L’éminent chercheur a été conduit samedi dernier en sa dernière demeure au terme de funérailles à la dimension de ses mérites.
Le Professeur Ogobara Doumbo (émérite enseignant-chercheur) s’est éteint à l’âge de 62 ans, le 9 juin dernier, après une évacuation sanitaire sur Marseille. Ce prestigieux parasitologue avait compris que les lendemains meilleurs se jaugent à l’aune des progrès accomplis et se nourrissait de prouesses scientifiques pour entrer et rester dans l’histoire.
Pour l’ensemble de son œuvre (plus de 600 publications scientifiques, 3 livres coécrits, des essais sur plus d’une vingtaine de candidats vaccins, des évidences scientifiques établies, l’impulsion et l’orientation de grandes décisions dans la lute contre le paludisme et des contributions scientifiques de qualité pour le développement de la science), le Pr Ogobara Doumbo a bien mérité de la patrie.
La seule évocation de son nom renvoie à l’excellence parce qu’il incarnait la réussite scientifique dans notre pays et son mérite a été unanimement reconnu et salué par toute la nation.
Des funérailles nationales, présidées par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, lui ont été consacrées, le samedi dernier sur le Boulevard de l’Indépendance.
La cérémonie a, bien entendu, enregistré la présence du Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, des membres du gouvernement dont le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Mme Assétou Founè Samaké Migan, et son collègue de la Santé et de l’Hygiène publique, Pr samba Ousmane Sow, des présidents des institutions de la République, des représentants du corps diplomatique et du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé.
Y étaient aussi présents les anciens Premiers ministres (Ahmed Mohamed Ag Hamani, Modibo Sidibé, Modibo Keïta et Moussa Mara), d’anciens ministres, de sommités de la médecine et de représentants de la communauté scientifique africaine et mondiale.
Le Pr Ogobara Doumbo était porteur de valeurs scientifiques et humaines. Celui qui a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de la recherche sur le paludisme a été une fierté nationale. Il a su travailler à la mise en place d’une équipe compétitive de recherche comme pour expliquer aux détracteurs du continent africain que nous avons, aussi, des compétences.
Avant de regagner sa dernière demeure, feu Ogobara Doumbo a reçu un dernier hommage des autorités et du monde scientifique. Il a été élevé à la dignité de Grand officier de l’Ordre national par le chef de l’Etat. Ibrahim Boubacar Keïta a souligné en cette circonstance, la très grande douleur d’une nation et de toute l’humanité pour la perte de ce brillant scientifique. «Tu as vécu pour l’homme, pour l’autre», insistera le président de la République.
Il a aussi rappelé les multiples efforts accomplis dans la prise en charge du scientifique émérite. «Tes condisciples, maîtres et amis t’entouraient de soins. Ils firent tout ce qui est médicament possible pour te maintenir en vie. Mais hélas. Tu manqueras à la communauté des recherches, mais grâce au MRTC (NDLR, le prestigieux centre de recherche sur le paludisme qu’il dirigeait) et à tes condisciples, nous souhaitons que tes travaux aboutissent», a ajouté le chef de l’Etat. Pour Ibrahim Boubacar Keïta, c’était «un au revoir d’un ami et d’un frère». «Salut l’artiste !», a commenté le président Ibrahim Boubacar Keïta
Les différents témoignages, parfois poignants, s’accordent sur les qualités scientifiques et la dimension sociale du défunt. Celui que la communauté scientifique malienne appelait affectueusement «Ogo» a été non seulement une source d’inspiration pour la jeune garde de chercheurs mais surtout une des plus brillantes intelligences scientifiques dans notre pays.
Il enseignait le respect de l’aîné et de l’humain simplement et était très attaché à ses maîtres. Selon certains , il est demeuré relationnel. Il était aussi lauréat de plusieurs prix scientifiques et avait reçu des distinctions dans son pays et en France, notamment la médaille de la Légion d’honneur.
La fille du défunt, Mme Kouriba Mariam Doumbo, la gorge nouée de chagrin et d’émotion s’est résignée devant la mort qui est phénomène implacable. « Face à la volonté divine, nous sommes là pour te dire au revoir et non adieu. Tu laisses un grand vide dans nos cœurs. Il restera donc de toi, ce que tu as semé. Tu as partagé les valeurs ancestrales que tu nous as inculquées. Tu étais humble et ouvert d’esprit mais surtout un bon conseiller pour nous », a souligné la fille du Pr Doumbo. Elle dit retenir des conseils de son père trois choses : l’intégrité, le courage ou bravoure et le travail qui paient toujours.
La présidente de la Société africaine de parasitologie, Pr Dorothée Kinde Gazard, a aussi fait un témoignage de vie et d’espérance qu’elle a souhaité être d’un réconfort devant le mystère de la mort. Pour elle, dire que le Pr Ogobara Doumbo était un brillant chercheur est un euphémisme, il était plutôt exceptionnel. « Nous avons tous admiré à un moment donné sa grande humilité et il a marqué plus d’un », a-t-elle témoigné avant de préciser que le défunt avait compris bien avant les autres que seul, il ne pouvait aller loin. Pour la responsable de société savante, le défunt incarnait tout simplement l’espoir.
Mme Evelyne Decorps, ambassadeur de France dans notre pays a aussi témoigné de sa tristesse de perdre un ami, une personnalité exceptionnelle dont les qualités de curiosité, de ténacité et d’abnégation l’ont amené à construire l’un des centres africains de lutte contre le paludisme, les plus promoteurs.
Le Pr Abdoualye Djimdé, l’un des fidèles lieutenants du défunt, explique avoir le cœur meurtri mais surtout le corps envahi de tristesse pour témoigner sur son maître. « Il retient de Ogo sa confiance en la jeunesse malienne parce qu’au moment de l’ajustement structurel, il a accepté avec son complice d’alors, le Pr Yehia Touré d’investir en la jeunesse. Ils ont recruté des jeunes non fonctionnaires qui ont été ensuite envoyés en formation en France, en Angleterre, aux Etats Unis et au Canada mais tous sont revenus et servent le Mali.
Grâce à lui, la communauté scientifique a eu confiance en la capacité des Africains à tester des vaccins. Il a aussi témoigné des exigences qui prévalaient toujours dans les négociations de partenariat avec Ogo. Il mettait toujours au devant le renforcement des compétences et le transfert de technologie. Pour le Pr Abdoulaye Djimdé, il est difficile de rappeler toutes les qualités de leur mentor.
Nous retenons simplement de lui, le savant, a-t-il admis. Par ailleurs, il a plaidé pour la création d’un institut de recherche sur lequel Ogobara Doumbo avait commencé à travailler. Il a souhaité que ce projet prenne corps et porte le nom du disparu. Enfin, il a invité ses collègues à l’union sacrée pour pérenniser l’héritage de leur maître.
Toujours dans la série des témoignages, le ministre en charge de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé, rappelleront eux aussi, avec une bonne dose d’émotion, le talent scientifique de Ogobara.
Pour Assétou Founè, il fut simplement un grand homme qui tranquillement, patiemment et avec méthode et détermination s’est préparé intellectuellement et moralement à attaquer le mal qu’est le paludisme qu’il qualifiait de tsunami qui emporte de nombreux enfants et détruit les facultés intellectuelles et de créativité. Mme le ministre a aussi rappelé la riche carrière universitaire de Ogobara dont la préoccupation était aussi de fixer tous les jeunes formés au sein des facultés et laboratoires.
Pour son collègue de la Santé et de l’Hygiène Ogobara a forgé son destin pour devenir une référence mondiale. Se battre pour être parmi les meilleurs, est un défi juste, expliquera le Pr Samba Sow. Il avait auparavant rappelé ce que coûte au monde scientifique la perte tragique d’une telle éminence qui a toujours accompli sa tâche avec responsabilité et une bonne dose d’objectivité.
Il a aussi souligné que le président de la République a décidé de baptiser le Malaria Research and Training Center (MRTC) du nom de Ogobara Doumbo et lorsque le centre sera érigé en institut panafricain de formation et de recherche sur le paludisme, il gardera le même nom.
Mais tous les deux membres du gouvernement sont unanimes sur les brillantes qualités scientifiques du défunt qui restera dans les an nales de la recherche comme une des figures de proue mais surtout un symbole de la compétitivité de la communauté scientifique malienne, africaine à l’échelle planétaire.
Pour sa part, le général de brigade Amadou Sagafourou Guèye, Grand chancelier des ordres nationaux a présenté les condoléances du chef de l’Etat à la famille du défunt avant la mise à disposition du corps à sa famille éplorée. Le brillant scientifique repose désormais au cimetière de Sirakoro Méguétan. Dors en paix «Ogo».
Bréhima DOUMBIA
Source: Essor