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Franc CFA-Eco: qu’est ce qui va réellement changer ?

On  se  demandait,  en  effet  et  à  juste  titre , si  cette «arlésienne» de monnaie unique dans l’espace CEDEAO que les Etats membres envisagent depuis une trentaine d’années, allait être un jour, effective, notamment à cause des multiples reports du projet. Cette fois-ci semble être la bonne, et les Présidents français et ivoirien ont été prolifiques sur le sujet au cours de leur conférence de presse, le samedi 21 décembre 2019 à Abidjan.

L’échéance de 2020, annoncée par les chefs d’Etat de la région et les spécialistes de la question, a été confirmée, et des détails apportés sur ce qui va changer ou demeurer, après la mort du franc CFA qui sera remplacé par l’Eco qui tient son nom du diminutif de l’acronyme ECOWAS (Economic Community of African Startes) qui est l’abréviation anglaise de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

L’Eco sera à terme, et selon le vœu des chefs d’Etat de la sous-région, la monnaie unique de tous les pays de la CEDEAO.

Mais en attendant de remplir toutes les conditions à cet effet, c’est la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) qui servira de pilote avec ses huit pays membres.

Bien plus que le changement de nom, c’est une nouvelle ère que la nouvelle monnaie ouvrira dans la relation souvent décriée entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest, à travers notamment des changements majeurs comme la fermeture du très clivant compte d’opérations ouvert par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest auprès du Trésor français pour y déposer une partie (50%) de ses réserves de change en contrepartie de la convertibilité du CFA.

Le professeur Burkinabé Taladidia Thiombiano, économiste chercheur à la retraite, fait savoir que c’est une surprise générale pour tout le monde, venant d’Alassane Ouattara, défenseur chevronné du franc CFA. « Il a déclaré faire l’annonce en qualité de président en exercice de l’UEMOA, mais c’est peut-être qu’il se cache derrière ce titre pour voiler le fait que la Côte d’Ivoire constitue le poids lourd de l’UEMOA et que toutes les décisions dépendent en grande partie d’elle. »

Et de soutenir : « Mais on peut dire que c’est une victoire d’étape pour tous ceux qui pensaient qu’il faut s’affranchir de cette tutelle de la France. On le considère ainsi, mais cette victoire est vraiment marginale. Du fait qu’il y ait toujours cette parité avec l’Euro, garantie par la France, cela laisse toujours un goût amer. L’objectif n’était pas seulement que le nom Franc CFA disparaisse pour la monnaie de l’UEMOA, mais qu’au sein de la CEDEAO, il y ait une monnaie commune à tous les Etats membres, mais aussi que cette monnaie ne soit pas appariée à l’Euro, contre une garantie de la France.

Ensuite, il y a que la France reste le maître d’œuvre de cette monnaie. Elle donne d’une main et en retient d’une autre. Dans ces conditions, l’Eco reste un sous- CFA ou un néo -CFA. »

Disons-le tout net, la fin du dépôt des réserves de change en France pourrait se révéler être un couteau à double tranchant pour nos dirigeants car ils auront, certes, obtenu ce qu’ils cherchent depuis plusieurs années, mais ils ne pourront plus se servir de notre ancien colonisateur comme dérivatif, comme exutoire ou comme bouc-émissaire quand ça va bouillonner sur les plans économique et social.

Il n’est même pas exclu qu’en accédant en partie, peut-être par dépit, à ces revendications identitaires, le président Macron ait voulu non seulement panser une plaie qui remonte à la colonisation, mais surtout mettre nos chefs d’Etat face à leurs responsabilités, comme il entend d’ailleurs le faire dans le domaine de la coopération militaire, le 13 janvier prochain à Pau.

Et pour rappeler à tous que la France a entendu les messages qui fusent de partout pour dénoncer sa présence encombrante dans les instances de décision de la BCEAO et de l’UEMOA, Emmanuel Macron a accepté, probablement malgré lui, le départ des représentants français de ces deux institutions. C’est certainement là aussi, une façon de dire, sans le dire, que les dirigeants ouest- africains doivent désormais, par le biais d’une  gouvernance irréprochable, assumer toutes les contreparties de l’indépendance politique et tester en grandeur nature leur volonté régulièrement affichée ces derniers temps d’œuvrer pour l’intégration régionale.

Paul Y. N’GUESSAN

Source: Bamako Wews
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