Il a été de tous les combats. Combat pour le progrès du Mali. Combat pour la liberté. Combat pour l’épanouissement de ses compatriotes. Combat contre les abus. Combat contre l’injustice. Combat contre les vrais faux démocrates qui ont sucé et continuent de sucer le sang du peuple malien. Combat contre les ennemis intérieurs.
Combat contre les traitres maliens. Combat contre le néocolonialisme. Combat contre l’impérialisme. Bref, contre tous ceux qui pouvaient contribuer à détériorer l’image du Mali, dégrader les conditions de vie et de travail des Maliens et entraver la marche de notre pays. Ces engagements patriotiques et désintéressés lui ont valu: arrestations, humiliations, tortures, prisons, déportations et exil.
Il ne pouvait en être autrement. Membre de la Jeunesse de l’Union soudaine Rassemblement démocratique africain (US-RDA), Baba (père en peul) Victor Sy, puisqu’il s’agit de lui, ne pouvait courber l’échine devant la soldatesque du 19 novembre 1968 qui a renversé le régime nationaliste et progressiste du président Modibo Keïta.
Garder le silence face aux putschistes du Comité militaire de libération nationale (CMLN) était synonyme de lâcheté, de compromission, de trahison des idéaux du président Modibo Keïta et ses compagnons. C’est ainsi qu’il croisa le fer avec les militaires pour le retour du Mali dans le concert des grandes nations. Il subira alors, sur ce long chemin, toutes sortes de pratiques inhumaines et dégradantes infligées à lui par les sbires de la dictature. Il est resté fidèle à ses convictions. Et il se bonifiait à chaque sortie de prison.
L’amour de la patrie, la détermination, l’engagement citoyen, la combativité, la ténacité, le courage de Victor Sy ont fini par séduire ses geôliers et ses tortionnaires. Le capitaine Sounkalo Samaké, commandant du camp Para de Djikonori, dordans son livre, «Ma vie de soldat», témoigne: «La police a amené Victor Sy à la Compagnie para. Il aurait insulté le Comité et l’aurait traité d’incapable. On l’envoie pour être corrigé. Le premier jour on lui a porté le sac à dos avec 10 kilos de sable et il a fait le tour du terrain de volley-ball avec un soldat derrière, muni d’une cravache. Le deuxième jour on a recommencé la même chose. Le troisième jour je l’ai fait venir dans mon bureau pour l’interroger. Pourquoi tu te permets d’insulter le Comité militaire de libération nationale et le traiter d’incapable, particulièrement notre Président Moussa Traoré.
Mon capitaine c’est simple: «Je suis diplômé des écoles supérieures. Vous les militaires vous n’êtes que des illettrés. Vous savez à peine lire votre nom. Je ne suis pas contre le coup d’État en principe; mais si on avait mis quelqu’un de plus valable que Modibo, j’aurais été d’accord mais le remplacer par des incapables ! Je ne suis pas d’accord. Et on me demande de me soumettre; je préfère plutôt mourir que de le faire.
– Est- ce que c’est ta conviction ça ?
– Oui.
– Je t’ai compris; à partir d’aujourd’hui je ne te demanderai plus rien; je ne te frappe plus; vas te coucher dans ta cellule…»»
Symbole de la résistance, le dernier Baobab s’est couché, mardi 21 mars 2023. Il est parti la tête haute. Il a été pour moi une source d’inspiration. Je ne regrette pas d’aller à son École politique.
À sa famille, je présente mes condoléances les plus attristées.
Que l’âme de Baba repose en paix!
Yoro SOW
Source : Inter De Bamako