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Hollande, Edouard Philippe, Medef… à Bamako : les vraies raisons

Le chassé-croisé des autorités françaises dans la capitale malienne n’est pas fortuit. Comme le laisse supposer, les discours avec leurs airs de déjà entendus, les visites des hôpitaux et de la  station de pompage de Kabala… financée par l’AFD( l’Agence Française de Développement). Il a lieu au moment où se tenait, à Bamako, les « Etats généraux du Franc CFA ». Avec, à la clé, la recherche d’une « alternative crédible » au Franc des Colonies Françaises d’Afrique (Franc CFA).

Annoncé dans les 14 pays d’Afrique centrale et occidentale, l’abandon du Franc CFA semble avoir retenti comme un coup de tonnerre dans le ciel français. Qu’ils soient ancien président, Premier ministre, ancien ministre, ou hommes d’affaires, ils reprennent leur bâton de pèlerin pour tenter de dissuader les autorités maliennes de ne pas céder à l’abandon du Franc CFA. Une monnaie qui, au-delà de ses pesanteurs sur le développement des pays où elle a cours, est considérée comme le dernier vestige du colonialisme français en Afrique.

La ruée vers Bamako

Après François Hollande, arrivé à Bamako, vendredi 15 février, c’est au tour du Premier ministre français, Edouard Philippe, de lui emboiter le pas, une semaine après.
Accueilli, dans la matinée, à l’aéroport de Bamako par le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, l’ex-président gaulois, pardon français, devrait visiter le Centre de cardiologie pédiatrique André Festoc de l’hôpital Mère-Enfant le Luxembourg ; tandis qu’Edouard Philippe, lui, serait venu pour annoncer le soutien militaire de la France au Mali ; mais aussi, son soutien au processus politique en cours.
« C’est un message d’appui et de compréhension qu’on va porter, lors des entretiens prévus avec le Premier ministre et le président de la République ».


Et d’ajouter : « La France va rester, pleinement, solidaire des autorités maliennes dans leur effort de lutte contre le terrorisme, c’est le sens de l’effort militaire qu’on fait et il n’y a aucun doute sur sa vigueur et sur sa permanence ».
Pour les besoins de la cause, François Hollande était accompagné de son ex-ministre de l’Economie et des Fiances, Michel Sapin. Et, Edouard Philippe, qui a visité samedi la station de traitement d’eau de Kabala, du MEDEF, le patronat français.
Composées de personnalités, et des moindres, ces deux délégations françaises avaient-elles besoin de se suivre, à la queue-leu- leu pour, uniquement, visiter une station de traitement d’eau ? Ou pour visiter un centre de cardiologie ? Pas si sûr !
Leur présence, surtout en ce moment, est à lier aux « Etats généraux du Franc CFA ». Initié par l’économiste togolais, Kako Nubukpo, il s’est tenu les 16 et 17 février dernier. Soit, le lendemain de l’arrivée de Hollande à Bamako, et clos trois jours, seulement, avant celle d’Edouard Philippe dans notre pays.
Objectif de ces Etats généraux du Franc CFA : trouver une monnaie, qui pourrait remplacer l’ancienne devise coloniale et « servir l’intérêt général ». Chose inacceptable pour la France.
Selon Angela Merkel, la chancelière allemande, et Vladmir Poutine, l’utilisation du Franc CFA, par les 14 pays d’Afrique occidentale et centrale, rapporte à la France 400 milliards de dollars par an.
Dans un tel contexte, comment la France peut-elle accepter voir ces 14 pays d’Afrique abandonner cette monnaie ?
« La monnaie, ce n’est pas que l’argent, elle a des dimensions politiques, économiques et culturelles. Le Franc CFA vient d’une ancienne puissance coloniale, et qui descend du temps du colonialisme », estiment, tour à tour, l’économiste camerounais, Martial Ze Belinga ; l’ancien ministre togolais des Finances, Kako Nubukpo ; Mamadou Coulibaly, l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte-d’Ivoire ; Issa N’Diaye, philosophe malien ou encore, l’Altermondialiste malienne, Aminata Dramane Traoré, tous opposés au Franc CFA.
Et un détail de taille : ces « Etats généraux du Franc CFA » se sont tenus au Mémorial Modibo Keïta, père de l’indépendance malienne, qui a remplacé le Franc CFA par le Franc malien. Avant celui-ci ne soit, de nouveau, remplacé par le Franc CFA, après le coup d’Etat de 1968, qui a renversé le président Modibo Keïta.
Le Franc CFA empêche les pays qui l’utilisent de réinvestir dans leur propre économie, dont nombre sont défaillants. Ils sont, comme on le constate chaque jour, en queue de peloton des indicateurs de développement humain.
Selon di Maio, vice-président du Conseil italien, l’afflux des immigrés vers l’Europe s’explique par l’utilisation du Franc CFA. Cette monnaie coloniale qui, tout en appauvrissant l’Afrique, enrichit la France.
Pour nous, le ballet des autorités françaises à Bamako vise à dissuader IBK de prendre position contre le Franc CFA. Et le « soutien militaire pérenne », auquel Edouard Philippe fait allusion n’est plus, ni moins, qu’un chantage, qui ne dit pas son nom : « Ou vous soutenez le Franc CFA, ou on t’abandonne aux mains des djihadistes, qui menacent ton régime et ton pays ».
Une certitude : il faut plus qu’abject chantage, dont seule la France a le secret, pour dissuader les 14 pays utilisant le Franc CFA de renoncer à son abandon.

La vague anti-Franc CFA

Au-delà des leaders politiques, inféodés comme on le sait à l’Elysée, ce sont les populations, elles-mêmes, qui ne veulent plus de cette monnaie. Laquelle a montré ses limites, soixante ans après les indépendances.
Pour les initiateurs des « Etats généraux du Franc CFA », l’idée n’est pas d’avoir une monnaie juste pour se débarrasser d’une autre ; mais de trouver une « monnaie qui va servir l’intérêt général, ce qui ne nous semble pas le cas du Franc CFA, eu égard à un certain nombre de facteurs historiques et institutionnels », précise Kako Nubukpo.
Les participants ont constitué un Comité provisoire de coordination des états généraux du Franc CFA et des alternatives et proposé une déclaration dite de Bamako, lue à la tribune par l’économiste togolais.
« Le Franc CFA est, moralement, insupportable ; politiquement, inique et, socialement, inadapté et indigne », conclut Mamadou Coulibaly, l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte-d’Ivoire.

Oumar Babi

Source: Canard Déchainé

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