Mardi 7 janvier. Le soleil sur Bamako est enveloppé par un léger brouillard matinal. La météo affiche une température minimale de 15°C au Quartier du fleuve, en Commune III. Julienne Sidibé est assise derrière le comptoir de son restaurant, où quelques clients prennent le petit déjeuner, notamment dans la salle à manger.
En attendant l’arrivée de l’eau chaude qu’un employé était en train de faire bouillir, la gérante accepte de s’exprimer sur la pénurie de gaz à laquelle les usagers sont confrontés. D’un ton colérique, la restauratrice juge accablante la situation. «De 7.500 Fcfa, la bonbonne de 12 kilos est vendue entre 20.000 et 25.000 Fcfa aujourd’hui», s’étonne la gérante du Bol De Jade. À la question de savoir comment le restaurant fonctionne, elle s’exclame : «Hé ! Nous utilisons le charbon de bois, car nous y sommes obligés pour pouvoir assurer la continuité du service aux clients».
Comme la gérante de restaurant Julienne Sidibé, les foyers et autres consommateurs maliens sont privés de gaz butane, depuis un mois. La cause ? L’arrêt de fourniture par les importateurs de ce combustible à usage domestique. Ceux-ci disent manquer de ressources financières nécessaires pour acheter, transporter et dédouaner ce produit commercial issu du raffinage du gaz naturel. Rappelons que ce produit dérivé du pétrole est importé de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Ghana.
En effet, au tout début de la pénurie qui prend des proportions inquiétantes, quelques producteurs peinaient à satisfaire la forte demande nationale. Occasion opportune pour des spéculateurs de sortir leur stock visiblement conservé à dessein. Ainsi, dans certains endroits de Bamako, la bonbonne de 6 kilos était cédée à 5.000 Fcfa voire 6.000 Fcfa, contre 3.500 Fcfa. Ces provisions seraient épuisées, à présent. Conséquence : ménages, restaurants, industriels et autres petites activités dépendant du gaz butane, sont paralysés à travers différents quartiers de la capitale malienne. À Bamako Coura, au niveau du siège de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi (ANPE), officient de nombreux kiosques vietnamiens spécialisés dans la vente de nems et de sandwich.
Rencontrée là-bas, une jeune Vietnamienne se force d’expliquer l’ampleur de la situation en langue nationale bambara. «J’ai appelé mon fournisseur, il a répondu qu’il n’y a plus de gaz au dépôt», confie la jeune dame, en montrant du doigt une bonbonne vide de 12 kilos, l’air désemparée. À une centaine de mètres du kiosque, où travaille la vendeuse de nems, le jeune Bouba vend des omelettes qu’il prépare sur du gaz butane. Selon lui, avant la pénurie, la bonbonne de 6 kilos qu’il payait à 3.500 Fcfa pouvait durer plusieurs jours. Comparativement au charbon de bois, «le gaz fait notre affaire», affirme-t-il.
Le manque de gaz a obligé Bouba à se tourner vers le charbon de bois. «Je n’ai pas le choix», dit-il. À côté de Bouba, des clients attendent impatiemment leur commande. Ils accusent l’État d’être le seul responsable de la situation. Selon eux, si la pénurie de gaz a atteint ce stade critique, c’est dû à la négligence des autorités compétentes.
En la matière, précisons que la subvention du gaz butane est gérée au niveau de plusieurs structures publiques. Il s’agit de l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et l’électrification rurale (Amader), le ministère de l’Économie et des Finances et le Trésor public. À l’Amader, la cellule de communication explique que le rôle de son Agence se limite à la collecte des factures des fournisseurs de gaz, faire les mandats des factures et les transmettre au ministère de l’Économie et des Finances.
L’Amader dit avoir déjà effectué ce travail et transmis les factures au ministère de l’Économie et des Finances, assure une source proche de l’agence, ajoutant que les opérations de vérification et d’approbation des documents fournis par les opérateurs gaziers sont réalisées par l’hôtel des Finances. C’est après ces étapes que le Trésor public doit procéder au paiement par des virements bancaires.
Selon une source au ministère de l’Économie et des Finances, les trois premiers trimestres de 2019 ont été déjà payés aux opérateurs gaziers pour un montant global de plus de 6 milliards de Fcfa. Il reste à payer le quatrième trimestre au titre de 2019, reconnaît-il. Ce retard, explique notre source, est dû à la fermeture des crédits au titre de l’année fiscale 2019. Il faudra alors, dit-il, attendre l’ouverture des crédits pour 2020 pour apurer les arriérés de paiement.
Contacté, le directeur de Sodigaz, Oudiari Diawara a dit que leur dernier paiement remonte à octobre 2018, précisant qu’il a reçu à la même période un virement de 50 millions de Fcfa.
Amadou B. MAÏGA