Le 24 novembre, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro se sont rencontrés à La Haye, aux Pays-Bas. Les deux hommes politiques, acteurs de premier plan de la crise ivoirienne des années 2000, se sont engagés à œuvrer «pour une réconciliation sincère et non propagandiste en Côte d’Ivoire». Analyse d’une rencontre qui pourrait faire bouger les lignes.
Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, c’est l’histoire d’amis devenus adversaires, voire ennemis, puis de nouveau amis. Leurs chemins ne s’étaient plus croisés depuis 2010. Alors forcément, leurs retrouvailles étaient attendues et pourraient bien rebattre les cartes de la politique ivoirienne au profit de la jeune génération.
Amis avant-hier, ennemis hier et amis aujourdui 🙄
Bienvenue en Côté d’Ivoire.
BONNE NUIT ! pic.twitter.com/Puh8ypY7l0
— Adama DIARRA (@Diarrakai) November 24, 2019
L’un a été le chef de la rébellion de 2002-2011 en Côte d’Ivoire, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et désormais président de Générations et Peuples Solidaires (GPS), un mouvement politique lancé cette année en vue de la présidentielle de 2020.
L’autre a été le leader des Jeunes Patriotes (un mouvement politique qui a soutenu Laurent Gbagbo pendant les années 2000, jusqu’à être qualifié de milice à sa solde), ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo et désormais président de son parti d’opposition de gauche, le Congrès Panafricain pour la Justice et l’Égalité des Peuples (COJEP).
Guillaume Soro et Charles Blé Goudé ont eu des trajectoires croisées, tour à tour au pouvoir et dans l’opposition. Ils se sont surtout longtemps regardés en chiens de faïence, comme l’admet volontiers Charles Blé Goudé. Le premier soutenait l’actuel Président Alassane Ouattara quand le second était le bras droit de Laurent Gbagbo.Ils ne font pas mystère de leurs ambitions présidentielles. Guillaume Soro a annoncé le 12 octobre sa candidature à la Présidentielle d’octobre 2020, tandis que Charles Blé Goudé, encore aux prises avec la justice internationale et ivoirienne, semble se positionner pour celle de 2025.
Quoi qu’il en soit, les deux amis, 47 ans chacun, ont exprimé lors de la rencontre, leur «compassion et leur solidarité au peuple de Côte d’Ivoire pour les traumatismes et les nombreux préjudices subis au cours de la crise». Ils se sont par ailleurs engagés à «œuvrer pour une réconciliation sincère et non propagandiste» dans leur pays, tout en convenant que «la réconciliation doit se nourrir de vérité et de repentance, gage de tout pardon».
Charles Blé Goudé et Guillaume Soro ont également appelé le pouvoir ivoirien «à organiser des assises politiques nationales inclusives en vue de vider tout le passif de la récente crise qui a endeuillé la Côte d’Ivoire et de créer les conditions idoines pour une stabilité et une paix sociale durable.»
Deux leaders populaires qui pourraient faire bouger les lignes en Côte d’Ivoire
Charles Blé Goudé et Guillaume Soro, qui ont tous deux dirigé la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI, principal syndicat étudiant), jouissent chacun d’une popularité avérée en Côte d’Ivoire. Comme le rappelait récemment au micro de Sputnik le politologue Diensia Oris-Armel Bonhoulou, au-delà des trois poids lourds de la politique ivoirienne –Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié– ce sont ces deux jeunes leaders qui ont véritablement animé la crise ivoirienne.
«Un rapprochement entre Charles Blé Goudé et Guillaume Soro, à la veille de la présidentielle de 2020, pourrait considérablement modifier la configuration du paysage politique ivoirien en faveur du rajeunissement de la classe dirigeante. Ainsi, le RHDP du Président Alassane Ouattara, qui n’a finalement pas réussi à casser le PDCI d’Henri Konan Bédié [parti d’opposition de droite, ndlr], craint de voir son adversaire Guillaume Soro bénéficier du soutien d’une bonne partie des pro-Gbagbo fidèles à Blé Goudé», expliquait Diensia Oris-Armel Bonhoulou.
Depuis son départ en février 2019 de son poste de président de l’Assemblée nationale, poussé à la démission par le Président Ouattara, Guillaume Soro est à couteaux tirés avec ses ex-alliés du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP, parti au pouvoir).