Une décision rendue le 16 février par la Cour européenne des droits de l’homme devrait rappeler à la France l’obligation qu’ont les États, en vertu du droit humanitaire international, d’enquêter sur les allégations sérieuses de crimes de guerre commis par leurs forces.
La décision de la Cour concerne un incident survenu en 2009 au cours duquel des troupes allemandes, présentes à Kunduz, en Afghanistan, dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) de l’OTAN, ont demandé une frappe aérienne sur deux camions-citernes que des combattants talibans présumés avaient capturés. Des habitants de la région, dont de nombreux enfants, s’étaient rassemblés pour siphonner le carburant des camions-citernes.
Aux petites heures du matin, la FIAS a bombardé les camions-citernes à l’aide d’avions F-15 américains. Alors que la FIAS a d’abord contesté les informations selon lesquelles des civils figuraient parmi les victimes, le commandant régional a envoyé une équipe de la police militaire allemande pour enquêter. Malgré plusieurs demandes de l’ONU, la FIAS n’a pas publié la version non classifiée de son rapport ni ses séquences vidéo.
Finalement, plusieurs responsables allemands ont démissionné lorsqu’il est apparu qu’ils avaient dissimulé des informations indiquant que des civils avaient été tués et blessés. Selon l’ONU, l’explosion a tué au moins 74 civils, dont de nombreux enfants.
Dans les jours et les semaines qui ont suivi la frappe, les autorités militaires, judiciaires et parlementaires allemandes ont ouvert des enquêtes pour déterminer si le commandant sur place avait fait preuve de suffisamment de prudence avant d’ordonner la frappe et s’il avait respecté les règles d’engagement applicables. Pourtant, aucune de ces enquêtes n’a débouché sur une responsabilité pénale – seules les fuites d’informations ont entraîné des démissions.
La réponse de la France à la frappe aérienne du 3 janvier au Mali a été beaucoup plus problématique, les responsables affirmant que toute allégation de frappe illégale était une rumeur.
La France prétend que toutes les personnes tuées étaient des combattants islamistes armés. À la connaissance de Human Rights Watch, ni le ministère français de la Défense ni son procureur général n’ont ouvert d’enquête sur les circonstances entourant la frappe de Bounti.
Malgré la pression exercée par certains parlementaires français, le Sénat et l’Assemblée nationale n’ont pas encore exigé l’examen des images classifiées prises par un drone peu avant l’attaque.
La France devrait reconnaître le principe bien établi du droit humanitaire international, réaffirmé par la Cour européenne des droits de l’homme, selon lequel les États sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par leurs forces.
A. Diallo
Source: LE NOUVEAU REVEIL