Au Mali, l’année académique est menacée. Les enseignants, qui ont débrayé pendant cinq mois, sont désormais en arrêt de travail depuis le 17 août. Conséquence directe: les examens officiels ont été reportés. Avec les grèves des syndicats de l’éducation, la crise sanitaire mondiale et le coup d’État du 18 août, les étudiants s’attendent au pire.
Les élèves maliens risquent-ils une année blanche? La période scolaire en cours a été pour le moins mouvementée. Initialement prévue d’octobre 2019 à juin 2020, elle s’allonge au fil des événements. Plusieurs facteurs –à l’instar des grèves des enseignants, de la crise sanitaire qui a renvoyé pendant deux mois les élèves à domicile et tout récemment le coup d’État militaire du 18 août– ont concouru au chamboulement de l’agenda initial.
Et l’arrêt de travail, le 17 août, des syndicats de l’éducation qui réclament des rappels sur les salaires de 2019 n’arrange pas la situation. Cette mesure a d’ailleurs contribué au report des examens du baccalauréat qui devraient débuter ce 14 septembre au Mali.
Qu’est-ce qui bloque?
Pour les syndicats, l’État est le seul responsable de cet état de fait.
En 2019, le gouvernement a majoré de près de 20% les salaires des fonctionnaires relevant du statut général de la fonction publique. Les enseignants au Mali ayant un statut autonome, ils ne relèvent pas, en principe, du statut général de l’État. Néanmoins, ce statut autonome dispose, dans son article 39, que toute augmentation de salaire des fonctionnaires du statut général s’applique «de plein droit» au personnel enseignant, ce que les autorités maliennes, sous le Président Ibrahim Boubacar Keita, ont tardé à mettre en œuvre. Pourtant, le 17 juin, l’État s’était bien engagé à procéder à l’application des dispositions de l’article 39 au plus tard en septembre 2020.
«En réalité, il y a une crise de confiance. Le Premier ministre et le Président de la République n’ont pas tenu leur engagement. Il y a également eu une tentative de falsification du procès-verbal de conciliation, c’est tout cela qui suscite des doutes chez les enseignants. Les classes restent toujours fermées parce que le gouvernement ne s’est pas inscrit dans la légalité», explique à Sputnik Mamady Diakité, chargé de communication du Syndicat des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales.
Entre-temps dans le pays, la donne a changé après le coup d’État militaire qui a renversé l’ancien régime le 18 août. En attendant le gouvernement de transition préconisé par la Cedeao (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) au plus tard le 15 septembre, le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), la junte au pouvoir, a pris le dossier en cours.
Le CNSP en sauveur?
Le CNSP a rencontré à trois reprises les enseignants, début septembre, afin de trouver une porte de sortie de crise. En tenant compte du contexte politico-sécuritaire du pays, il a souhaité appliquer l’article 39 au mois de novembre 2020. Dans un communiqué, il a proposé d’aligner sur le salaire du mois de novembre «un rappel de dix mois, soit de janvier à octobre 2020, avec possibilité de reporter les arriérés de 2019 sur l’année budgétaire de 2021».
Un nouvel agenda refusé par les syndicats de l’éducation. Et pour cause: la veille du coup d’État, le lundi 17 août, les enseignants avaient été reçus par le ministre des Finances Abdoulaye Daffé, de l’ancien régime. Il leur avait promis que le projet de décret d’application passerait en Conseil des ministres le 19 août, pour une application dès le mois de septembre (contre novembre, comme proposé par le CNSP).
Et pour l’heure, les enseignants estiment que seule la mise en œuvre rapide de ce dernier accord peut mettre fin à cette crise de confiance.
«Il y a un principe de continuité de l’État qui fait que le CNSP doit pouvoir appliquer ce dernier accord. Le CNSP peut bel et bien faire un geste, avec un petit retard peut-être, mais l’application elle-même est bien possible. Il suffit que le CNSP signe un décret dans ce sens», explique à Sputnik le docteur Bréma Ely Dicko, sociologue.
Les enseignants, dans un communiqué rendu public le 3 septembre dernier, après trois jours de discussion pour une sortie de crise, disent avoir proposé au CNSP «en lieu et place des alignements et des rappels, de procéder à l’alignement simple sur le salaire du mois de septembre 2020 et puis d’engager des discussions sur le paiement des rappels».
L’espoir reste tout de même permis pour éviter cette fameuse année blanche et débloquer une situation qui inquiète parents et élèves. Ces derniers se sont regroupés autour de l’«Union des élèves et étudiants contre l’année blanche» –qui a vu le jour au Mali en septembre– afin de faire entendre leur voix.
«Il est temps que nous prenions notre destin en main. L’éducation, c’est notre droit et nous n’allons pas permettre à qui que ce soit de nous priver de cela», déclare au micro de Sputnik, Yacouba Diallo, coordinateur général de l’Union des élèves et étudiants contre l’année blanche.
En attendant, l’application pure et simple du fameux article 39 du statut autonome des enseignants reste, depuis 2019, la principale revendication des syndicats de l’éducation au Mali. Il est la cause de toutes les grèves qui ont quasiment paralysé le système éducatif avec la crise sanitaire et le coup d’État militaire –qui a renversé l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keita le 18 août dernier.
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