C’est grave ce qui se passe dans ce pays à l’heure actuelle ! Il n’y a pas un jour où ne nous amène un jeune garçon ou une jeune fille dans état lamentable, suite à un abus de prise de Tramadol”. Ainsi s’indignait un de mes amis neurologues, pour toucher du doigt une plaie qui est en train de gangrener la société : la facilité et la liberté de consommation de Tramadol, ce médicament détourné de son usage médical pour être utilisé comme de la drogue.
Le Tramadol, considéré auparavant comme la drogue des pauvres, parce que consommé par une frange de marginaux, s’est étendu à toutes les couches socioprofessionnelles, pour finalement supplanter le cannabis. Facile à acheter, le Tramadol peut être consommé partout, sans être soupçonné ou sans être inquiété, contrairement au chanvre indien, à la cocaïne ou les autres formes de drogue comme les amphétamines.
Vendu jusque dans les rues, le Tramadol s’acquiert à vil prix auprès de revendeurs de plus en plus nombreux, parce qu’attirés par l’appât du gain facile. Comme cette ancienne vendeuse de sachets d’eau fraiche qui s’est transformée subitement en pharmacienne, sans savoir lire ou écrire. Oui, avec sa bassine pleine de médicaments en tous genres sur la tête, elle fait le même itinéraire tous les jours, pour servir de fidèles clients. Quel est donc ce médicament acheté tous les jours de la semaine par ls mêmes clients ? Du Tramadol !
Il faut comprendre que le commerce de médicaments “par terre”, ce terme générique pour désigner toute vente de médicaments dans les rues ou hors des circuits médicaux et pharmaceutiques, cache un trafic lucratif de Tramadol.
Et le comble, les revendeurs s’approvisionnent vers le grand marché de Bamako, à Dabanani ou au Dibida, dans des magasins qui ont pignon sur rue, avec des stocks impressionnants de médicaments vendus en gros et en détail, comme de vulgaires friandises. Au mépris de la loi et dans une parfaite impunité.
Pourquoi pas ! Lorsqu’une femme qui jubilait pour une recette journalière de 1500 Fcfa, parvient à gagner désormais jusqu’à 10 fois plus dans la journée, et avec moins d’efforts, elle ne sera naturellement pas prête à lâcher l’affaire. Et c’est ainsi que, le bouche à oreille fonctionnant à merveille, les vendeurs de cacahuètes, de jus de bissap, oranges, mangues et autres fruits locaux, se transforment en vendeurs de médicaments “par terre”, comprenons donc de véritables pourvoyeurs de Tramadol.
Il arrive que les médecins prescrivent du Tramadol ou des médicaments qui en contiennent, mais sans jamais dépasser 200 mg par jour, avec des comprimés dosés à 100 mg. Parce qu’à cette quantité, le Tramadol reste simplement un antalgique, même si cela peut, en plus de soulager la douleur, donner quelques effets secondaires, surtout des vomissements. C’est pourquoi, l’utilisation de produits médicamenteux à base de Tramadol doit être encadrée.
Malheureusement, ce sont des gélules et comprimés de 200 mg qui circulent, fabriqués dans des laboratoires au Nigeria, au Ghana et en Guinée Bissau, pour être déversés sur le marché malien. Imaginez alors que des jeunes puissent se permettre, par jour, d’avaler plusieurs comprimés ou gélules de Tramadol dosés à 200mg !
C’est d’autant plus grave que le Tramadol est en train de s’installer dans les milieux scolaires car il n’est pas rare de voir des réseaux de trafiquants s’y activer, utilisant des élèves comme des relais de ce commerce illicite, pour finir par les transformer en trafiquants de drogue.
Comme aussi, les vendeurs ambulants de médicaments commencent à squatter les alentours des établissements scolaires pour y écouler du Tramadol et commencent à être concurrencés par les traditionnels vendeurs de cacahuètes qui cachent sous leur plateau un seau ou une calebasse pleine de tablettes de Tramadol.
De toute façon, la côte d’alerte est atteinte. Si elle n’est d’ailleurs pas dépassée, pour que les autorités en fassent un véritable problème de santé publique et y apporter les réponses pertinentes.
Amadou Bamba NIANG
Source: Journal Aujourdhui-Mali