus tard que tu pars t’inscrire à l’Institut Supérieur des Sciences de l’information et de la Communication(ISSIC) de Dakar. L’ORTM t’avait alors donné la chance, à ta sortie de l’ENA, de pouvoir réaliser en partie ton rêve de devenir journaliste, en t’ouvrant les portes de la station régionale pour faire tes premiers pas jusqu’au moment où tu as pu aller te former.
Nanti de son diplôme obtenu à Dakar, Ferrah a vite choisi son créneau, le magazine, qui lui permettait de traiter en profondeur, au-delà du factuel, les questions touchant à l’histoire (comme avec ‘’Cahier d’Hier’’, une de ses émissions phares).
Bref, sa passion était le traitement des sujets de fond.
Même après l’intermède ministériel où il a été Chef de Cabinet, Ferrah n’a pu s’empêcher de renouer sans hésiter avec cette noble passion.
Le dernier magazine qu’il voulait réaliser, et dont le synopsis était prêt, portait sur les Opérations de Développement Rural (ODR), le rôle qu’elles ont joué dans le deveppement de notre pays et les conséquences de leur disparition.
Moussa Amadou Bah, son réalisateur, peut en témoigner : chaque fois que Abass se sentait un peu mieux, il remettait le dossier sur la table. Et je trouvais toujours le moyen de le décourager, parce que malgré sa farouche volonté d’endosser à nouveau le gilet de reporter, son état de santé ne lui permettait pas d’effectuer les nombreux déplacements comme il les affectionnait et qu’imposait la réalisation d’un tel documentaire. Ferrah était trop affaibli par la maladie.
Maintenant qu’il a été arraché à notre affection, la réalisation de ce grand reportage serait un bel hommage que l’ORTM rendrait à Abass, ce passionné de journalisme, ce professionnel désintéressé, exigeant et bourreau du travail, qui a tant donné à l’ORTM, et au-delà à la presse malienne tout entière.
Je m’adresse particulièrement à Moussa Bah, son réalisateur fétiche, qui doit continuer à porter ce projet : ainsi tu te souviendras longtemps d’un homme, il est vrai, pas toujours facile, avec ses coups de gueule permanents, mais sans rancune.
C’était ça Abass.
Dors en paix Dogo.
Ton ami Baly, celui que tu aimais appeler le villageois, l’enfant de Mahina.