Concession machiavélique ou promesse du caméléon, les magistrats se plient face aux réalités du moment. Ils se plient face à “un tient vaut mieux que deux tu l’auras”. Et cette grève illimitée des magistrats et leur manière se plient face au chef suprême de la magistrature ont permis aux Maliens de comprendre et de décrypter le mystère qui entoure le pouvoir judiciaire.
Leur image est associée à cette force dotée d’un pouvoir correctionnelle. Dans les tribunaux, le magistrat est perçu à la fois comme cet individu capable de détruire la vie humaine sur terre et comme cette omniscience dotée d’un pouvoir absolu et incontestable. Une épithète qui est d’être le leur.
Lors des jugements on voit clairement que seul lui peut décider de ce qu’il faut faire ou ne pas faire et qui doit parler ou se taire, de qui doit rester dans la salle d’audience ou sortir. Ses ordres sont à exécuter à souhait, ces arrêts sont mis en application de façon immédiate. En un mot, il est doté d’un pouvoir absolu. Tout verdict d’un président de tribunal dépendant de l’appréciation qu’il fait de l’affaire en main dont il a le monopole.
Mais à force de montrer qu’on est excessivement fort, on risque de retrouver inébranlablement en situation de faiblesse. Les magistrats sont tombés dans cette dure réalité des faits et des actes de cet adage. Certes, chaque travailleur a le droit d’être dans les conditions nécessaires à l’exercice des tâches qui lui sont dévolues. Mais à l’impossible nul n’est tenu.
Le gouvernement pris à la gorge par les dépenses faramineuses de l’élection présidentielle, ne peut plus encore banquer ou miser sur une autre situation. D’ailleurs, les caisses de l’Etat sont quasi vides et les étudiants de plusieurs facultés sont sans bourses depuis bientôt une année. Sans oublier que les élevés du fondamental qui ont fait le DEF n’ont pas été encore orientés certainement à cause d’un problème financier qui ne dit pas son nom.
Presque mille écoles restent fermées dans le Centre et le Nord du pays. Dans l’effort de concession et de stabilisation du pays, le gouvernement a décidé de payer les magistrats. Une manière de décrisper l’atmosphère très tendue. Mais de leur côté, les magistrats entendent continuer la grève jusqu’à satisfaction totale des doléances.
Deux cahiers pour l’écolier gouvernement
Avec ce recul des magistrats face à l’usufruit du pouvoir du président de la République, ils ont pris la bonne intention d’envoyer leur élève (gouvernement) à l’école pour des cours de mathématiques, d’économie et de calcul mental. Car avec son entêtement, il ressemble à un mauvais élève. Comme tout écolier, il lui faut des fournitures scolaires : deux cahiers déjà remplies non par des leçons que l’élève (le gouvernement) devait apprendre à l’école mais de leurs doléances sous forme d’exigences. Le parent d’élève exige que l’élève lui-même paye non seulement ses frais scolaires mais plus encore : de lui des plumes d’oiseaux, des nattes et un abri pour se reposer sinon…. Mais de toutes les façons, comme l’opposition malienne, les magistrats ont déjà joué toutes les cartes en leur possession.
Les deux cahiers de doléances totalisaient 57 revendications, dont 33 doléances financières et 24 doléances portant sur des questions institutionnelles. L’incidence globale des doléances s’établit à 110 milliards de F CFA.
B. M.
CAHIER DE DOLEANCES DES MAGISTRATS :
Ce que veulent les hommes en robes noires
Les deux cahiers de doléances totalisaient 57 revendications, dont 33 doléances financières et 24 doléances portant sur des questions institutionnelles. L’incidence globale des doléances s’établit à 110 milliards de F CFA. Les magistrats veulent, entre autres :
Doléances à incidence financière
Pour les salaires :
Au niveau de la Cour suprême
Président : 5 000 000 F CFA
Procureur général : 5 000 000 F CFA
Premier avocat général : 4 750 000 F CFA
Vice-président : 4 750 000 F CFA
Conseillers et avocats généraux : 4 500 000 F CFA
Au niveau des autres magistrats :
Magistrats de grade exceptionnel : 4 000 000 F CFA
Magistrats de 1er grade : 3 500 000 F CFA
Magistrats de 2e grade : 3 000 000 F CFA
Indemnités et primes :
Indemnités de judicature : montant unique pour tous les magistrats : 750 000 F CFA par mois.
Prime de logement :
Magistrats de la Cour suprême : 500 000 F CFA
Les autres magistrats : 300 000 F CFA
Prime de monture :
Véhicule de fonction : pour tous les chefs de juridiction et de parquet ;
Prime de monture : 300 000 F CFA pour tout Magistrat ne bénéficiant pas d’un véhicule de fonction.
L’incidence financière de ces différents points de revendications, a été évaluée à environ à 31 milliards F CFA. Cette évaluation fait l’objet d’un tableau joint au relevé de conclusions du rapport du Dialogue national.
Doléances portant sur des réformes institutionnelles :
Les revendications ont été acceptées pour quatre mesures d’ordre institutionnel qui sont :
– élaboration d’un plan de carrière des magistrats et la classification des juridictions.
– élaboration du règlement intérieur du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
– mise en application des dispositions de l’article 8 du Statut de la magistrature relatives à l’installation solennelle des chefs de juridiction et de parquet.
– renforcement du programme de formation de base et de soutien à la formation.
Autres doléances :
– le relèvement du budget du ministère de la Justice à au moins 10 % du budget national à compter de l’exercice 2017 ;
– l’alignement de la Cour suprême sur les institutions de même niveau, au regard de la séparation des pouvoirs, au point de vue des traitements et avantages ainsi que sa dotation en moyens nécessaires à son fonctionnement ;
– le relèvement de la grille indiciaire des magistrats : de 350 à 750 pour le magistrat en début de carrière; de 1100 à 3500 pour le magistrat de grade exceptionnel.
– le rehaussement des indemnités judiciaires à hauteur de 800 000 F CFA pour chaque magistrat ;
– le rehaussement des indemnités de logement à hauteur de : 500 000 F CFA pour le magistrat de la Cour suprême ; 300 000 F CFA pour les autres magistrats.
– l’octroi de primes de responsabilité et de représentation à hauteur de : 500 000 F CFA pour le président et le procureur général près la Cour suprême ; 400 000 F CFA pour les autres magistrats de la Cour suprême ; 350 000 F CFA pour le président de la Cour d’appel, le Procureur général près la Cour d’appel et les chefs des services centraux du ministère de la Justice ; 300 000 F CFA pour tous autres magistrats de la Cour d’appel ou de l’Inspection des services judiciaires ; 200.000 F CFA pour les présidents et procureurs d’instance ; 150 000 F CFA pour tout autre magistrat d’une juridiction de premier degré ;
– l’octroi d’indemnités de recherches à hauteur de 200 000 F CFA pour chaque magistrat de la Cour suprême et le directeur de l’Institut de formation judiciaire ; 100 000 F CFA pour le directeur adjoint et le directeur des études de l’Institut ;
– l’octroi d’une prime de risque de 150 000 F CFA à tout magistrat ;
– l’octroi d’une prime d’installation de 2 000 000 F CFA à tout magistrat qui entre en fonction ;
– la revalorisation des pensions de retraite des magistrats à hauteur de 50 %.
Le Sam exige aussi la dotation en carburant de tous les magistrats ; la réparation des dommages matériels subis par les magistrats lors de la crise du Nord ; l’élaboration d’un plan de carrière des magistrats, leur formation continue ; l’inscription des charges et frais du Sam au budget du ministère de la Justice ; l’octroi au Sam d’un poste au Conseil économique, social et culturel ; l’octroi d’un passeport de service à tout magistrat ; la dotation en véhicule des magistrats de la Cour suprême, des chefs de juridictions et de parquet ; l’adoption d’un programme de logement pour les magistrats et l’exonération pour toute importation faite par un magistrat tous les trois ans…
La Rédaction
Source: Le Point