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Grogne sociale : La junte miliaire confrontée à sa propre survie !

Avec la fin du Ramadan, Bamako sort de son sommeil. Les militaires au pouvoir affrontent à la fois la grogne sociale et un sérieux malaise au sein de leur propre armée.

La junte militaire qui s’est imposée au nom d’une recomposition politique à venir doit déjà se préparer à affronter toutes sortes de mécontentements sociaux, politiques et sécuritaires. De la manière dont les autorités géreront ces mouvements de colère dépendra leur survie. Faute de quoi, le Mali pourrait replonger dans une nouvelle grave crise de gouvernance.

Que tout change pour que rien ne change!

Que cherchait donc ce quarteron colonels lorsqu’il a pris le pouvoir, en août 2020 ? À remettre le Mali sur les rails de l’ordre, de la justice ? En réalité, les plus avisés ont compris très vite que ces jeunes officiers n’étaient pas des révolutionnaires, qu’ils n’avaient pas le projet de «balayer la maison» à la manière de Thomas Sankara ou de Jerry Rawlings.

Le retour de l’ancien patron de la Sécurité d’État, fidèle de l’ancien président, Ibrahim Boubakar Keïta, la semaine dernière, montre les limites du Mali des colonels. Moussa Diawara qui avait fui le pays après le putsch est arrivé à Bamako sans être inquiété. Lui qui avait enflammé les réseaux sociaux avec les images de son anniversaire fastueux dans un pays en proie à la misère, s’apprête à marier son fils en très grandes pompes…  sous la protection de l’armée qui garde sa maison !

Des parachutes dorés

Il semble que les militaires au pouvoir ainsi que le Président Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane, vivent dans une bulle, coupés des dures réalités. Alors que le pays est sens dessus dessous, les colonels ont deux préoccupations majeures: assurer leur avenir judiciaire et financier. Ils n’ont pas encore réussi à faire voter, par le Conseil National de Transition (CNT), la loi d’amnistie qui devait, selon l’article 23 de la charte de la transition d’octobre 2020, garantir leur immunité.

En revanche, le président du CNT, le colonel Malick Diaw a défrayé la chronique en s’apprêtant à faire voter une loi «anti-précarité» pour les anciens présidents du parlement. Devant le tollé soulevé par ce parachute doré auto accordé, les autorités ont reculé, cependant elles continuent à s’octroyer des postes et militarisent toutes les fonctions administratives. Ainsi, après avoir nommé des militaires comme gouverneurs de région, ce sont les médecins chefs du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bamako et de l’Institut national de santé publique qui ont été remplacés par des médecins des Armées.

Colère sociale, exaspération politique

Pendant ce temps, la tempête sociale approche. L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), le plus grand syndicat du pays a déjà déposé un préavis de grève qui commence à partir du 24 mai, il a été immédiatement suivi par la police nationale, la pénitentiaire et même les personnels des Affaires étrangères, c’est dire si la colère monte…

Mais c’est sans conteste sur le front politique que la transition a le plus de souci à se faire. C’est peu de dire que la sous-traitance de l’élaboration du projet d’une nouvelle Constitution à l’Institut Tony Blair passe mal. Le 10 mai dernier, lors de sa rencontre avec le médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’ancien président Goodluck Jonathan, la figure de proue du M5, Choguel Maïga, a déclaré: «Après plus de soixante (60) ans d’indépendance, une telle décision est une véritable injure à l’intelligence de notre peuple, à l’honneur et à la dignité des cadres maliens qui ont donné la preuve de leur engagement et de leur savoir-faire en élaborant les Constitutions des 1ère, 2ème et 3ème République.»

Un découpage administratif inutile

Un autre feu couve sous la cendre, celui du découpage administratif. Pourquoi diable la transition s’est-elle lancée dans cette réforme complexe et longue au lieu de la laisser au prochain gouvernement légitimement élu ? Mystère. Ce projet de réorganisation territoriale qui voit  les régions passer de 10 à 20, ne tient compte ni de la géographie ni des populations. De plus, le Sud est largement favorisé par rapport au Nord ce qui a pour effets de créer des tensions communautaires, des frustrations totalement inutiles actuellement.

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) qui pourtant participe au gouvernement, puisque trois de ces cadres ont des postes ministériels s’est fendue d’un sévère communiqué: «En procédant ainsi, les autorités de la transition ne semblent pas mesurer l’enjeu et le danger qu’une telle démarche pourrait engendrer pour la paix déjà fragile. Elles ne semblent pas non plus comprendre que sous aucun prétexte, la CMA et l’ensemble des populations de l’Azawad ne sauraient laisser passer cette farce.»

«Des supplétifs de l’armée française»

Moins visibles mais tout aussi dangereuses, sont l’irritation, l’insatisfaction et la fatigue qui règne dans les rangs des Forces Armées maliennes (FAMA). Il ne se passe pas une semaine sans que plusieurs soldats meurent en opérations. En outre, elles n’ont vu aucune amélioration de leur sort, depuis l’arrivée des colonels au pouvoir.

De plus, la transition entretient d’excellentes relations avec la hiérarchie de Barkhane qui pousse les soldats maliens à en faire toujours plus, au point que ceux-ci ont la désagréable impression d’être devenus, selon l’expression d’un officier: «des supplétifs de l’armée française». À Paris comme au Mali, ça râle dans les rangs de la grande muette.

Avant son renversement le président Ibrahim Boubacar Keïta était confronté à des problèmes sociaux-politiques et sécuritaires identiques. Les mêmes causes ne vont-elles pas produire les mêmes effets? Combien de temps la transition pourra-t-elle tenir encore ?

Source: Mondafrique

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