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Général d’aviation à la retraite Mamadou Doucouré, ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air, ex-secrétaire général du ministère de la Défense : « Les hommes ne suivent que le chef militaire en qui ils ont confiance. »

Selon le général d’aviation à la retraite Mamadou Doucouré, aujourd’hui notre Armée est confrontée à un conflit majeur avec la sécurité nationale sérieusement menacée à cause de plusieurs facteurs. Il cite en premier lieu un cycle de rébellions endémiques qui a commencé au Mali au début des années 1960. Un autre facteur de cette menace, poursuit l’officier général à la retraite, a trait à la révolution de 1991, avec l’avènement du multipartisme et de la démocratie, qui a entamé sérieusement l’opérationnalité de nos Forces armées. Finalement, l’armée a été touchée par ce mouvement démocratique, désagrégeant de facto son organisation. Or, relativise M. Doucouré, la démocratie est avant tout un état d’esprit et une culture.

 

«Les cadres subalternes ont compris que c’était l’occasion pour eux de se manifester, de se faire prévaloir, en accusant et en attaquant la hiérarchie militaire », déplore-t-il. Pour lui, cela a été un dommage très sérieux, parce que les chefs militaires se sont retrouvés face à des hommes de troupes, qui ont rejeté la hiérarchie. à l’en croire, ce manque de confiance a été l’occasion d’entamer sérieusement la discipline, qui est la force principale des armées.

Avec le sursaut démocratique, déplore l’ancien secrétaire général du ministère de la Défense, certains hommes politiques pensaient qu’on pouvait se passer de l’armée. Parce que lors de la Conférence nationale, révélera-t-il, il avait été question même de supprimer l’armée, arguant qu’elle est budgétivore et qu’elle ne sert à rien. « Ceux qui tenaient ces genres de propos estimaient que les problèmes pouvaient être résolus politiquement.

Ce qui est une aberration, parce que c’est l’armée le garant de la souveraineté et de l’indépendance nationale », martèle Mamadou Doucouré. La 3è République ayant hérité de cette situation, selon lui, finalement ce mouvement corporatiste des hommes de rang et des sous-officiers était devenu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du pouvoir.

Néanmoins, par la persuasion, les responsables d’alors, particulièrement le ministre de la Défense, feu Boubacar Sada Sy, sont arrivés à circonscrire le problème et à ramener l’ordre et la discipline au sein de l’Armée. En plus de cela, notre armée s’est retrouvée dans une situation marquée par un manque d’équipements pour remplir sa mission de défense de l’intégrité du territoire. Ce, temoigne-t-il, malgré plusieurs aménagements entrepris par le ministre Sy, notamment en essayant de maîtriser les effectifs de l’armée à travers un système d’informatisation. Boubacar Sada Sy a aussi essayé de faire une loi de programmation militaire pour savoir exactement quelles sont les mesures qu’il fallait pour reconstruire et doter l’Armée de locaux décents.

Une autre difficulté touchant à la « Grande muette » qu’a en mémoire le général Doucouré a trait à une première insertion dans l’armée des ex-rebelles avec des grades. Malgré tout, assure-t-il, les responsables de l’Armée ont pu contenir les militaires qui ont accepté cette situation. « Imaginez des gens que vous avez combattus, qui reviennent dans l’Armée avec des galons pour vous commander, cela a créé une situation de malaise, avec une certaine frustration chez les hommes », tacle-t-il.
Mamadou Doucouré indique qu’avec l’arrivée du président Amadou Toumani Touré aux affaires, l’Armée a été encore engagée au Nord dans un contexte marqué par l’insuffisance d’équipements, l’effritement de l’autorité des chefs militaires et un problème d’effectifs. «On formait des hommes rapidement pendant six mois pour les envoyer dans une zone de belligérance.

Ce qui est anormal », fulmine-t-il. Six mois de formation, précise l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air, permettent juste pour un militaire d’avoir des aptitudes, de connaître l’armée, mais pas pour participer à un combat. Pour donner une illustration parfaite de l’état de déliquescence de notre outil de défense de cette période, notre interlocuteur révéle que 70% de nos minutions étaient avariées. Les attaques de plus en plus fréquentes de nos forces dans leurs camps combinées à l’incapacité du commandement de l’époque à gérer les remous nés de ces situations et à l’immobilisme des autorités ont inéluctablement conduit aux événements de 2012 avec un coup d’état.

Quel type d’armée pour faire face à la guerre asymétrique ?

Répondant à cette question, Mamadou Doucouré soutient d’abord que l’Armée reste toujours la même, avec ses missions, sa composition et son organisation. Néanmoins, il souhaite que l’Armée soit débarrassée de la pesanteur politique, préconisant des nominations par mérite. M. Doucouré insiste sur la nécessité de faire confiance aux spécialistes et chefs militaires. « Les hommes ne suivent que le chef militaire en qui ils ont confiance ». Par ailleurs, souligne-t-il, il y a aussi un problème de mobilité, estimant que l’Armée a besoin d’être réorganisée de façon conséquente, avec des équipements qui lui permettent de faire face aux différentes menaces. Selon Mamadou Doucouré, dans une guerre asymétrique, ce qu’il faut surtout, c’est le renseignement au plan terrestre et aérien : avions de reconnaissance, drones, etc.

Aboubacar TRAORÉ

Source: L’Essor

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