Le titre est du livre d’Alain Mabanckou mais le contexte est malien. Quand l’auteur congolais écrivait cette œuvre il était incarcéré dans une cellule de 9 mètres carrés, disposant d’un avocat et bénéficiant des avantages dus aux prisonniers des administrations pénitentiaires françaises. Quand est-il des nôtres aujourd’hui ?
Des milliers de présumés auteurs, croupissent dans les maisons d’arrêt dont la majorité en fin des délais d’incarcération. Sans compter ceux dans les geôles des commissariats et brigades de gendarmerie à travers le pays. La plupart d’entre eux se sont retrouvés là par manque de pédagogie ou d’erreur des officiers de police judiciaire, qui font de déferment (sous mandat de dépôt) une preuve de loyauté vis à vis des juges de siège, souvent en porte à faux avec toutes les règles sociales et morales de la vie en société. Surtout si l’on sait que la plupart des individus qui sont jetés en prison sont présumés auteurs des délits banaux, tels, vol de rétroviseurs de voiture, d’antenne TV5, de vieux téléphones ou de coups portés sur des filles de joie. Les dossiers des gros poissons (détourneurs de fonds public, voleurs de grand chemin…) se perdent toujours entre les bureaux du juge d’instruction et ceux des Procureurs. La terminologie appropriée est : dossier retiré pour consultation. Ou droit à la liberté provisoire.
Pour ne pas museler la vie privée de ces compatriotes, qui se sont retrouvés dans ces endroits en majorité par mauvais sort du destin, il sied de garder le silence sur leur souffrance quotidienne avec une dignité souillée dans des excréments. A cause de la grève interminable des magistrats ils ne disposent plus d’une once de droit à la vie, à l’intimité et par ricochet à la liberté.
Mine de rien, ces derniers les pieds dans le whisky et la main dans les soutiens – gorge dansent du ‘’Janjo’’ dans les différents bistrots de la capitale, de ‘’Marena’’ de Lafiabougou au ‘’No Limit’’ de Faladiè. Cela, sans se soucier des sévices qu’ils font subir à des pauvres innocents, dont les cris de détresse sonnent dans leurs oreilles comme un hymne de victoire sur un gouvernement, qui peine à trouver la bonne formule de sortie de crise.
On peut reprocher aux deux syndicats des magistrats de vouloir trop jouer au spectacle, mais pour rien au monde on ne doit se taire sur les impérities du PM Boubèye et de son Gouvernement.
D’abord, après la publication de la liste du Gouvernement, tous les bons observateurs de la scène politique se sont accordés sur le fait qu’un département aussi délicat comme la Justice ne devrait échoir à rien d’autre qu’un magistrat de grade exceptionnel. Cela pour une seule raison. Dans l’esprit des magistrats, la séparation des pouvoirs ne doit pas se limiter au niveau institutionnel, mais aussi dans le profil du tenant du portefeuille de la justice, Garde des Sceaux. C’est pourquoi depuis l’avènement de la démocratie, ils ont toujours réussi à donner du fil à retordre à tous les avocats qui se sont hasardés à vouloir hériter de ce portefeuille. C’est le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga qui avait trouvé la formule en confiant ce département à un vieux magistrat (Hamidou Younoussa Maïga) qui ne pouvait jouer à l’autoflagellation. Cette formule a bien marché, car depuis le départ du tonitruant avocat Konaté, jusqu’à la fin du 1er mandat du président IBK, les syndicalistes ont observé un silence de cimetière. C’est au moment des élections qu’ils ont donné des signes de protestation, qui finiront par être concrétisés en grève illimitée dès la nomination de l’ancien ministre de la Défense à la tête du département de la Justice.
L’autre erreur de casting relève de la conduite observée par le Gouvernement. En trois temps elle a été sanctionnée d’échec.
Au premier temps, on a voulu jouer au bâton, alors que la carte de négociation n’était pas encore jouée. Cela lorsque le ministre des Finances a lancé des menaces de coupe de salaire, du coup, même le populaire respectueux Guide des Ançardines, Ousmane Chérif Haïdara n’a pu que constater le refus des grévistes face à sa sollicitation.
Au deuxième temps, le gouvernement a expérimenté la méthode de l’ancien président AOK, à savoir, tenter la division pour casser le mot d’ordre des magistrats. Là aussi au lieu de s’appuyer sur l’un des deux syndicats, le PM Maïga et son équipe ont jeté leur dévolu sur quelqu’un qui n’avait plus voix au chapitre, car sorti récemment de la petite porte du SAM (Syndicat Autonome de la Magistrature).
Au troisième temps, ils ont choisi de sortir des tiroirs une ancienne loi sur la réquisition. Ce qui a d’ailleurs accéléré la mobilisation des magistrats grévistes, qui sont désormais à la bite et au couteau.
Ce sont les détenus qui en pâtiront. Ils n’ont d’autre choix que de se taire pour mourir.
« L’abus de pouvoir est une violence qui affaiblit la liberté », enseigne la sagesse.
Moustapha Diawara
Le Sursaut