Avec les pluies diluviennes, les tapis, les moquettes et autres linges plus épais sèchent très difficilement après le lavage. Ce qui rend difficile le travail de ces braves garçons
Le travail anoblit et assure l’indépendance. C’est pourquoi, certains acceptent de s’adonner au dur labeur pour gagner de quoi subvenir à leurs besoins. Les hommes qui lavent le linge et les tapis au bord du fleuve en font partie. L’hivernage constitue l’un des moments les plus difficiles de ce métier. En cette période du mois d’août, les pluies fines n’arrêtent pas de tomber certaines journées. Un vrai casse-tête pour les lavandiers. Notre équipe de reportage est allée à la rencontre de ces braves garçons qui opèrent à Missabougou sur un bras du fleuve appelé «Canal».
Pour y arriver, il faut traverser un pont pour piéton. Sur le site : habits, tapis, moquettes, couvertures sont étalés sur les herbes à même le sol. Les pousse-pousse sont garés l’un à côté de l’autre au bord de la route. Nous demandons à un lavandier pourquoi il étale son linge si près de la route. «Nous n’avons plus assez d’espace où mettre nos habits. La montée du fleuve nous oblige à occuper cette partie de la route», répond le jeune homme vêtu d’un tee-shirt blanc. Il ajoute que pendant la saison sèche, les rochers servent à étaler le linge déjà lavé. Il est 15 heures et l’atmosphère est calme sous un ciel légèrement menaçant. Nos lavandiers repartis en petits groupes ont trouvé refuge sous des arbres. Ils semblent savourer l’heure de la pause. Bourama Coulibaly, à la barbe drue, fait partie de l’un de ces groupes. Il exerce cette activité depuis dix ans. Sa spécialité, c’est le lavage des tapis, des moquettes et autres linges plus épais. Il explique que l’hivernage n’est pas une période propice pour son travail. La pluie incessante est une grande contrainte à laquelle Bourama et ses collègues doivent faire face. «Après avoir lavé les habits, la pluie tombe sur le champ, comme si elle n’attendait que ce moment pour t’éprouver», relate-t-il, ajoutant que dans ces conditions le ligne sèche très difficilement. Dans ce genre de cas, le lavandier Coulibaly fait transporter ses linges par une moto tricycle «katakatani». Parfois, à cause de la pluie, les lavandiers sont contraints de garder des linges à laver jusqu’au lendemain ou plus.
LA BÊTE NOIRE- L’état boueux des routes n’ébranle pas le courage de ces hommes. Ils parcourent plusieurs quartiers et font du porte-à-porte à la recherche d’habits ou de tapis à laver. Ceux qui ont beaucoup de clients se retrouvent souvent avec leur pousse-pousse plein de linge. La ronde est facile pour ceux qui ont déjà des clients. « Je viens de Banankabougou. Je vais aux alentours du stade du 26 mars chercher les tapis. Souvent, je n’arrive au bord du fleuve qu’aux environs de midi et je termine le lavage vers 16 heures», précise-t-il. A ces difficultés, s’ajoutent les dommages que peuvent provoquer le courant violent qui peut emporter les vêtements ou les tapis. «Dans ma carrière, j’ai égaré quatre grosses couvertures. J’ai remboursé trois», signale Bourama Coulibaly, l’air navré.
Néanmoins, notre homme reconnait que l’hivernage est une période très rentable car il trouve beaucoup de linges sales. Ceux qui, comme lui, ne lavent uniquement que les tapis peuvent gagner au minimum 5000 Fcfa par jour. Le prix unitaire pour les tapis varie de 1000 à 1500 Fcfa en fonction de leur taille et leur poids. Cette situation favorable a contribué à améliorer la vie de Bourama Coulibaly. « Je me suis marié durant le premier mandat de l’actuel président, dit-il en plaisantant. Son collègue Samba Diarra, allongé sur une natte, parle peul et peine à retrouver le verbe approprié en bambara. « J’ai trois enfants qui vivent au village », indique-t-il avec difficulté. Kali Sosso, originaire du cercle de Niafunké, se trouve d’un autre côté, autour du thé, avec ses camarades qui viennent de son village. Il est âgé d’une vingtaine d’années. Il confirme que la saison des pluies est la bête noire des lavandiers. Il ajoute que ce n’est pas facile de laver les habits à cause de la crue des cours d’eau. « Les rochers sur lesquels nous nous installons pour laver les vêtements et les tapis ont tous été engloutis par l’eau. Nous sommes obligés de rester sur un terrain sableux et glissant », se désole le jeune homme. Et d’ajouter que si les habits ne sèchent pas, ils sont obligés de les amener à la maison. Le pousse-pousse tombe souvent en panne dans ce genre de cas, explique Kali Sosso qui gagne au moins 1500 Fcfa par jour.
L’ambitieux Bourama Coulibaly pense que la moto tricycle peut améliorer ses conditions de travail surtout en cette période d’hivernage où l’accès aux routes est pénible. Il argumente que cet engin à trois roues peut faciliter le retrait et la livraison des habits et des tapis de ses clients.
Mohamed D. DIAWARA
L’ESSOR